Rechercher dans ma chambre

mardi, décembre 23, 2008

Je cherche Noël

Je cherche Noël. Ça ne devrait pourtant pas être difficile à trouver dans un trois-et-demie. En outre, j’ai placé des repères facilement reconnaissables, comme le sapin illuminé, l’étoile accroché au-dessus de la porte-fenêtre du salon, les chandelles dorées sur la table, décorées de motifs de houx et surtout, le casse-noisettes d’un mètre de haut, placé près de la télé, parmi les plantes. Dans la chambre, affiché à l’écran d’ordinateur, un fond d’écran de circonstance. Partout dans l’air, désert... euh... des airs, dis-je, des airs de Noël : Pavarotti, Domingo, Fernand Gignac et même Lucien Hétu que nous écoutions autrefois en famille. De plus, question de ne rien laisser au hasard, j’ai quelque peu délaissé les journaux pour concentrer mon attention sur des émissions enfantines comme Ciné Cadeau à Télé-Québec, ou des films comme Harry Potter. L’après-midi, installé à la table, je mange, par petites portions frugales, des galettes au chocolat faites par ma grande sœur, en attendant la livraison du ragoût de boulettes made in La Macaza. Le regard tourné vers l’intérieur, je mastique le temps présent devant le salon soigneusement décoré...

Ces efforts ont toujours suffi.

Mais aujourd’hui...

Aujourd’hui, la magie de la réminiscence n’advient pas. L’affect lié au souvenir n’advient pas.

Ne reste que le souvenir, qui n’a guère de saveur.

Au milieu de mon théâtre des Fêtes, je cherche Noël et je commence à comprendre que, pour la première fois, je n’arrive pas à m’habiter de mon enfance.

Dans la chambre, de la fenêtre je peux voir le petit parc en contrebas. Une phrase de Louis Hamelin me revient : « Tout était blanc autour de moi, et doux et silencieux, tandis qu'une neige aussi légère que du pollen de pissenlit emplissait le ciel de laine grise dans sa descente étouffée » ¹.

Joyeux Noël à tous et à toutes. Je vous embrasse.

Cette photo trouvée sur Internet aurait pu être prise
près de l'ancienne maison familiale, au lac à la Truite

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¹ Hamelin, Louis. « Hommes du Nord ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi 13 et dimanche 14 décembre 2008) (Page consultée le 23 décembre 2008)

mercredi, décembre 17, 2008

Sapin de Noël

Je n’ai jamais compris pourquoi le sapin de Noël avait été renommé « sapin des Fêtes ». Un ami musulman à qui je posais la question n’y comprend rien lui non plus : lui-même fête Noël ! Cette idée universellement stupide n’a pu venir que de gens déconnectés de la réalité des immigrants dont plusieurs sont chrétiens incidemment.

Un article du Devoir, signé par l’anthropologue Daniel Baril, contribuera, je l'espère, à dissiper ce malentendu. Je cite :

Le mot Noël n’a rien de spécifiquement chrétien ni même de religieux au sens actuel du terme. Le mot a deux étymologies possibles. La première serait une contraction du latin natalis (naissance), tiré de natalis dies sol invictus, le « jour natal du Soleil invaincu ». (Noël semble loin de natalis, comme l’a souligné Hubert Laforge dans ces pages, mais on connaît d’autres mots ayant subi des transformations semblables, notamment patella, qui a donné poêle.)

Bien avant l’apparition du christianisme, cette fête était célébrée chez les Romains le 25 décembre, date à laquelle correspondait le solstice d’hiver avant la réforme du calendrier par Jules César. Cette fête du Soleil invaincu était celle de Mithra et a été christianisée au IVe siècle après que l’empereur Constantin eût imposé le christianisme comme religion d’État. Le natalis dies dont il est question dans Noël ne réfère donc pas à la naissance de Jésus, comme le pensent plusieurs, mais à celle de Mithra. Voilà ce que les dictionnaires ne précisent pas.

Une autre origine possible est le terme gaulois noio (nouveau) combiné au grec hel (soleil), ce qui donne noio hel pour nommer le jour du solstice. Que l’on adopte l’une ou l’autre des étymologies, Noël nous renvoie, dans les deux cas, aux fêtes du solstice d’hiver. Même les Vikings s’adonnaient à des festivités à l’approche de ce moment de l’année, festivités appelées yul ; dans les langues scandinaves d’aujourd’hui, Noël se dit Yul, mot que l’on retrouve aussi dans l’anglais classique comme dans le terme yul log, la bûche de Noël.

Coutume celtique

Quant au sapin de Noël, il nous viendrait des Celtes. Plus de 1000 ans avant le christianisme, les Celtes décoraient un sapin (symbole de vie) avec des fruits et des fleurs lors du solstice d’hiver. La pratique serait passée au christianisme par les Alsaciens qui en avaient maintenu la tradition. Mais ce n’est qu’au XIXe siècle que le protestantisme allemand l’a adopté alors que le catholicisme ne s’y est résigné qu’au XXe siècle. Jusqu’aux années 40, l’Église catholique considérait encore le sapin de Noël comme une pratique païenne condamnable. Il est pour le moins paradoxal qu’on attribue aujourd’hui au sapin de Noël un caractère trop catholique !

Ce que certains chrétiens fêtent le 25 décembre, c’est la Nativité. Le fait qu’il subsiste deux termes pour désigner cette date montre qu’il y a là deux dimensions. Les fêtes de familles, les partys de bureau, les festins, les décorations, les échanges de cadeaux et les beuveries sont liées à Noël et n’ont rien à voir avec le Jésus de la crèche. Aujourd’hui, Noël est souligné même au Japon et il faut y voir l’effet de la commercialisation plutôt que celui des missionnaires. Malgré la christianisation des fêtes du 25 décembre, la Nativité n’est en fait pas parvenue à éclipser les fêtes carnavalesques héritées des Saturnales romaines et des réjouissances celtes. De la même façon que Mithra est tombé dans l’oubli, le père Noël a éclipsé le sens religieux de la fête. ¹

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¹ Baril, Daniel. « Noël n'a rien de religieux, le sapin non plus ». (Mardi 16 décembre 2008) (Page consultée le 16 décembre 2008)

mardi, décembre 16, 2008

Suivre sa conscience

Publié le 12 septempre 2008 sur Blogue.ca

L'archevêque de Montréal, le cardinal Turcotte a annoncé cette semaine qu'il renonçait à l'Ordre du Canada qui lui a été remis en 1996. Raison ? Cette récompense vient d'être remise au Dr Henry Morgentaler, célèbre pour avoir défendu toute sa vie le droit des femmes à l'avortement, et devenu pour cette raison l'ennemi de tous les bigots hystériques.

Le cardinal Turcotte affirme qu'en suivant sa « conscience » il ne peut accepter d'être associé à un mécréant, un criminel. Il n'a pas dit le mot criminel, mais c'est tout comme. Il compare l'avortement aux « atrocités de la guerre ». Il faut dire qu'il sait de quoi il parle, puisqu'en cette période électorale il est lui-même sur le pied de guerre, ayant choisi son camp, celui de Harper, pour qui il nous fait un devoir moral de voter. Au passage, le cardinal ne se gêne pas d'admonester les Québécois quant au manque de « profondeur » de leur réflexion sur l'avortement : « C'est un peu comme la guerre, dit-il, à force de voir les atrocités de la guerre en Irak, de voir les pays du tiers monde qui crèvent de faim, on finit par se blinder contre tout cela ». (1)

Justement, monsieur le prélat, justement, la faim. Parlons-en. Qu'est-ce qui tue le plus d'êtres humains ici-bas ? L'avortement, ou le réchauffement climatique contre lequel Harper s'entête à ne rien faire ? L'avortement, ou la production d'éthanol que finance massivement le gouvernement conservateur, et qui est pourtant responsable, selon la Banque mondiale, de 75 % de la hausse du prix des denrées alimentaires de base, production qui a été qualifiée de « crime contre l'humanité » par Jean Ziegler ?

Comptez les morts de chaque côté, monsieur le prélat et, si vous n'êtes pas « blindé contre tout cela », répondez-nous en suivant votre « conscience ».

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(1) Porter, Isabelle. « Le cardinal Turcotte veut relancer le débat sur l'avortement ». Le devoir [En ligne]. (Vendredi, 12 septembe 2008) (Page consultée le 12 septembe 2008)

lundi, décembre 15, 2008

Une boule, là

Le Canada vient de recevoir le prix du « fossile de l’année » et, franchement, si l’heure n’était pas si grave, il y aurait de quoi rigoler.

Comme ce mot, fossile, décrit bien ce qu‘est Harper : un être préhistorique, figé depuis des millions d’années dans des idées qui n’ont jamais évolué, qui ne se sont jamais adaptés aux changements, des idées mortes que le premier ministre nous inflige à chaque jour pour notre bien. Le prix fossile fait évidemment référence aux énergies fossiles, comme le pétrole tiré des sables bitumineux dont les conservateurs sont les promoteurs les plus hargneux.

L’année dernière, à Bali, le Canada, ô surprise ! avait également reçu ce prix remis par le Réseau action climat au pays qui fait le plus obstruction à un accord international permettant de ralentir le réchauffement climatique.

Assailli de toutes parts sur cette question, le ministre de l’Environnement, Jim Prentice, est demeuré absolument crispé, se bornant à répéter mécaniquement que le Canada avait une « approche constructive ».

D’aucuns affirment que la réputation du pays en est gravement atteinte. Big deal. Si les fins esprits progressistes ne se reconnaissent plus dans le nouveau visage de primate du Canada dans le monde, ils n’ont qu’à retourner le miroir et regarder ailleurs. Par exemple en Afrique, où le réchauffement climatique fait des ravages. Le Haut commissaire adjoint de l’ONU pour les réfugiés, un certain Johnstone, révélait que d’ici la moitié du siècle, le nombre de réfugiés climatiques augmentera de 250 millions, ou 6 millions par année, déstabilisant des États fragiles, générant des conflits, semant le chaos. Cette conclusion, résultat d’analyses sérieuses menées par des gens qui n’ont nullement intérêt à inquiéter inutilement le bon peuple, me fait une boule là, à la jonction des côtes, je vous jure, une vraie boule dont je sais pas trop quoi faire comme d’habitude.

Peut-être l’accrocher au sapin parmi les boules multicolores, mais de manière à ne pas trop la voir.

C’est Noël après tout.

samedi, décembre 13, 2008

Culture de la distraction

Alors qu'a lieu à Poznan la conférence sur le climat, un bref commentaire de Louis-Gilles Francoeur nous ramène, une fois de plus, à nos propres comportements de consommation, à cette culture de la distraction, de la légèreté, dans laquelle nous baignons névrotiquement et qu'un voile de mauvaise conscience vient à peine ombrager de temps à autre. Je cite :

Selon le dernier inventaire de l'Union internationale pour la conservation de la nature, 19 % des coraux de la planète ont été stérilisés ou « blanchis » par le réchauffement des mers depuis une décennie. L'augmentation constante des concentrations de CO2 dans l'atmosphère terrestre pourrait faire disparaître le reste d'ici 20 à 40 ans en raison de notre gaspillage d'énergie dans nos maisons trop grandes et nos gros 4x4 et voitures inutilement puissants. On ne pense pas assez souvent, quand on pèse sur l'accélérateur, qu'on fait disparaître à jamais quelques grammes d'une énergie qui a pris plus de 100 millions d'années à se constituer et dont la contribution au réchauffement du climat va réduire à l'autre bout de la planète les ressources alimentaires d'humains aussi réels que nous, comme certains des 500 millions de personnes qui dépendent des récifs coralliens pour survivre. (1)

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(1) Francoeur, Louis-Gilles. « They Shoot Horses, Don't They ? ». Le Devoir [En ligne] (Vendredi 12 décembre 2008) (Page consultée le 13 décembre 2008)

dimanche, décembre 07, 2008

Ma soirée de hockey

Défaite de Jean Pascal hier. Puis défaite du Canadien. J’avais un peu la gueule serrée. Pour arranger les choses, il a fallu que je tombe sur l’éditorial de Pratte entre la deuxième et la troisième période du match. Ce connard de Pratte, c’est à croire qu’il me cherche. Paraît donc que jamais Harper n’a remis en question la légitimité du Bloc ni aiguisé le ressentiment anti-Québec. Quant au mot « séparatiste » que le premier ministre n’a jamais osé prononcer en français, synonyme pour lui de « traître », Pratte ne le considère nullement péjoratif. La preuve : le Petit Robert ne relève aucun usage en ce sens...

Tout l’après midi, c’est-à-dire à partir du moment où je me suis trouvé au fauteuil, un malaise physique m’a tenaillé, insidieusement au début, puis franchement, nettement, avec des pointes presqu’incisives, une fois ce malaise illuminé par la douleur. M’en suis retourné au lit à 19 h, fatigué. La défaite du Canadien m’a achevé. Moi qui n’attend rien d’autre du sport que d’être enveloppé dans l’énergie positive de la victoire et de l’invulnérabilité. À 22 h, pour ne pas céder tout à fait à cette humeur de fin des temps, j’ai mis le DVD de Planète Terre. Voyager à travers les splendeurs de notre émouvante planète. S’échapper. Le thème des montagnes m’a attiré, j’ai cliqué. Mal m’en a pris. En voyant l’Himalaya défiler devant mes yeux, mon malaise s’est élevé jusqu’à l’angoisse : le silence insoutenable de ces crête blanches, l’oppression de cette masse d’éternité... Transi dans ma vulnérabilité, ma fragilité, ma finitude, j’ai tout éteint. Puis Catia est arrivée pour m’installer pour la nuit. Une mauvaise nuit.







mardi, décembre 02, 2008

Un Québec fort dans un Canada uni

Il est assez révélateur de voir de voir des journaliste comme Lysiane Gagnon et André Pratte, de La Presse, s'indigner de la formation d'une coalition prête à prendre le pouvoir. « Un putsch », (1) s'exclame Gagnon. Pratte ne va pas aussi loin, mais son malaise est évident lorsqu'il parle d'une coalition « étrange », de « contorsions idéologiques »... (2)

Nos deux antibloquistes se donnent beaucoup de mal pour ne pas voir une réalité toute simple : l'opposition n'a pas le choix. Comme le mentionnait la chroniqueuse Chantal Hébert, le gouvernement conservateur a rompu le fragile lien de confiance avec les partis d'opposition en cherchant à tarir leur source de financement, en s'attaquant bassement à leur survie-même. Un conseiller du premier ministre avouait d'ailleurs s'inspirer des guerres puniques, la troisième de ces guerres ayant mené à l'écrasement définitif de l'ennemi carthaginois. Voilà qui est réconfortant pour Stéphane Dion ! Rien ne peut garantir que Harper, qui a remisé son projet devant la contre-attaque des coalisés, ne le ressortirait pas dans six mois si ceux-ci prenaient le risque insensé de ne pas le renverser aujourd'hui. À ce moment-là, il serait trop tard : les partis d'opposition ne pourraient s'opposer au projet sans entraîner la chute du gouvernement et le déclenchement d'élections. Ce danger n'a que rarement été évoqué jusqu'à présent. Pourtant il est au coeur du problème.

Au fond, ce qui agace tant l'engeance antibloquiste, c'est de voir le Bloc si près du pouvoir, si manifestement utile dans un rôle qui le met en valeur. Rappelons-nous que tout l'argumentaire contre le parti de Gilles Duceppe, asséné élection après élection, sans relâche, repose sur sa prétendue inutilité. Cet argument aujourd'hui vient de tomber. L'engeance n'a plus qu'une flèche dans son carquois, la vieille rangaine consistant à dépeindre le Bloc comme un parti « séparatiste », le Mal incarné, alors que nous pressentons tous très bien que l'option séparatiste, par ailleurs légitime, n'est plus un facteur, ni à Ottawa, ni à Québec.

Au-delà de la campagne de propagande qui se met en place, il n'est pourtant pas difficile de constater que les Québécois sont sur le point d'obtenir ce qu'ils ont toujours voulu : un parti représentant un Québec fort dans une coalition représentant un Canada uni.

Cette volonté n'est-elle pas légitime elle-aussi ?

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(1) Gagnon, Lysiane. « Un putsch, rien de moins ». Cyberpresse [En ligne]. (Mardi 2 décembre 2008) (Page consultée le 2 décembre 2008)

(2) Pratte,André. « Vaudeville à Ottawa ». Cyberpresse [En ligne]. (Mardi 2 décembre 2008) (Page consultée le 2 décembre 2008)

samedi, novembre 29, 2008

Dindons de la farce

Au secours ! À l'aide ! J'étouffe !

Tout l'après midi, sur RDI, les mêmes nouvelles, en boucle. À toutes les demi-heures le même Charest répétant effrontément que la crise politique qui sévit à Ottawa est la preuve qu'en ces temps d'incertitude, ce qu'il faut, c'est la stabilité d'un gouvernement majoritaire, précisément ce qu'il demande au Québécois et blablabla...

Pus capable !

Je vais éteindre la télé.

Mais ce n'est pas encore assez. L'écoeurement a créé une telle charge d'agressivité... Vous vous imaginez, moi, agressif !? Moi qui fait à peine plus de 30 kilos. Un gros dindon. Je sais pas si c'est à cause de l'Action de grâces, mais c'est justement ce pour quoi nous prend Charest : un troupeau de dindons. Dindons d'une farce qui ne prendra pas fin, comme nous pourrions l'espérer, le 8 décembre.

Farce, vaudeville du cynisme politique

jeudi, novembre 27, 2008

Pourrissement

Charest n'a jamais voulu diriger le PLQ. Le Québec ne convenait pas à son ambition, n'offrait qu'un horizon limité, « provincial », étriqué. Largué ici contre son gré par le Parti conservateur, son propre parti dont il était le chef, il a mis plusieurs années à s'adapter. Cette adaption maintenant faite, elle ne peut toutefois occulter une évidence fondamentale : cette homme n'a aucune vue particulière sur le Québec qu'il dirige pourtant depuis six ans.

Prenons l'exemple de Harper. On peut bien penser ce qu'on voudra du chef conservateur, on ne saurait l'accuser de ne pas avoir une idée précise du Canada qu'il souhaite créer. C'est d'ailleurs pourquoi il est tant détesté par plusieurs et tant aimé par d'autres.

Chez Charest, rien de tel. Pourquoi ? Parce que le projet souverainiste, qui a structuré la vie politique québécoise pendant 40 ans, qui était la source de sa vitalité, est à l'agonie. Son absence remarquable au cours de la présente campagne explique le vide ressenti par les citoyens. Charest a d'abord été largué à la tête du PLQ pour faire la lutte à un Lucien Bouchard perçu comme une menace par Ottawa. Lors des deux dernières campagnes, il lui a donc suffit d'attaquer comme d'habitude les visées souverainistes de Landry, puis de Boisclair. Mais voilà : le PQ de Pauline Marois a pratiquement fait le deuil de son projet fondateur. Du coup, Charest apparaît pathétiquement nu, vide d'idées, de projets pour le Québec.

Et là est le danger. Le PLQ se présente plus que jamais comme un parti d'intérêts. Son projet, c'est le pouvoir, tout le pouvoir, mis au service d'intérêts privés. Et bonjour le clientélisme, le favoritisme, les PPP dans tous les secteurs où il y a de l'argent à faire : énergie, infrastructures, santé...

Ainsi, avant de quitter la vie politique cet été, le titulaire de la Santé, Philippe Couillard, signait un arrêté ministériel favorisant son nouvel employeur en allongeant la liste des traitements médicaux qui pourront maintenant être dispensés dans les cliniques privées. (1) Mais ce n'était pas encore assez : à la demande des médecins spécialistes, cette liste peu de temps après a encore été modifiée afin d'inclure des chirurgies sous anesthésie générale, régionale et locale. (2) Le secteur des infrastructures est aussi ciblé. Le parachèvement de l'autoroute 30 en PPP coûtera vraisemblablement des centaines de millions aux contribuables selon des récentes révélations (3) (4) (5) Le troisième programme de minicentrales hydroélectriques ne permettra aucun accès du public aux documents d'appel d'offres, d'analyse des propositions, aux contrats entre les municipalités et les partenaires, empêchant ainsi l'analyse indépendante de la rentabilité des projets, des sommes versées aux municipalités, des ententes avec Hydro-Québec et les promoteurs...

Ces exemples parlent d'eux-mêmes. Lorsqu'un parti garde le pouvoir trop longtemps, il ne peut échapper au pourrissement de son éthique de la gouvernance. C'est ce qui est arrivé au Parti libéral du Canada, comme nous l'a révélé le scandale des commandites, et c'est ce qui est en train d'arriver au parti de Jean Charest, qui sera bientôt réélu pour un troisiôme mandat, du jamais vu depuis Duplessis, et qui n'a jamais eu d'autres projets que celui d'une « réingénérie » conçue comme une dilapidation du bien public.

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(1) Lacoursière, Ariane. « La CSN et la FTQ tentent de stopper le développement du privé en santé ». Cyberpresse [En ligne] (Jeudi 27 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(2) Beauchemin, Malorie. « Couillard a ouvert la porte au privé avant de quitter ». Cyberpresse [En ligne] (Mecredi 20 août 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(3) Francoeur, Louis Gilles. « Prolongement de l'A-30 en PPP - Québec a versé 27 millions à des consultants ». Le Devoir [En ligne]. (Mercredi 19 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(4) Francoeur, Louis Gilles. « Autoroute 30 - Les ingénieurs du gouvernement contestent les chiffres de l'Agence des PPP ». Le Devoir [En ligne]. (Vendredi 7 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(5) Francoeur, Louis Gilles. « A-30 en PPP : les contribuables épargneraient 751 millions ». Le Devoir [En ligne]. (Jeudi 6 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

mardi, novembre 25, 2008

Une campagne nuisible

« Pendant une campagne électorale, la fonction publique est au neutre. Après ça, une fois l'élection passée, il faut constituer le conseil des ministres, il faut commencer à préparer la nouvelle session. Ça, ça veut dire que pendant trois mois, à toutes fins pratiques, tout est arrêté. »

Ce commentaire que Jacques Parizeau a livré à Tout le monde en parle est limpide et sans appel : non seulement la présente campagne électorale est inutile, elle est nuisible. Nuisible parce que le temps presse, la crise s'aggrave de jour en jour. Sur Cyberpresse on peut lire aujourd'hui ce mot d'ordre d'Obama : « Il faut agir tout de suite ».

Que fait Charest ? Il lance sa stratégie de réélection majoritaire. Son slogan est une fumisterie : « L'économie d'abord ». Si ce n'est pas être cynique...

Parizeau critique également un autre élément de la réponse du PLQ à la crise actuelle : « Les banques sont en train de restreindre le crédit au petites entreprises, aux moyennes entreprises en particulier. Ça, ça risque de faire pas mal de chômage. On a créé au Québec un instrument qui s'appelle Investissement Québec, qui a exactement ce qu'il faut pour aider à cette situation-là, c'est-à-dire des garanties à des entreprises. Qu'est-ce qu'il devrait faire le gouvernement à l'heure actuelle ? Aller voir le président d'Investissement Québec pis leur dire : ouvrez le robinet, donnez plus de garanties. Dans le programme de Mme Forget [présidente du Conseil du Trésor], là, le document économique qu'elle a sortie, c'est pas ça qu'on fait. On dit : on va créer un nouveau programme... C'est pas comme ça qu'on gère. Y'a une urgence. On se grouille ! »

Mais créer un programme est beaucoup plus rentable, du point de vue de l'image politique, que donner de simples consignes à des fonctionnaires. Parizeau, grand serviteur de l'État, n'a jamais été un grand politicien, au contraire de Charest, politicien habile, mais piètre serviteur de l'État. Ce sens du service de l'État dont est dépourvu Charest est d'ailleurs ce qui le distingue le plus des chefs péquistes comme Lévesques, Landry, aussi bien que des chefs libéraux comme Lesage et Bourassa.

Mais les électeurs ne semblent guère se soucier de ce manquement à l'éthique politique de leur premier ministre. Non sans conséquences.

J'y reviendrai.

vendredi, novembre 21, 2008

Génocide

Certains se souviendront peut-être de cet irrésistible personnage appelé Peau de la Vieille Hutte (Old Lodge Skin), vieux sage d'une tribu cheyenne qui assiste, dans le film Grand petit homme (Little Big Man) à l'extermination de son peuple par les Blancs. L'homme qui incarne ce personnage, pour lequel il fut nomminé en 1971 aux Oscars à titre de meilleur acteur de soutien, est lui-même un chef amérindien, de la nation Tsleil-Waututh en Colombie-Britannique. Son nom à la naissance était Tes-wah-n, ou Dan Slaholt. Il fut changé pour Dan George à son arrivée, à l'âge de cinq ans, dans un pensionnat où il lui fut interdit de parler sa langue. Arraché de force à sa famille, Chief Dan Slaholt a témoigné plus tard de cette expérience traumatisante. C'est ce témoignage que j'ai retrouvé dans un vidéo très touchant. Chief Dan Slaholt est décédé en 1981, mais le vidéo, intitulé Unrepentant : Kevin Annett and Canada's genocide, date de janvier 2007. Prenez le temps d'en regarder la première partie, présentée ici avec sous-titres français. La version intégrale sans sous-titres est disponible ici.

Rappelons que le Canada refuse toujours de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Je vous invite, enfin, à signer la pétition Stop Complicity in Genocide.

jeudi, novembre 13, 2008

Jeudi, 13 novembre 2008

Il y a un an, jour pour jour, mon père rendait son dernier souffle. Le jour de mon anniversaire. Un étrange hasard, dont je n'ai pu rien tirer. Encore aujourd'hui, la question reste entière : quel est le sens d'une vie ? La filiation nous enracine si l'on veut bien, mais après ? Avec l'affaiblissement des forces vitales, la routine change, se durcit. Le corps s'impose jusque dans les gestes les plus triviaux, lesquels forment une sorte d'emmurement du quotidien. Pourquoi tant d'efforts ?

Mon père, dans sa petite chambre de CHSLD, cueillait le plaisir là où il se trouvait : la gentillesse d'une préposée, le sourire de l'infirmière, un repas et, au fond de sa conscience parfois troublée, une image, un souvenir, un rêve.

Aujourd'hui, le temps me pèse un peu. Et puis ce poème, « Art poétique », de Miron, qui m'habite :

J'ai la trentaine à brides abattues dans ma vie
je vous cherche encore pâturages de l'amour
je sens le froid humain de la quarantaine d'années
qui fait glace en dedans, et l'effroi m'agite...

je suis malheureux ma mère mais moins que toi
toi mes chairs natales, toi qui d'espérance t'insurges
ma mère au cou penché sur ton chagrin d'haleine
et qui perds gagnes les mailles du temps à tes mains

dans un autre temps mon père est devenu du sol
il s'avance en moi avec le goût du fils et des outils
mon père, ma mère, vous saviez à vous-deux nommer
toutes choses sur la terre, ô mon père, ô ma mère

J'entends votre paix
se poser comme la neige...

vendredi, novembre 07, 2008

Très drôle, en cette période de déroute financière

Visionné sur Cybersolidaires, ce court film de Jonathan Browning (États-Unis) qui a remporté le grand prix du 10e Festival international des Très Courts.

Très drôle, en cette période de déroute financière

mercredi, novembre 05, 2008

All things are possible

J'avais parlé de racisme. Je m'étais trompé ; il n'a pas obtenu la majorité du vote blanc, c'est vrai, mais Kerry non plus en 2004, ni Gore en 2000.

J'avais parlé de fraude électorale. Et il y en a eu, inévitablement, mais pas au point d'écrire à sa mère.

Hier au soir, c'est l'Histoire qui s'est écrite, devant des millions et des millions de gens émus.

J'étais au lit, les yeux rivés à l'écran. Quand ils ont finalement annoncé qu'Obama était le nouveau président élu des États-Unis, Catia, ma préposée et amie haïtienne, s'est mise à crier dans le salon comme je ne l'avais jamais entendue crier avant. Une folle. Elle sautillait partout.

Vers 23 h 15, revenue à elle-même, elle a voulu m'installer pour la nuit. J'ai résisté, usant de mon autorité imaginaire :

C'est ça, hein, t'es jamais pressée d'arriver, mais toujours pressée de partir !

À 23 h 45, il est enfin apparu, à Grant Park, devant une foule électrisée, et il a dit cette phrase toute simple que j'ai comprise pour la première fois :

If there's anyone out there who still doubts that America is a place where all things are possible...

mardi, novembre 04, 2008

Fraude électorale - Suite

Un article du Devoir (1) vient aujourd'hui valider, en quelque sorte, les informations contenues dans un autre article, du journal Le Grand soir celui-là, (2) excellent, et que j'ai présenté dans mon dernier billet.

Voici un extrait du Devoir :

Huit ans après le recomptage mémorable en Floride, quatre ans après la contestation du vote dans l'Ohio, l'Amérique ne peut donc pas écarter un nouveau scénario catastrophe pour cette élection. « Avec les votes anticipés, on pourrait penser qu'on a tiré les leçons du passé, mais pas vraiment, explique Michael Waldman, le directeur du Brennan Center for Justice, qui milite pour un changement de système. Nous sommes face à une série de facteurs qui peuvent entraîner le chaos. D'une part, il va y avoir les nouveaux inscrits, d'autre part, les problèmes avec les machines électroniques. Et puis reste la fraude qui peut intervenir, car aux États-Unis le scrutin est géré au niveau local. » Barack Obama pourrait ainsi ne pas bénéficier à plein de la vaste campagne d'inscription sur les listes électorales qu'il a lancée depuis de longs mois.

Selon les derniers chiffres, plus de 8,5 millions de nouveaux votants ont été enregistrés cette année, mais avec eux, les problèmes se sont multipliés. Dans le Colorado par exemple, le secrétaire général de l'État, un républicain, a refusé 6000 nouveaux inscrits, sous prétexte qu'ils n'avaient pas coché une case avant de donner leur numéro de sécurité sociale. L'affaire a été portée devant la justice par les démocrates, mais n'a pas encore été tranchée. En Pennsylvanie, les troupes d'Obama ont dénoncé le fait que personne n'ait informé les électeurs nouvellement recrutés qu'ils devraient présenter une pièce d'identité pour aller voter, alors qu'aucun justificatif n'est nécessaire pour ceux ayant participé à au moins deux cycles électoraux... [...]

Paradoxalement, la modernisation du système électoral et des machines à voter n'a rien arrangé. Après la débâcle de 2000, le Congrès a imposé à chacun des 50 États américains de créer une banque de données d'électeurs, en enregistrant tous les républicains, les démocrates et les indépendants, grâce à leur permis de conduire ou leur numéro de sécurité sociale. L'objectif était simple : éviter les fraudes et pouvoir vérifier l'identité de ceux qui se présentent aux urnes. Seul problème : les nombreuses erreurs typographiques qui existent sur les papiers officiels. Dans un exercice « à blanc » en août, le Wisconsin a pris un échantillon de sa population et a tenté de mettre en adéquation les noms figurant sur les cartes électorales et les noms emmagasinés dans sa nouvelle banque de données. Avant de constater un pourcentage d'erreur supérieur à 20 %. Il y a encore une semaine par exemple, Samuel Joseph Wurzelbacher, le fameux « Joe le Plombier », n'aurait pas pu voter. L'Ohio s'est rendu compte que son patronyme avait été mal orthographié par les autorités de Lucas County. (1)

Les républicains vont-ils réussir à voler également cette élection historique ?

C'est ce que nous saurons bientôt.

__________

(1) Libération. « Le spectre du chaos électoral ». Le Devoir [En ligne]. (Mardi 4 novembre 2008) (Page consultée le 4novembre 2008)

(2) « Etats-Unis : comment voler une élection ». Traduit par Le Grand soir de : Robert F. Kennedy Jr et Greg Palast. « Block the Vote ». Rolling Stone Magazine [En ligne] (Jeudi, 30 octobre 2008) (Page consultée le 31 janvier 2010)

lundi, novembre 03, 2008

Fraude électorale

Les républicains peuvent compter sur le vote des Blancs, mais ce pourrait ne pas être suffisant, car, tout de même, les mentalités ont évolué depuis 50 ans et bien des électeurs « caucasiens » n'en ont rien à foutre de la race. Aussi les troupes de Bush ont-elles recours à la fraude électorale pour garder le pouvoir. C'était vrai en 2000, comme on sait. Ce qu'on sait moins, c'est que la nouvelle loi électorale, la loi Help America Vote Act (HAVA), votée en 2002 afin justement d'éliminer le risque d'un autre humiliant imbroglio politico-juridique, ne met pas à l'abri des manoeuvres frauduleuses. C'est ce que révèle un excellent article (1) paru dans Le Grand soir.

Dès « l’origine, la HAVA fut déformée par le travail du super lobbyist Jack Abramoff qui fit tout pour intégrer un maximum de clauses dans le texte qui soient de nature à favoriser » (1) les républicains.

Ce n'est ainsi pas un hasard si, depuis 2003, selon la Commission d’Assistance Électorale US, au moins 2,7 millions de nouveaux électeurs se sont vus refuser leur inscription sur les listes électorales.

Le Grand soir identifie six moyens que les troupes républicaines pourront utiliser pour éliminer des votes démocrates :

– Obstruction aux campagnes en faveur de l’inscription sur les listes électorales ;

– Exigence de « corrélations parfaites des données » ;

– Élimination d’électeurs légitimes : la HAVA permet non seulement d’empêcher de nouvelles inscriptions, elle permet aussi d’éliminer ceux qui sont déjà inscrits de longue date ;

– Exigence de pièces d’identité inutiles ;

– Rejet des bulletins « nuls » : même les électeurs intrépides qui réussiraient à glisser leur bulletin dans l’urne risquent de le voir rejeté ;

– Contestation des bulletins « provisoires » : en 2004, on estime à 3 millions le nombre d’électeurs qui se sont présentés dans les bureaux de vote et se sont vus refuser le vote par un bulletin normal, sous prétexte d’une irrégularité quelconque. A la place, on leur a fourni un bulletin « provisoire », une mesure de sécurité imposée par la HAVA pour permettre une vérification des bulletins litigieux lors du dépouillement. Mais pour de nombreux officiels, résoudre le litige signifiait tout simplement jeter le bulletin à la poubelle. En 2004, un tiers des bulletins « provisoires » -- soit 1 million de voix -- furent tout simplement jetés ainsi sans autre forme de procès.

Un long article très convaincant. À lire absolument.

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(1) « Etats-Unis : comment voler une élection ». Traduit par Le Grand soir de : Robert F. Kennedy Jr et Greg Palast. « Block the Vote ». Rolling Stone Magazine [En ligne] (Jeudi, 30 octobre 2008) (Page consultée le 31 janvier 2010)

samedi, novembre 01, 2008

Les votes ethniques

Il faut connaître des musulmans, ou des Noirs, être témoin de leur vie au quotidien, pour prendre la mesure de ce mal insidieux et répandu qu'est le racisme. Mes préposées haïtiennes m'en parlent à l'occasion, dans des moments de ras-le-bol, parce qu'elles ont confiance en moi. Autrement, elles gardent le silence ; on ne les croirait pas.

Le racisme ne fait pas de bruit, sauf quand il interdit à un médecin sénégalais de pratiquer. Ou quand il sort du revolver d'un policier. Il ne fait pas de bruit, mais il tue toujours. Pas seulement des Villanueva. Il tue aussi et d'abord l'amour propre, la dignité, blesse le bonheur et l'espoir, et, au-delà, atteint tout le corps social.

Mardi prochain, nous serons les témoins d'une tragédie immense.

Obama assassiné ?

Pourquoi faire ? Il n'y qu'à voter pour sa race et remettre les Nègres à leur place. En 1954, la Cour suprême des États-Unis cassait les lois de ségrégation dans les écoles ; puis, en 1956, dans les transports publics. C'était il n'y pas si longtemps. « Joe le Plombier », dans sa banlieue de l'Ohio, n'a pas oublié. Il tient aujourd'hui sa revanche, il ne va pas rater son coup. Oubliez les sondages. Oubliez l'argent dont regorgent les démocrates. Ici, il est question d'un mépris profond, protéiforme. C'est lui qui va voter dans l'isoloir.

Les Américains ne sont pas moins racistes que les Québécois, en dépit des apparences.

Pour voiler quelque peu cette réalité honteuse, les analystes parlent plutôt de l'« effet Bradley », du nom de ce candidat noir au poste de gouverneur de la Californie en 1982 ; donné largement gagnant dans les sondages, il devait finalement perdre de très peu contre son adversaire républicain George Deukmejian. Les psys, dans le même esprit euphémisant, se sont de leur côté vraiment surpassés : ils appellent « préjugé de désirabilité sociale » (social desirability bias) la duplicité du sondé qui fournit hypocritement des réponses perçues comme politiquement correctes et « socialement désirables ». (1)

Mardi, en fin de soirée, Obama pourra affirmer, amer :

Nous avons perdu, au fond pourquoi ? Pour une raison : les votes ethniques.

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(1) Keiser, Richard. « Vote Obama : les électeurs blancs pourraient faire mentir les sondages ». Le Monde diplomatique [En ligne]. (Novembre 2008) (Page consultée le 1er novembre 2008)

mardi, octobre 21, 2008

L'argent-dette - Suite

Je reviens sur un passage du vidéo présenté dans mon dernier billet :

« En quelques décennies, à cause du lobbying féroces des banques, les obligations de réserves ont quasiment disparu dans plusieurs pays ».

Le cas de l'Islande est assez frappant. Le Devoir titrait samedi : « L'Islande au bord du gouffre ». (1) Dans ce petit pays jouissant d'un niveau de vie très élevé, le crédit, c'est-à-dire l'endettement, était devenu trop accessible. L'économie, certes, tournait à plein régime, les 330 000 habitants pouvaient assouvir leur soif de consommer, mais cette bulle irréelle ne pouvait qu'éclater. Le gouvernement, qui avait laissé les banques créer de l'argent-dette au-delà de toute mesure raisonnable, pris dans la tourmente, a dû finalement révéler que les dettes de ces dernières représentaient 12 fois le PNB du pays !

C'est d'abord la troisième banque du pays, Glitnir, qui a requis le secours de l'État. La nouvelle de sa nationalisation a aussitôt ébranlé la confiance dans les filiales de la seconde banque, Landsbanki. Il s'est alors produit ce que le vidéo appelle un « phénomène de retrait massif », un mouvement de panique qui a mis Landsbanki à genoux.

La crise financière actuelle, telle que l'illustre le cas de l'Islande, est le résultat, d'abord, de l'irresponsabilité des gouvernements qui ont déréglementé le secteur financier et tenu les citoyens dans l'ignorance des risques ; ensuite, de la cupidité et la stupidité des banques qui ont créé des produits financiers (comme les Credit Default Swap, les Asset Backed Securities) si complexes qu'elles s'y sont finalement perdues ; enfin, de la soif de consommer des citoyens eux-mêmes, qui, au fond, ne demandaient pas mieux que de pouvoir dépenser de l'argent qu'ils n'avaient pas.

Tel est le système, qui, ne l'oublions pas, repose tout entier sur l'accroissement perpétuel de l'endettement. Qu'il y ait crise ou pas ne change rien au fait que ce système d'endettement est insoutenable à long terme et qu'il doit impérativement être jeté aux poubelles de l'Histoire.

Nous en sommes tous là, face à un choix fondamental. Je cite Foglia :

« Pour moi, cette crise pose une question fondamentale qu'on fait tout pour éluder, contourner, qui ressurgit pourtant dans tous nos débats, dans nos élections, dans nos choix de vie : assouvissement ou émancipation ? Consommation ou culture ? Société ou marché ? » (2)

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(1) Auteur non mentionné. « L'Islande au bord du gouffre ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 18 octobre 2008) (Page consultée le 31 janvier 2010)

(2) Foglia, Pierre. « Une question niaiseuse ». cyberpresse.ca [En ligne] (Samedi 18 octobre 2008) (Page consultée le 18 octobre 2008)

jeudi, octobre 09, 2008

L'argent-dette

« On croit souvent que les banques prêtent l'argent que les déposants leur ont confié. Mais pas du tout. En fait, les banques créent l'argent qu'elles prêtent. Pas à partir de leurs bénéfices, ni à partir de l'argent déposé, mais directement à partir des promesses de remboursement faites par les emprunteurs. »

Tel est le propos initial de ce documentaire animé de Paul Grignon, L'Argent-dette (Money as Debt) qui pose cette question fondamentale : d'où vient l'argent ?

Prenez le temps de le visionner. Votre perception de la crise financière actuelle en sera certainement éclairée. Notamment, vous comprendrez pourquoi la crise actuelle est appelée crise du « crédit » ; pourquoi les gouvernements veulent éviter que les gens cessent de consommer, c'est-à-dire de s'endetter ; et pourquoi ces mêmes gouvernements veulent également éviter à tout prix que les gens se précipitent à leurs banques pour retirer leur argent.

Plus fondamentalement, c'est tout le système monétaire actuel -- dit « système de réserves fractionnelles » soutenues par des banques centrales -- qui est ici mis en cause, nommément la mainmise des banques privées sur une organisation de la société basée sur l'expansion illimitée du crédit.


Ce vidéo est hébergé sur le site vimeo.

Ci-dessous, quelques extraits :

« le crédit créé par une banque privée est légalement convertible en devises fiduciaires émises par le gouvernement comme les dollars, les euros, Les devises fiduciaires sont des devises créées par un décret gouvernemental. »

« Le montant total d'argent qu'il est possible de créer n'a qu'une seule limite réelle : le montant total de la dette. »

« Les gouvernements placent une limite légale sur la création d'argent fictif en imposant des règles sur les obligations de réserves fractionnelles, mais ces obligations sont fondamentalement arbitraires. Elles varient d'un pays à un autre, d'une époque à une autre. Longtemps, il a été commun d'exiger que les banques aient au moins un dollar en or en réserve pour garantir dix dollars d'argent-dette. Aujourd'hui, les ratio de réserves minimales ne s'appliquent plus du tout au rapport entre argent nouvellement créé et or en dépôt, elles [sic] s'appliquent uniquement au rapport entre argent nouvellement créé et argent existant. Aujourd'hui, les réserves d'une banque sont faites de deux choses : le montant en devises bien réelles qu'elle a déposé à la banque centrale et le montant total de son argent-dette. »

« En résumé, la réserve initiale d'un peu plus de mille cent onze dollars [1111,12] à la banque centrale permet de récolter des intérêts sur des sommes allant jusqu'à 100 000 dollars, que la banque [le système bancaire] n'a jamais eus. »

« En quelques décennies, à cause du lobbying féroces des banques, les obligations de réserves ont quasiment disparu dans plusieurs pays »

« l'argent créé par le gouvernement représente en général moins de 5 % de l'argent en circulation »

« dans le monde artificiel de l'argent, la simple promesse faite par une banque de vous prêter de l'argent est considérée comme de l'argent véritable »

« Est-ce que vous vous êtes déjà demandé comment tout le monde -- les gouvernements, les entreprises, les familles – peut être endetté en même temps et pour des sommes aussi colossales ? Est-ce que vous vous êtes demandé comment il peut y avoir tant d'argent à emprunter ? »

« Sans dettes, il n'y aurait pas d'argent du tout. »

« Il faut bien souligner que les banquiers créent uniquement le montant du principal ; ils ne créent pas l'argent qui sert à payer les intérêts. Alors, d'où vient cet argent ? Le seul endroit où les emprunteurs peuvent obtenir de l'argent pour payer les intérêts est l'ensemble des fonds de l'économie générale. Mais presque tous ces fonds ont été créés de la même façon, à partir de crédits bancaires. Donc partout, il y a des emprunteurs qui se trouvent dans la même situation : ils cherchent désespérément l'argent pour rembourser le principal et les intérêts dans une réserve globale d'argent qui ne contient que le principal. Il est tout à fait impossible pour tout le monde de payer le principal plus les intérêts car l'argent des intérêts n'existe pas. [...] Le grand problème, c'est que pour les emprunts à court [sic] terme, comme les hypothèques et les emprunts gouvernementaux, où les intérêts dépassent de loin le principal, les risques de saisies, et donc les dangers pour l'économie, sont très grands. À moins de créer beaucoup d'argent pour payer les intérêts. Pour que la société continue de fonctionner, le taux des saisies doit rester bas. De plus en plus de nouvelles dettes doivent être créées pour trouver l'argent qui servira à payer les dettes précédentes. Alors bien sûr, la dette totale augmente, et les intérêts aussi, ce qui cause une escalade exponentielle de l'endettement. Seul le temps qui sépare la création des nouveaux emprunts et leur remboursement empêche le manque d'argent global de mettre le système en faillite. »

« Comment un système monétaire fondé sur l'accélération perpétuelle de la croissance peut-il servir à construire une économie durable ? »

lundi, octobre 06, 2008

Mille milliards... !

L'éditeur Steve Forbes, qui publie chaque année le palmarès des plus grandes fortunes de la planète, affirmait en entrevue, début octobre, que la crise des subprimes n'avait, somme toute, jusqu'à présent, pas été si coûteuse.

Il compare ce que le gouvernement Bush a dû injecter dans l'économie, 1200 milliards de dollars, aux actifs financiers nets des Américains qui totalisent, tenez-vous bien, 30 000 milliards de dollars ! À quoi s'ajoutent les 20 000 milliards d'actifs non financiers, comme les maisons et les automobiles. (1)

50 000 milliards de dollars, donc... Que pour les États-Unis. Ajoutons maintenant l'Europe, le Japon, les grandes fortunes dans les pays dits émergents, les monarchies pétrolières...

Des centaines de milliers de milliards de dollars.

Et dire que le Programme alimentaire mondial (PAM) a toutes les difficultés à obtenir une fraction d'un seul petit milliard, qu'il doit réitérer sans cesse ses appels d'urgence en faveur des plus démunis, et que lorsqu'elle arrive enfin, cette petite fraction d'un milliard, elle est le plus souvent « liée ». Le PAM est en effet obligé de retourner, en quelque sorte, les sommes reçues en achetant ses approvisionnements auprès des pays donateurs, ce qui accroît le coût de ses interventions et en diminue l'efficacité. Le Canada a d'ailleurs promis de mettre fin à sa politique d'« aide liée »... en 2012.

Mais le plus souvent, ce n'est pas ce scénario qui prévaut. Le plus souvent, le scénario, c'est qu'il n'y a pas d'aide du tout. Devant les caméras et les médias du monde entier, les chefs d'État, affectant un air grave et soucieux, promettent des milliards de plus en aide au développement, milliards qui ne viennent jamais. La commission Africa Progress Panel, mise sur pied pour suivre la concrétisation des promesses faites lors du sommet du G8 en 2005 en Écosse, écrit que les pays riches sont à 40 milliards de dollars en deçà de leurs engagements. (2)

Pire encore, ces riches pays donateurs qui donnent si peu, ressentent maintenant une certaine « lassitude », devant le peu de progrès observé sur le terrain, et dans un contexte de crise financière mondiale.

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(1) Lévesque, Claude. « Steve Forbes croit que la crise financière n'aurait pas dû atteindre de telles proportions ». Le Devoir [En ligne] (Jeudi 2 octobre 2008) (Page consultée le 6 octobre 2008)

(2) Reuters. « Les pays riches n'ont pas tenu les promesses qu'ils avaient faites à l'Afrique ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 17 juin 2008) (Page consultée le 6 octobre 2008)

mercredi, octobre 01, 2008

Censure ? C'est sûr !

Ce qu'on ne sait pas ne fait pas mal... aux conservateurs

Dernier de trois textes

Depuis le début de la campagne électorale, les demandes des médias concernant la santé mentale des soldats ou les coûts de la guerre en Afghanistan ne reçoivent aucune réponse. La directive émane du Conseil privé, c'est-à-dire de Harper lui-même. Une autre directive oblige les fonctionnaires et les militaires à transmettre au bureau du premier ministre toutes les demandes des médias. Ainsi, les entrevues, les communiqués de presse et les autres informations, même factuelles, doivent être approuvées par l'entourage de Stephen Harper, qui juge si le public a le droit de savoir. « Cette directive n'a pas été écrite. Vous ne trouverez rien si vous faites des demandes d'accès à l'information. L'objectif est de ne pas laisser de traces. Il ne faudrait pas que les gens sachent que le ministère de la Défense ne contrôle plus ses communications et que le public entend seulement ce que les conservateurs veulent », a dit une source militaire qui a reçu la directive. (1)

Les conservateurs avaient pourtant fait de la transparence l'un des thèmes forts de leur campagne électorale en 2006. Ayoye !

En dépit de l'adoption d'une loi qui devait améliorer l'accès du public aux documents gouvernementaux, le nombre de plaintes adressées au commissaire à l'information fédéral est en hausse fulgurante depuis avril dernier. Les délais pour recevoir des documents en vertu de la Loi d'accès à l'information sont devenus souvent abusifs, ce qui inquiète le commissaire, Robert Marleau. Au banc des accusés : le contrôle exercé, encore une fois, par par le Conseil privé, qui est le ministère du premier ministre et le tout-puissant centre nerveux de la machine politique à Ottawa. L'omertà imposée par les conservateurs à la fonction publique est sans précédent. Elle est devenue un sujet de fascination morbide dans les capitales provinciales et un sujet préoccupant pour ceux qui se soucient de l'état des politiques publiques au Canada.

Aussi, nul n'a été étonné d'apprendre récemment que, même si plusieurs des dossiers associés au ministère fédéral de l’Environnement sont de nature scientifique ou technique, ses fonctionnaires ne peuvent plus parler librement aux médias pour mieux expliquer les nuances de certaines problématiques. En effet, Environnement Canada a récemment instauré un « Protocole pour les relations médias », comme le dévoilait le service de presse de Canwest en février. Le blogue écologiste canadien DeSmogBlog a récemment mis la main sur le protocole en question, qui explique la marche à suivre lorsqu’un journaliste contacte un employé d’Environnement Canada. Le document de douze pages précise que le service des médias d’Environnement Canada « pourrait demander à l’expert de répondre [aux questions des médias] avec des réponses préapprouvées ». Le bureau d’Ottawa assure la coordination des appels médias à travers le pays, alors que cette responsabilité dépendait jusqu’à récemment des bureaux régionaux, comme ceux qui se trouvent à Montréal et à Québec, par exemple. (2)

Les cas de censure affectent tous les ministères, mais davantage ceux de la Défense, de l'Environnement et de la Santé où des décisions contraires au bien commun pourraient susciter la controverse. Le cas du rapport de Santé Canada est notoire. Dévoilée par Santé Canada sans tambour ni trompette, à 16 h 30, un mercredi, au beau milieu de l'été, une analyse exhaustive de Santé Canada met pourtant en garde la population face à l'augmentation probable de décès et de plusieurs maladies et à l'apparition de nouvelles pathologies associées au réchauffement de la planète. Or, selon les informations obtenues par Le Devoir, la version définitive de cette analyse climatique et sanitaire a été achevée en janvier 2008 pour une publication initiale prévue au printemps 2008. Le lancement de ce document d'envergure à l'heure de la lutte contre les gaz à effet de serre devait également être accompagné d'une campagne médiatique d'un océan à l'autre en juin cette année. Objectif : sensibiliser les acteurs de la santé aux défis qu'ils risquent d'avoir à affronter dans les prochaines années. « Mais tout ça été annulé à la dernière minute, sans raison », a indiqué Gordon McBean de l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques de la University of Western Ontario qui devait animer mi-juin, à Halifax, une conférence autour de ce rapport qu'il signe d'ailleurs.

En choeur, les auteurs de ce document ont dénoncé le manque de transparence du ministère fédéral qui semble vouloir compliquer l'accès au rapport pour les simples citoyens : l'étude est disponible en effet uniquement sur demande par courrier ou par courriel. Il est impossible de la télécharger directement lors d'une visite sur le site Web de Santé Canada, comme cela est proposé pourtant pour un ensemble d'autres documents portant sur une multitude de sujets, sans doute moins polémiques.

« J'ai travaillé récemment pour l'Organisation mondiale de la santé [OMS] sur un rapport d'épidémiologie environnementale en Azerbaïdjan pour lequel nous avons rencontré un problème similaire », a indiqué hier au Devoir Colin Soskolne de l'École de santé publique de la University of Alberta, l'un des auteurs du rapport de Santé Canada. « La sortie de ce document de l'OMS a été plusieurs fois retardée par le gouvernement de cette ancienne république soviétique parce qu'il porte sur un sujet délicat pour lui. J'y vois malheureusement des similarités avec le niveau d'intervention politique qui a accompagné le dévoilement du rapport de Santé Canada. Ça donne à réfléchir sur le style de gouvernance fédéral actuel qui s'apparente à celui que l'on retrouve aujourd'hui dans l'ex-URSS. » (3)

Le pire, c'est que cette censure brutale n'arrive pas seule. Elle s'accompagne d'une propagande tout aussi dénuée de scrupules. Le Parti conservateur a produit une série de documents d'interventions publiques à l'intention de ses militants sur tout un éventail de sujets allant des changements climatiques aux garderies, en passant par les impôts. Pour les partisans conservateurs, la procédure est simple. Il leur suffit de se rendre sur le site Internet du parti et de cliquer sur un sujet qu'ils aimeraient aborder à la radio : le site leur fournira automatiquement les coordonnées des émissions de radio locales où appeler, ainsi qu'une liste commode de positions toutes prêtes favorables aux conservateurs et moins favorables à l'égard de leurs adversaires. Le site contient aussi des suggestions similaires à l'intention de ceux qui souhaitent écrire des lettres aux journaux. Un porte-parole du parti, Ryan Sparrow, soutient que cette pratique assure une « transparence améliorée » ! (4)

Toute la hargne des conservateurs, toute leur agressivité ne vise qu'à un seul but : remporter les élections, obtenir enfin le pouvoir, tout le pouvoir. Et pour cela, comme les républicains de Bush, tricher, intimider des fonctionnaires, mentir, censurer, contrôler les médias. La méthode est efficace : les Canadiens s'apprêtent à élire un gouvernement majoritaire. Sont-ils conscients des conséquences dramatiques de leurs votes ?

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(1) Castonguay, Alec. « Harper impose le silence aux militaires ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 30 septembre 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(2) Beauchamp, Alexis. « Environnement Canada limite l’accès des médias à ses fonctionnaires ». Vision durable [En ligne] (Lundi 3 mars 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(3) Deglise, Fabien. « Rapport climat et santé - La manière Harper indigne les chercheurs ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 5 août 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(4) Presse canadienne. « Ce que tout bon militant conservateur doit dire ». Le Devoir [En ligne] (Mercredi 26 mars 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

À lire aussi :

-- « Harper, à l'exemple de Bush ». 25 septembre 2008

-- « Reconnaissance du Québec comme nation ? ». 16 septembre 2008

samedi, septembre 27, 2008

À n'y rien comprendre

Deux articles publiés hier et aujourd'hui me laissent quelque peu confus. L'un, de Louis-Gilles Francoeur, rend compte de données divulguées par le Carbon Disclosure Project (CDP). Ces données, fournies par 385 des 500 plus grandes entreprises dans le monde de manière volontaire, sans vérifications indépendantes, coincident étrangement avec d'autres données recueillies sur une base beaucoup plus large par des spécialistes associés à l'ONU et publiées dans le Global Carbon Budget (GCB).

Voici ce qu'écrit Francoeur :

« Le taux d'accroissement des émissions anthropiques [de GES], qui était de 0,9 % par année entre 1990 et 1999, est en effet passé, entre 2000 et 2007, à 3,5 % par année ». (1)

Voici les données du GCB, telles que rapportées dans Vision durable :

« La croissance annuelle des émissions était de 0,9 % entre 1990 et 1999, mais elle est passée à 3,5 % pour la période 2000 à 2007. Les émissions mondiales sont maintenant 38 % plus élevées qu’elles ne l’étaient en 1990, l’année de référence du Protocole de Kyoto ». (2)

Cette coïncidence est pour le moins suspecte. Il est à se demander si Francoeur ne s'est pas trompé quelque part. Son article fait mention de 1,5 gigatone de GES émis par la déforestation, qui n'est pourtant pas abordée dans le rapport 2008 du CDP.

En outre, comment des données identiques peuvent-elles exprimer des tendances aussi contradictoires ? Chez Francoeur :

« En effet, l'augmentation globale constatée par le regroupement des multinationales s'accompagne d'une nette réduction de l'intensité des émissions, ce qui veut dire qu'on produit des biens et services aujourd'hui avec moins de carbone. Mais comme les activités et la production des biens se multiplient, le total des GES augmente en chiffres absolus. Ainsi, en 1970, on utilisait 0,35 kg de carbone par dollar de PNB, alors qu'aujourd'hui on utilise 0,20 kg de carbone pour le même produit économique ».

Dans Vision durable :

« Environ 17 % de la hausse des émissions serait imputable au recul de l’' efficacité-carbone ' de l’économie, c’est-à-dire qu’il faut émettre aujourd’hui plus de GES pour obtenir un dollar de PIB qu’en 2000 ».

À n'y rien comprendre.

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(1) Francoeur, Louis Gilles. « Gaz à effet de serre - Les émissions dépassent les prévisions les plus pessimistes, selon des multinationales ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi 27 et dimanche 28 septembre 2008) (Page consultée le 27 septembre 2008)

(2) Beauchamp, Alexis. « La croissance des GES dépasse les prévisions les plus pessimistes ». Vision durable [En ligne]. (Vendredi 26 septembre 2008) (Page consultée le 27 septembre 2008)

vendredi, septembre 26, 2008

Vote stratégique

Devant la menace d'un gouvernement conservateur majoritaire, l'idée de « vote stratégique » fait son chemin. Il s'agit, pour chaque électeur, de voter non pas nécessairement pour son candidat préféré mais pour celui qui, dans sa circonscription, est le plus susceptible de battre le candidat conservateur.

Mais comment choisir entre le candidat du Bloc, du NPD, du PLQ ou des Verts ?

Un site très utile vient d'être créé pour répondre à cette épineuse question. Voter pour l'environnement couvre l'ensemble du territoire canadien. Vous choisissez votre circonscription ou, si vous ne la connaissez pas, vous entrez votre code postal, et vous obtenez toute l'information nécessaire.

Par exemple, dans Louis-Hébert, une circonscription de la région de Québec où les conservateurs sont populaires, Voter pour l'environnement vous donne d'abord la liste des candidats, puis sa suggestion :

« Ce sera une chaude lutte, mais bien que le conservateur n'ait gagné que par 231 votes lors de la dernière élection, il a triplé les appuis conservateurs. Aucun autre parti n'a de chances de remporter et les analyses démontrent que la division des votes pro-environnement assure une victoire conservatrice. Nous recommendons donc de voter pour le Bloc ».

Dans une autre circonscription, c'est un libéral qui sera recommandé, dans une autre, un néo-démocrates ou un Vert. Ce qui importe, c'est de battre la clique des radicaux de Harper.

jeudi, septembre 25, 2008

Harper, à l'exemple de Bush

Deuxième texte de trois.

Jamais le Canada n'a été dirigé par un parti politique inspiré d'une idéologie de droite aussi radicale. À l'époque de Mulroney ou Joe Clark, le Parti conservateur (PC) présentait un tout autre visage, plus modéré, plus près du centre, là où se tient la majorité des Canadiens à l'exception des Albertains. C'est d'ailleurs dans la province du pétrole et du pick-up qu'est né dans les années 1990 le Reform party de Stephen Harper qui aujourd'hui contrôle le PC. On compare souvent ces nouveaux conservateurs aux républicains de George Bush. Avec raison.

D'abord, ces deux formations ont accédé au pouvoir de manière très controversée, à la suite de manoeuvres frauduleuses. Malgré le déni de Harper et sa gang, Élections Canada persiste et signe : une soixantaine de candidats du PC ont bel et bien enfreint les règles de financement lors de la dernière campagne électorale, et ce, d'une manière concertée pour permettre à leur formation politique de dépenser plus que ses adversaires. Et le chien de garde des élections se défend d'être partisan : contrairement à ce que Stephen Harper prétend, aucun autre parti politique n'a utilisé les mêmes stratagèmes.

Mais il y a bien plus que la manière. L'alignement idéologique sans précédent sur Washington crève les yeux en matière de politique étrangère. De l'avis de Jean Daudelin, professeur en relations internationales à l'université Carleton, l'insistance sur la mission afghane en est une manifestation, tout comme le fait de souligner, fin mai 2008, « le Jour de solidarité avec le peuple cubain », une invention de Washington qu'aucun autre pays n'a reprise à son compte.

Titulaire de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatique, Charles-Philippe David est du même avis : « Depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, le Canada calque de façon plus marquée ses positions sur celles des Américains ». Il cite, entre autres, le dossier israélo-palestinien. Le Canada a toujours soutenu Israël mais « se faisait le promoteur du dialogue, de la négociation, du compromis », dit-il. Lors de la guerre au Liban à l'été 2006, il s'est toutefois rangé clairement du côté d'Israël et a été un des premiers gouvernements à suivre la ligne dure avec le gouvernement élu du Hamas.

La réputation et l'influence du Canada dans l'arène multilatérale y perdent au change, croit Michael Byers. « Remettre en question nos engagements en matière d'environnement ou de droits autochtones et se lier trop étroitement aux Américains minent notre influence » (1)

En ce qui a trait à l'Afghanistan, il faut souligner en outre que les soldats canadiens y mènent des opérations offensives qui n'ont plus rien à voir avec le rôle pacificateur instauré il y a près de 50 ans par Lester B. Pearson. Les Canadiens croient que c'est encore ce rôle-là que jouent leurs soldats, malgré que 100 d'en eux ont été tués en combattant les talibans. À quoi servent tous ces morts ? Selon le général de brigade Mark Carleton-Smith, le plus haut gradé britannique en Afghanistan, il n'y aura pas de « victoire militaire décisive » dans ce pays, ce serait « irréaliste » de l'espérer. Pourquoi, par conséquent, ne pas privilégier la négociation, le soft power plutôt que le hard power ?

Autre point de convergence Harper-Bush : la politique d'immigration, avec le projet de loi C-50. Celui-ci est vivement contesté, non par l'opposition partisane, mais bien par l'Association du Barreau canadien qui presse le gouvernement fédéral de revoir les amendements prévus à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, amendements qu'elle qualifie de « sérieux recul » pour le Canada. Encore une fois, l'influence des républicains américains est manifeste. Les conservateurs s'orientent vers une politique semblable à celle qui, à une autre époque, interdisait aux juifs, aux Chinois et aux Noirs l'accès au territoire canadien. Dans le même esprit, Amnesty International notait cette semaine qu'Ottawa « n'a jamais pris clairement position contre le centre de détention de Guantanamo » et que le Canadien Omar Khadr demeure le seul Occidental à y être encore détenu. (2)

Enfin, comment ne pas parler d'environnement. Harper a refusé de participer à un débat portant exclusivement sur cette question. Et pour cause ! En seulement deux ans au pouvoir, les conservateurs ont réussi à isoler le Canada sur la scène internationale. Dans une étude récente de l'OCDE portant sur 25 indicateurs environnementaux, le Canada figure au 28e rang sur 29 en raison de l'inefficacité de ses politiques environnementales. (3)

Aligné sur le refus de Bush, Harper a contribué à saper les efforts internationaux en vue d'arriver à Carthagène à un accord sur les OGM, et, à Nairobi, sur un plan international de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Dès son arrivée au pouvoir, il a jeté aux ordures -- il aurait pu au moins le recycler ! -- le « plan vert » des Libéraux, supprimant bêtement tous les programmes de réduction des émissions de GES. La raison ? Toujours la même, que ce soit en matière de culture ou d'environnement : ces programmes n'étaient pas « efficaces ». Des évaluations indépendantes montraient pourtant que ce n'était pas le cas. À la place, le ministre de l'Environnement Baird a présenté un plan concocté sur mesure pour les pétrolières de l'Alberta qui pourront poursuivre leur saccage environnemental sans se soucier du réchauffement climatique.

Pendant ce temps, l'État du Bihar, en Inde, se noie sous des mètres d'eau pluviale, « la plus grande calamité nationale de l'histoire récente » selon les autorités indiennes. Même scénario en Afrique de l'Ouest. En Haïti, quatre ouragans se sont déchaînés sur le pays, quatre ! L'un après l'autre, en quatre semaines, sans donner aux populations la moindre chance de se relever. Du jamais vu. Dans la Corne de l'Afrique, au contraire, c'est la sécheresse. Des millions de victimes. Les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient à la surface de la planète, une nouvelle expression vient même d'apparaître : « réfugiés climatiques ». Plus que jamais les Canadiens -- et les citoyens des pays qui attendent la solidarité canadienne -- ont besoin d'un gouvernement déterminé à stopper cette évolution. Et non pas d'un gouvernement qui leur offre effrontément une politique basée sur une réduction de l'« intensité » des émissions de GES. Une fumisterie qui, en outre, pénalise lourdement les entreprises québécoises qui ont pris le virage Kyoto depuis déjà longtemps. (4)

À son arrivée au pouvoir, Harper ne croyait pas au réchauffement climatique qu'il percevait comme un complot de la gauche. Ses actions depuis deux ans prouvent qu'il n'a pas évolué d'un iota sur cette question et qu'il se trouve pour cette raison de plus en plus isolé sur la scène internationale... tout comme l'administration Bush.

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(1)  Cornellier, Manon. « Harper, ministre des Affaires étrangères ? ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi 31 mai et dimanche 1er juin 2008) (Page consultée le 24 septembre 2008)

(2) « Le leadership du Canada s'est ' érodé ', selon Amnesty ». cyberpresse.ca [En ligne]. (Mercredi 24 septembre 2008) (Page consultée le 24 septembre 2008)

(3) Francoeur, Louis-Gilles. « Un climat plus chaud rendra le pays plus vulnérable ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi 8 et dimanche 9 mars 2008) (Page consultée le 24 septembre 2008)

(4) Plusieurs grandes entreprises québécoises ont réduit leurs émissions de GES au-delà de la cible fixée par le protocole de Kyoto, qui est de 6 % sous le niveau de 1990. Si ces entreprises avaient accès au marché international d'échanges de droits d'émissions de GES, elles auraient reçu pour ces réductions supplémentaires des « crédits de carbone » qu'elles auraient pu vendre à fort prix aux entreprises qui, elles, n'ont pas atteint leurs cibles de réduction.  Ainsi, ces entreprises québécoises exemplaires auraient pu rentabiliser leurs coûteux investissements dans des technologies moins polluantes et améliorer leur compétitivité. Mais voilà, les conservateurs empêchent ces dernières d'avoir accès à ce vaste marché en pleine expension. En lieu et place, Baird a créé un marché strictement canadien, où les crédits de carbone se vendent bien moins cher. Les entreprises québécoises sont donc doublement pénalisées, car non seulement leurs crédits de carbone perdent de la valeur, mais en plus elles ne peuvent obtenir de crédits pour les réductions d'émissions de GES antérieures à 2006, qui est la nouvelle année de référence au Canada. Quand on pense que le secteur de l'aluminium a déjà réduit ses émissions à 20 % sous leur niveau de 1990, et l'industrie manufacturière québécoise, elle, à 8,5 % sous le même niveau, on conclut que des millions de dollars sont arrachés au Québec et redistribués aux entreprises les plus polluantes comme les pétrolières. Le plan Baird, jusque dans ces moindres détails, cherche à épargner les plus grands pollueurs et, du coup, freine l'innovation et nuit à la compétitivité des entreprises qui veulent agir en faveur du climat.

Lire aussi :

« Reconnaissance du Québec comme nation ». 16 septembre 2008

samedi, septembre 20, 2008

Rions de Harper !

Près de 200 000 internautes ont déjà vu ce vidéo absolument hilarant, intitulé Culture en péril. Harper coupe dans la culture, et c'est le Québec qui est le plus affecté par cette décision idéologique et stupide. L'heure et à la mobilisation. Rions ! Et allons voter le 14 octobre !

mardi, septembre 16, 2008

Reconnaissance du Québec comme nation ?

La campagne qui s'amorce se distinguera par le fait qu'elle sera la première en quarante ans à ne pas faire une place centrale au débat sur la relation du Québec avec le reste du Canada (ROC). Les temps changent. Ils changent tellement que Stephen Harper est aussi populaire au Québec que Gilles Duceppe. Ayoye ! Pincez-moi que'qu'un !

En réaction j'ai donc écrit le texte qui suit, un collage d'extraits d'articles du Devoir. Il s'agit du premier volet d'un survol des deux années de gouvernement Harper. Il est question ci-dessous de la reconnaissance de la nation québécoise. Le deuxième volet aura trait à la politique étrangère ; le troisième, à la censure.

Reconnaissance du Québec comme nation ?

Un peu plus de la moitié des Québécois se déclare satisfait du gouvernement Harper. Ce n'est pas rien. Le premier ministre a réussi à nous faire croire qu'il est un allié des nationalistes, cela en contrôlant comme jamais auparavant l'information et en y allant de gestes ponctuels sans conséquence. Ainsi, la reconnaissance par le parlement fédéral du Québec comme nation au sein du Canada. Il convient d'abord de rappeler que l'initiateur involontaire de geste d'ouverture est Michael Ignatieff qui, lors de la course au leadership du Parti libéral du Canada l'année dernière, avait violer LE tabou politique au sein du ROC en lançant devant 1,5 million de téléspectateurs :

Mais bien sûr que le Québec forme une nation.

Aïe, aïe, aïe ! Grand émoi à Ottawa. Confusion chez les libéraux, Stéphane Dion sur la défensive alors que le Bloc passe à l'offensive. C'est finalement Harper qui a mis fin à la cohue en faisant voter une motion reconnaissant le Québec comme nation.

Mais que veut-elle dire, cette reconnaissance ?

Le Bloc québécois a saisi la balle au bond en présentant des projets de loi pour tester le sérieux de Harper. Ces lois -- si elles avaient été votées -- auraient permis d'assujettir les entreprises québécoises sous juridiction fédérale (port, aéroport, banques, par exemple) à la loi 101, de soustraire le Québec à la Loi sur le multiculturalisme ou encore de lui donner la maîtrise d'oeuvre en matière de télécommunications.

Cette reconnaissance n'a qu'une portée symbolique faible qui ne change rien aux préjugés profondément enracinés. Rappelons que Harper a déjà été président de la National Citizens Coalition qui finançait les efforts de Brent Tyler pour tailler en pièces la loi 101 devant les tribunaux. Reportons-nous également à l'époque où Stéphane Dion, alors ministre dans le gouvernement Chrétien, a créé la controversée Loi sur la clarté. Ce qui est peu connu, c'est que cette loi tant détestée ici est beaucoup inspirée d'un projet que M. Harper avait lui-même présenté en octobre 1996. Ce qui n'empêchait pas les deux hommes d'avoir des vues diamétralement opposées sur la nature du nationalisme québécois. Dans un échange épistolaire publié dans le Calgary Herald à la même époque, M. Harper parlait de nationalisme ethnique et de xénophobie, M. Dion soutenait que la société québécoise était aussi ouverte que la société canadienne dans son ensemble. Il soulignait également que les lois linguistiques québécoises étaient plus souples et plus libérales que leur équivalent dans d'autres sociétés multilingues progressistes, comme la Suisse, la Belgique ou la Finlande.

Qui aurait pu croire ? Harper plus anti-Québec que Dion ! Le premier ministre que l'on voit aujourd'hui a beau cultiver une image d'ouverture, mais son attitude fermée et étroite transparaît dans tous les dossiers qui nous importent ici.

Un autre exemple nous a été fourni cet été. Il touche à l'histoire même des Canadiens français en Amérique. Le journaliste Christian Rioux faisait remarquer que des sommes considérables ont été investies depuis une décennie par Ottawa dans le dessein évident de faire de l'ombre au 400e anniversaire de Québec et donc à Champlain. C'est ainsi qu'on a vu, comme par hasard, se multiplier les colloques en France et au Québec destinés à promouvoir, non pas la fondation de Québec en 1608, mais cellede l'Acadie en 1604 ; non pas Champlain le catholique, mais Pierre Dugua de Mons le protestant, qui créa un premier établissement malheureux à l'île Sainte-Croix et commandita la fondation de Québec.

À Ottawa, les débats sur l'histoire du Canada ont continué, alors que le Bloc québécois dénonçait le contenu d'une publication de Patrimoine Canada. Intitulée La Couronne canadienne -- La monarchie constitutionnelle au Canada, cette publication avance que le Canada a eu un monarque depuis le début du XVIe siècle, soit le roi Henri VII d'Angleterre (1485-1509) et le roi François 1er (1515-1547), en fait deux monarques simultanément. Cette double monarchie se serait maintenue jusqu'à la Conquête, écrit Patrimoine Canada. Le député du Bloc, Michel Guimond, a qualifié cette thèse de « réécriture surréaliste de l'histoire ». Le secrétaire d'État au Multiculturalisme et à l'Identité canadienne, Jason Kenney, a indiqué qu'il allait vérifier, mais que l'histoire canadienne, selon la conception du gouvernement Harper, commençait avec les premiers voyages des explorateurs français et anglais. (1)

Ce débat n'est pas superficiel : dire que les premiers explorateurs français ont fondé le Canada tel qu'on se le représente aujourd'hui, dominé par la culture anglo-saxonne, c'est affirmer dans le même souffle qu'il n'y a pas de nation québécoise.

Cettenégation effective de notre existence apparaît àtravers de nombreuses politiques du gouvernement Harper. Pour n'ennommer que quelques unes :

-- Pouvoir fédéral de dépenser et repect des compétences provinciales. Certains observateurs font remarquerque, contrairement à ce qu'il prétend, le gouvernement Harper a enfreint à plusieurs reprises les principes du partage des pouvoirs. Notamment en matière de santé, une compétence exclusive des provinces, le fédéral a créé la Commission canadienne de la santé mentale ; il a mis sur pied une fiducie de 300 millions de dollars pour un programme de vaccination des femmes contre le virus du papillome humain ; il a créé le Conseil national des aînés ; il finance depuis 2006 le Partenariat canadien contre le cancer ; il finance une Stratégie canadienne en matière de santé cardiovasculaire. Pour plusieurs de ces nouvelles structures, le Québec réclame sa part de financement qui lui permette de créer ses propres programmes.

-- Déséquilibre fiscal. En dépit des prétentions des conservateurs, ce dossier n'est toujours pas réglé. La nouvelle méthode de calcul de la péréquation instaurée sous les libéraux prive le Québec de 200 millions de dollars par année. Ce n'est pas rien. De plus, fait encore plus significatif, Ottawa continue d'accumuler les surplus budgétaires alors qu'ici, le gouvernement Charest a toutes les misères du monde à cacher les déficits récurrents des comptes publics. Or, sans ressources financières suffisantes, le Québec ne peut affirmer son « caractère distinct », son identité, doit gérer à la petite semaine des programmes de moins en moins généreux, de plus en plus « conservateurs », tournés vers des « PPP »... Comment ne pas se rappeler a contrario que la Révolution tranquille s'est accompagnée d'un accroissement considérable des dépenses publiques. Sans ces dépenses, nous n'aurions peut-être pas eu la « castonguette », et certainement pas les cégeps et le réseau de l'Université du Québec. Sans ces dépenses, nous n'aurions pas pu nous réinventer.

-- Fédéralisme centralisateur. Le pouvoir fédéral de dépenser et le déséquilibre fiscal sont le fait d'un fédéralisme centralisateur qui convient parfaitement aux conservateurs. Ceux-ci n'ont absolument pas l'intention de céder des pouvoirs aux provinces. Plutôt le contraire. Le dernier budget Flaherty a réservé « une grande déception » à la présidente du conseil du trésor, Mme Jérôme-Forget, selon son propre aveu : la création d'une commission des valeurs mobilières unique. Un comité doit être formé pour rédiger la loi qui impose cette commission pan-canadienne. Or, aucune province, sauf l'Ontario, n'en veut de cette commission. Toutes les études démontrent qu'elle serait nuisible. Mais Ottawa en fait une véritable obsession : centraliser à Toronto le commerce des valeurs mobilières, qui est, rappelons-le, de compétence exclusivement provinciale.

-- La culture. En matière culturelle, c'est le même esprit qui règne. Une forme de « souveraineté culturelle » pour le Québec : c'est ce que le premier ministre Jean Charest a réclamé, le 12 septembre, en ce début de campagne électorale fédérale marqué par des manifestations d'artistes opposés aux coupes de 44 millions du gouvernement Harper en matière culturelle. M. Charest, qui considère les coupes fédérales comme une atteinte à l'identité et à l'économie du Québec, a insisté lourdement sur le fait que le Québec « est le seul endroit francophone en Amérique et qu'il dispose d'une culture qui est très riche, très spécifique ». À ses yeux, une entente pour redonner au Québec sa pleine autonomie en matière culturelle, est une « question de bon sens » puisque, en pratique, le Québec obtenait près de 50 % des 44 millions supprimés par Josée Verner, la ministre du Patrimoine. (2)

Réponse de Harper :

No way.

Inutile de dire que la rencontre fédérale-provinciale des ministres de la Culture, prévue pour les 24 et 25 septembre à Québec, n'aura pas lieu : la ministre Josée Verner n'entend pas s'y présenter.

Le comité du Patrimoine de la Chambre des communes a lui aussi été muselé. Il ne pourra pas, comme le permet son mandat, étudier les coupes dans le financement de la culture.

Le Canada était pourtant déjà, et de très loin, le cancre de la classe internationale des pays riches, avec sa médiocre diplomatie culturelle. Pour fin de comparaison, mentionnons que le British Council consacre maintenant plus d'un milliard par année à ces affaires culturelles internationales ; le réseau du Goethe-Institut emploie 3300 personnes en Allemagne et dans 90 pays ; la France déploie plus de 150 établissements culturels dans le monde.

Les quelque 45 millions retranchés à 13 programmes touchent la préparation des expos muséales comme l'archivage et la mise en ligne d'oeuvres canadiennes, la formation des futurs scénaristes comme le soutien au développement de nouveaux marchés pour les produits culturels ou l'aide à la « chaîne d'approvisionnement » de l'industrie de l'édition. Le livre, la danse, les arts visuels : les coupes vont saigner à blanc tous les secteurs. Et c'est surtout, répétons-le, le Québec qui écope. Par exemple, en 2004-2005, 19 compagnies de danse québécoises ont effectué 29 tournées dans le monde, pour un total de 263 représentations données dans 15 pays. Une compagnie aussi renommée que La La La Human Steps va en souffrir, selon Édouard Lock, son célébrissime chorégraphe : « Les deux tiers de nos revenus proviennent de l'extérieur du Canada. Concrètement, ça veut dire que les fonds fédéraux ont un effet de levier : ils nous donnent accès à des subventions accordées par l'étranger à une compagnie canadienne. Sans cet argent de départ de l'intérieur, les fonds extérieurs risquent de disparaître. » (3)

Le gouvernement prétend que les programmes supprimés souffraient d'inefficacité chronique, sans toutefois pouvoir en fournir la moindre preuve. L'argument politique et diplomatique ne tient pas davantage. La mondialisation croissante comme la réalité du monde depuis les attentats de 2001 ont mis en évidence une certaine faillite de la diplomatie classique et du même coup l'importance d'établir des ponts -- plutôt que de fermer des portes -- entre les cultures et les civilisations. Le professeur de sciences politiques Joseph Nye, de l'Université Harvard, propose même de faire de la diplomatie culturelle un rouage central des relations internationales au XXIe siècle, ce que de plus en plus d'États mettent carrément en pratique.

La vérité, derrière ces coupes, est évidemment idéologique. En sabrant dans un programme de diplomatie culturelle tandis qu'il bonifie à coups de milliards les budgets militaires et les dépenses de sécurité, Harper favorise les relations coercitives plutôt que la diplomatie culturelle, le hard power plutôt que le soft power. De plus il bâillonne une voix qui propageait à travers le monde des valeurs trop progressistes, trop pluralistes et ouvertes pour son esprit réactionnaire, frileux et borné.

Voilà, concrètement, ce que nous donne notre reconnaissance en tant que nation. Pour faire illusion, Ottawa a ajouté un fonctionnaire à la délégation canadienne à l'UNESCO pour nous représenter.

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(1) Dutrisac, Robert et Porter, Isabelle. « 400e de Québec : Couillard corrige Charest ». Le Devoir [En ligne]. (Mardi, 13 mai 2008) (Page consultée le 16 septembre 2008)

(2) Robitaille, Antoine. « Charest réclame une souveraineté culturelle ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi, 13 et dimanche, 14 septembre 2008) (Page consultée le 16 septembre 2008)

(3) Baillargeon, Stéphane. « Haro sur la culture ' Made in Canada ' ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi, 30 et dimanche, 31 août 2008) (Page consultée le 16 septembre 2008)

jeudi, février 21, 2008

Il y a conscience et conscience

Un article du Devoir fait état d’observations démontrant que certains animaux sont capable de pensée réflexive, ce qui témoignerait d’un certain niveau de conscience : « Des expériences contrôlées ont démontré, par exemple, comment des geais cachent leurs graines différemment s’ils se sentent épiés par d’autres compères. Se sachant voleurs, ils savent que les autres le sont aussi et, par réflexion sur leur propre comportement, ils vont circonscrire ce comportement qu’ils savent culturel ! » (1) [C’est moi qui souligne]

Ce qu’il y de fascinant dans l’exemple ci-dessus, c’est que le scientifique, ayant observé le comportement de l’oiseau, va lui prêter une pensée qu’il est pourtant le seul à pouvoir formuler ! Pas banal ! Se peut-il que cet homme brillant fasse abstraction du fait qu’une pensée qui n’a pas de langage pour s’exprimer n’est pas une pensée ? Le geai ne peut pas se savoir voleur. Il peut l’être à nos yeux, point. J’insiste : l’être. Et à nos yeux seulement. Parce que nous seuls avons le concept (« voleur ») pour construire cette réalité et l’exprimer.

C’est une chose de reconnaître aux animaux une forme d’intelligence, peu importe le sens que l’on donne à ce mot, mais c’en est une autre d’attribuer à certaines espèces une « culture », voire même une « conscience » comme le rapporte l’article. Les animaux communiquent entre eux au moyen de langages, lesquels, pour être variés et d’une complexité inégale, ont tous en commun de ne pas permettre la pensée conceptuelle abstraite. Le plus évolué des animaux, si on exclut l’homo sapiens, ne sait pas ce qu’est un « animal », il ne peut pas penser le concept d’« animal ». Le chimpanzé n’a pas de mot pour se désigner, se caractériser par rapport aux autres primates et animaux. Il ne sait pas ce qu’il est. Pas plus que le geai ne sait qu’il est voleur.

De même, le chimpanzé, que l’on dit si près de l’Homme, ne peut pas éprouver les sentiments comme nous. Chez l’Homme, tout sentiment est double. Ce que nous appelons, par exemple, « joie » est, indissociablement, conscience de cette joie. Notre tristesse est aussi conscience de cette tristesse. C’est cette conscience, qui vient en quelque sorte doubler tous nos sentiments, qui fait que ceux-ci n’ont pas d’équivalent dans tout le règne animal.

Ainsi, quand on dit que notre chien est « content » parce qu’il remue la queue, on péche par abus de langage, par anthropomorphisme. Un chien ne peut pas être « content » ou « joyeux ». Le chien peut seulement vivre un état entier que nous, humains, du fait de notre conscience structurée par le langage conceptuel, nous associons à un sentiment de « joie ».

Cet anthropomorphisme envahissant, c’est le grand malentendu entre l’Homme et le reste du règne animal. C’est notre bêtise de tous les jours. Bêtise qui m’énaaaarve ! Surtout lorsqu’elle s’ignore. Je n’en peux plus de voir ces vieilles matantes parler à leur petit chien comme si c’était un enfant, convaincues qu’elles sont que l’animal comprend ce qu’elles lui disent. Il y a dans cette attitude si répendue -- il n'y a pas que les vieilles matantes -- l’apparence d’un malaise social qui me désole et, parfois, m’inquiète.

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(1) Francoeur, Louis Gilles. « Y a-t-il des «cultures»animales ? ». Le Devoir [En ligne]. (Jeudi, 21février 2008) (Page consultée le 21 février2008)

dimanche, février 17, 2008

Carrières brisées

22 janvier, 16 h 45. Catia, ma préposée du mardi, arrive du travail. Fatiguée. Avant d’attaquer ici le quart du soir, elle s’affale sur la causeuse du salon, allume la télé. Ouf ! Moment de repos bien mérité.

Sur LCN, les nouvelles banales se succèdent comme à l’accoutumée, jusqu’à ce que retentisse LA nouvelle. Catia, du coup arrachée à sa torpeur, n’en revient pas : le décès de Heath Ledger !

Qui ? que je lui demande.

Heath Ledger.

Elle m’explique : un artiste brillant, il a joué dans Brokeback Mountain, jeune, doué, etc.

Ah.

C’est alors que je remarque, défilant simultanément au bas de l’écran, ce sous-titre absolument muet et dramatique : « Les conflits armés, la maladie et la malnutrition tuent chaque mois 45 000 personnes en République démocratique du Congo ». (1)

Combien de carrières brisées comme celle de ce Ledger ?

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(1) AFP. « En bref - RDC : 45 000 personnes meurent chaque mois ». Le Devoir [En ligne]. (Mercredi, 23janvier 2008) (Page consultée le 29 janvier 2008)

« Il faut que le bébé tète tout le temps »

En lisant Foglia tout à l’heure, suis tombé sur ceci :

« Le système qui régit le monde, y compris la Chine soi-disant communiste, est une machine à créer des besoins et à les satisfaire. Pour que ça marche il faut que le bébé tète tout le temps, il faut que le bébé soit insatiable, il faut qu’il trépigne, j’en veux, j’en veux. Il faut qu’il ait toujours envie de. Je ne comprends pas pourquoi on a appelé ce système le libéralisme, il n’y a rien de libéral là-dedans.On aurait dû appeler cela l’assouvissement. C’est ce que c’est, de l’assouvissement. Un truc que je ne comprends pas du système. Plusieurs en fait, mais celui-là surtout. » (1)

Foglia emploi le mot « bébé » pour dire l'infantilisation.

Qu'a dit Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ? Aller dans les centres d'achats, aller acheter, dépenser.

C'est ce que veut le pouvoir de nous. Pour être bien sûr que nous n'allons pas économiser notre argent, travailler moins et utiliser nos temps libres à réfléchir à des questions embarrassantes pour lui, le pouvoir a inventé un système auquel il a donné un nom évocateur : libéralisme. Le libéralisme n'a pas pour but de faire de nous des citoyens libres et raisonnables, comme il serait tentant de le croire. Il a pour but au contraire de nous maintenir dans un état permanent d'aliénation, d'infantilisation. Et pour atteindre ce but, c’est mon propos d’aujourd’hui, un seul instrument, mais ô combien efficace : le kitsch.

Exemple. Le Devoir nous apprend en fin de semaine que la puissance des voitures vendues au Québec a augmenté de 55 % au cours des dix dernières années. Dans un contexte d'alarme climatique planétaire, il peut sembler étonnant de constater « que les gains réalisés par l'industrie automobile sur le plan technologique n'ont pas servi àdiminuer la consommation des véhicules et leurs émissions de gaz à effet de serre ». (2) Un citoyen raisonnable et socialement responsable n'utiliserait jamais une de ces voitures surpuissantes, polluantes et... plus dispendieuses. D’où la nécessité de la pub, dont la fonction première est, en utilisant ici le kitsch de la puissance, de susciter des comportements d'achat irresponsables. Le kitsch de la puissance est, pour les hommes en particulier, irrésistible. Il se compose d'un ensemble d'images facilement reconnaissables, appelés clichés. Parmi ces clichés : l'homme au volant de sa voiture fougueuse au moteur de 300, de 400 chevaux nerveux, prenant les virages à toute allure, maîtrisant sa monture mécanique, dominant la route. Ce cliché, dont les variantes sont innombrables, s'appuie sur un stéréotype : l'homme viril, c'est-à-dire l'homme, point. L'imagerie kitsch s'est emparé de ce stéréotype, l'a récupéré au profit des détenteurs pouvoir, en l’occurrence ici l’élite industrielle.

J'y reviendrai.

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(1) Foglia, Pierre. « L’assouvissement ». Cyberpresse.ca [En ligne] (Samedi, 19 janvier 2008) (Page consultée le 20 janvier 2008)

(2) Francoeur, Louis-Gilles. « Toujours plus grosses, toujours plus puissantes ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi, 19 et dimanche, 20 janvier 2008) (Page consultée le 20 janvier 2008)