Rechercher dans ma chambre

samedi, novembre 29, 2008

Dindons de la farce

Au secours ! À l'aide ! J'étouffe !

Tout l'après midi, sur RDI, les mêmes nouvelles, en boucle. À toutes les demi-heures le même Charest répétant effrontément que la crise politique qui sévit à Ottawa est la preuve qu'en ces temps d'incertitude, ce qu'il faut, c'est la stabilité d'un gouvernement majoritaire, précisément ce qu'il demande au Québécois et blablabla...

Pus capable !

Je vais éteindre la télé.

Mais ce n'est pas encore assez. L'écoeurement a créé une telle charge d'agressivité... Vous vous imaginez, moi, agressif !? Moi qui fait à peine plus de 30 kilos. Un gros dindon. Je sais pas si c'est à cause de l'Action de grâces, mais c'est justement ce pour quoi nous prend Charest : un troupeau de dindons. Dindons d'une farce qui ne prendra pas fin, comme nous pourrions l'espérer, le 8 décembre.

Farce, vaudeville du cynisme politique

jeudi, novembre 27, 2008

Pourrissement

Charest n'a jamais voulu diriger le PLQ. Le Québec ne convenait pas à son ambition, n'offrait qu'un horizon limité, « provincial », étriqué. Largué ici contre son gré par le Parti conservateur, son propre parti dont il était le chef, il a mis plusieurs années à s'adapter. Cette adaption maintenant faite, elle ne peut toutefois occulter une évidence fondamentale : cette homme n'a aucune vue particulière sur le Québec qu'il dirige pourtant depuis six ans.

Prenons l'exemple de Harper. On peut bien penser ce qu'on voudra du chef conservateur, on ne saurait l'accuser de ne pas avoir une idée précise du Canada qu'il souhaite créer. C'est d'ailleurs pourquoi il est tant détesté par plusieurs et tant aimé par d'autres.

Chez Charest, rien de tel. Pourquoi ? Parce que le projet souverainiste, qui a structuré la vie politique québécoise pendant 40 ans, qui était la source de sa vitalité, est à l'agonie. Son absence remarquable au cours de la présente campagne explique le vide ressenti par les citoyens. Charest a d'abord été largué à la tête du PLQ pour faire la lutte à un Lucien Bouchard perçu comme une menace par Ottawa. Lors des deux dernières campagnes, il lui a donc suffit d'attaquer comme d'habitude les visées souverainistes de Landry, puis de Boisclair. Mais voilà : le PQ de Pauline Marois a pratiquement fait le deuil de son projet fondateur. Du coup, Charest apparaît pathétiquement nu, vide d'idées, de projets pour le Québec.

Et là est le danger. Le PLQ se présente plus que jamais comme un parti d'intérêts. Son projet, c'est le pouvoir, tout le pouvoir, mis au service d'intérêts privés. Et bonjour le clientélisme, le favoritisme, les PPP dans tous les secteurs où il y a de l'argent à faire : énergie, infrastructures, santé...

Ainsi, avant de quitter la vie politique cet été, le titulaire de la Santé, Philippe Couillard, signait un arrêté ministériel favorisant son nouvel employeur en allongeant la liste des traitements médicaux qui pourront maintenant être dispensés dans les cliniques privées. (1) Mais ce n'était pas encore assez : à la demande des médecins spécialistes, cette liste peu de temps après a encore été modifiée afin d'inclure des chirurgies sous anesthésie générale, régionale et locale. (2) Le secteur des infrastructures est aussi ciblé. Le parachèvement de l'autoroute 30 en PPP coûtera vraisemblablement des centaines de millions aux contribuables selon des récentes révélations (3) (4) (5) Le troisième programme de minicentrales hydroélectriques ne permettra aucun accès du public aux documents d'appel d'offres, d'analyse des propositions, aux contrats entre les municipalités et les partenaires, empêchant ainsi l'analyse indépendante de la rentabilité des projets, des sommes versées aux municipalités, des ententes avec Hydro-Québec et les promoteurs...

Ces exemples parlent d'eux-mêmes. Lorsqu'un parti garde le pouvoir trop longtemps, il ne peut échapper au pourrissement de son éthique de la gouvernance. C'est ce qui est arrivé au Parti libéral du Canada, comme nous l'a révélé le scandale des commandites, et c'est ce qui est en train d'arriver au parti de Jean Charest, qui sera bientôt réélu pour un troisiôme mandat, du jamais vu depuis Duplessis, et qui n'a jamais eu d'autres projets que celui d'une « réingénérie » conçue comme une dilapidation du bien public.

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(1) Lacoursière, Ariane. « La CSN et la FTQ tentent de stopper le développement du privé en santé ». Cyberpresse [En ligne] (Jeudi 27 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(2) Beauchemin, Malorie. « Couillard a ouvert la porte au privé avant de quitter ». Cyberpresse [En ligne] (Mecredi 20 août 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(3) Francoeur, Louis Gilles. « Prolongement de l'A-30 en PPP - Québec a versé 27 millions à des consultants ». Le Devoir [En ligne]. (Mercredi 19 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(4) Francoeur, Louis Gilles. « Autoroute 30 - Les ingénieurs du gouvernement contestent les chiffres de l'Agence des PPP ». Le Devoir [En ligne]. (Vendredi 7 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

(5) Francoeur, Louis Gilles. « A-30 en PPP : les contribuables épargneraient 751 millions ». Le Devoir [En ligne]. (Jeudi 6 novembre 2008) (Page consultée le 27 novembre 2008)

mardi, novembre 25, 2008

Une campagne nuisible

« Pendant une campagne électorale, la fonction publique est au neutre. Après ça, une fois l'élection passée, il faut constituer le conseil des ministres, il faut commencer à préparer la nouvelle session. Ça, ça veut dire que pendant trois mois, à toutes fins pratiques, tout est arrêté. »

Ce commentaire que Jacques Parizeau a livré à Tout le monde en parle est limpide et sans appel : non seulement la présente campagne électorale est inutile, elle est nuisible. Nuisible parce que le temps presse, la crise s'aggrave de jour en jour. Sur Cyberpresse on peut lire aujourd'hui ce mot d'ordre d'Obama : « Il faut agir tout de suite ».

Que fait Charest ? Il lance sa stratégie de réélection majoritaire. Son slogan est une fumisterie : « L'économie d'abord ». Si ce n'est pas être cynique...

Parizeau critique également un autre élément de la réponse du PLQ à la crise actuelle : « Les banques sont en train de restreindre le crédit au petites entreprises, aux moyennes entreprises en particulier. Ça, ça risque de faire pas mal de chômage. On a créé au Québec un instrument qui s'appelle Investissement Québec, qui a exactement ce qu'il faut pour aider à cette situation-là, c'est-à-dire des garanties à des entreprises. Qu'est-ce qu'il devrait faire le gouvernement à l'heure actuelle ? Aller voir le président d'Investissement Québec pis leur dire : ouvrez le robinet, donnez plus de garanties. Dans le programme de Mme Forget [présidente du Conseil du Trésor], là, le document économique qu'elle a sortie, c'est pas ça qu'on fait. On dit : on va créer un nouveau programme... C'est pas comme ça qu'on gère. Y'a une urgence. On se grouille ! »

Mais créer un programme est beaucoup plus rentable, du point de vue de l'image politique, que donner de simples consignes à des fonctionnaires. Parizeau, grand serviteur de l'État, n'a jamais été un grand politicien, au contraire de Charest, politicien habile, mais piètre serviteur de l'État. Ce sens du service de l'État dont est dépourvu Charest est d'ailleurs ce qui le distingue le plus des chefs péquistes comme Lévesques, Landry, aussi bien que des chefs libéraux comme Lesage et Bourassa.

Mais les électeurs ne semblent guère se soucier de ce manquement à l'éthique politique de leur premier ministre. Non sans conséquences.

J'y reviendrai.

vendredi, novembre 21, 2008

Génocide

Certains se souviendront peut-être de cet irrésistible personnage appelé Peau de la Vieille Hutte (Old Lodge Skin), vieux sage d'une tribu cheyenne qui assiste, dans le film Grand petit homme (Little Big Man) à l'extermination de son peuple par les Blancs. L'homme qui incarne ce personnage, pour lequel il fut nomminé en 1971 aux Oscars à titre de meilleur acteur de soutien, est lui-même un chef amérindien, de la nation Tsleil-Waututh en Colombie-Britannique. Son nom à la naissance était Tes-wah-n, ou Dan Slaholt. Il fut changé pour Dan George à son arrivée, à l'âge de cinq ans, dans un pensionnat où il lui fut interdit de parler sa langue. Arraché de force à sa famille, Chief Dan Slaholt a témoigné plus tard de cette expérience traumatisante. C'est ce témoignage que j'ai retrouvé dans un vidéo très touchant. Chief Dan Slaholt est décédé en 1981, mais le vidéo, intitulé Unrepentant : Kevin Annett and Canada's genocide, date de janvier 2007. Prenez le temps d'en regarder la première partie, présentée ici avec sous-titres français. La version intégrale sans sous-titres est disponible ici.

Rappelons que le Canada refuse toujours de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Je vous invite, enfin, à signer la pétition Stop Complicity in Genocide.

jeudi, novembre 13, 2008

Jeudi, 13 novembre 2008

Il y a un an, jour pour jour, mon père rendait son dernier souffle. Le jour de mon anniversaire. Un étrange hasard, dont je n'ai pu rien tirer. Encore aujourd'hui, la question reste entière : quel est le sens d'une vie ? La filiation nous enracine si l'on veut bien, mais après ? Avec l'affaiblissement des forces vitales, la routine change, se durcit. Le corps s'impose jusque dans les gestes les plus triviaux, lesquels forment une sorte d'emmurement du quotidien. Pourquoi tant d'efforts ?

Mon père, dans sa petite chambre de CHSLD, cueillait le plaisir là où il se trouvait : la gentillesse d'une préposée, le sourire de l'infirmière, un repas et, au fond de sa conscience parfois troublée, une image, un souvenir, un rêve.

Aujourd'hui, le temps me pèse un peu. Et puis ce poème, « Art poétique », de Miron, qui m'habite :

J'ai la trentaine à brides abattues dans ma vie
je vous cherche encore pâturages de l'amour
je sens le froid humain de la quarantaine d'années
qui fait glace en dedans, et l'effroi m'agite...

je suis malheureux ma mère mais moins que toi
toi mes chairs natales, toi qui d'espérance t'insurges
ma mère au cou penché sur ton chagrin d'haleine
et qui perds gagnes les mailles du temps à tes mains

dans un autre temps mon père est devenu du sol
il s'avance en moi avec le goût du fils et des outils
mon père, ma mère, vous saviez à vous-deux nommer
toutes choses sur la terre, ô mon père, ô ma mère

J'entends votre paix
se poser comme la neige...

vendredi, novembre 07, 2008

Très drôle, en cette période de déroute financière

Visionné sur Cybersolidaires, ce court film de Jonathan Browning (États-Unis) qui a remporté le grand prix du 10e Festival international des Très Courts.

Très drôle, en cette période de déroute financière

mercredi, novembre 05, 2008

All things are possible

J'avais parlé de racisme. Je m'étais trompé ; il n'a pas obtenu la majorité du vote blanc, c'est vrai, mais Kerry non plus en 2004, ni Gore en 2000.

J'avais parlé de fraude électorale. Et il y en a eu, inévitablement, mais pas au point d'écrire à sa mère.

Hier au soir, c'est l'Histoire qui s'est écrite, devant des millions et des millions de gens émus.

J'étais au lit, les yeux rivés à l'écran. Quand ils ont finalement annoncé qu'Obama était le nouveau président élu des États-Unis, Catia, ma préposée et amie haïtienne, s'est mise à crier dans le salon comme je ne l'avais jamais entendue crier avant. Une folle. Elle sautillait partout.

Vers 23 h 15, revenue à elle-même, elle a voulu m'installer pour la nuit. J'ai résisté, usant de mon autorité imaginaire :

C'est ça, hein, t'es jamais pressée d'arriver, mais toujours pressée de partir !

À 23 h 45, il est enfin apparu, à Grant Park, devant une foule électrisée, et il a dit cette phrase toute simple que j'ai comprise pour la première fois :

If there's anyone out there who still doubts that America is a place where all things are possible...

mardi, novembre 04, 2008

Fraude électorale - Suite

Un article du Devoir (1) vient aujourd'hui valider, en quelque sorte, les informations contenues dans un autre article, du journal Le Grand soir celui-là, (2) excellent, et que j'ai présenté dans mon dernier billet.

Voici un extrait du Devoir :

Huit ans après le recomptage mémorable en Floride, quatre ans après la contestation du vote dans l'Ohio, l'Amérique ne peut donc pas écarter un nouveau scénario catastrophe pour cette élection. « Avec les votes anticipés, on pourrait penser qu'on a tiré les leçons du passé, mais pas vraiment, explique Michael Waldman, le directeur du Brennan Center for Justice, qui milite pour un changement de système. Nous sommes face à une série de facteurs qui peuvent entraîner le chaos. D'une part, il va y avoir les nouveaux inscrits, d'autre part, les problèmes avec les machines électroniques. Et puis reste la fraude qui peut intervenir, car aux États-Unis le scrutin est géré au niveau local. » Barack Obama pourrait ainsi ne pas bénéficier à plein de la vaste campagne d'inscription sur les listes électorales qu'il a lancée depuis de longs mois.

Selon les derniers chiffres, plus de 8,5 millions de nouveaux votants ont été enregistrés cette année, mais avec eux, les problèmes se sont multipliés. Dans le Colorado par exemple, le secrétaire général de l'État, un républicain, a refusé 6000 nouveaux inscrits, sous prétexte qu'ils n'avaient pas coché une case avant de donner leur numéro de sécurité sociale. L'affaire a été portée devant la justice par les démocrates, mais n'a pas encore été tranchée. En Pennsylvanie, les troupes d'Obama ont dénoncé le fait que personne n'ait informé les électeurs nouvellement recrutés qu'ils devraient présenter une pièce d'identité pour aller voter, alors qu'aucun justificatif n'est nécessaire pour ceux ayant participé à au moins deux cycles électoraux... [...]

Paradoxalement, la modernisation du système électoral et des machines à voter n'a rien arrangé. Après la débâcle de 2000, le Congrès a imposé à chacun des 50 États américains de créer une banque de données d'électeurs, en enregistrant tous les républicains, les démocrates et les indépendants, grâce à leur permis de conduire ou leur numéro de sécurité sociale. L'objectif était simple : éviter les fraudes et pouvoir vérifier l'identité de ceux qui se présentent aux urnes. Seul problème : les nombreuses erreurs typographiques qui existent sur les papiers officiels. Dans un exercice « à blanc » en août, le Wisconsin a pris un échantillon de sa population et a tenté de mettre en adéquation les noms figurant sur les cartes électorales et les noms emmagasinés dans sa nouvelle banque de données. Avant de constater un pourcentage d'erreur supérieur à 20 %. Il y a encore une semaine par exemple, Samuel Joseph Wurzelbacher, le fameux « Joe le Plombier », n'aurait pas pu voter. L'Ohio s'est rendu compte que son patronyme avait été mal orthographié par les autorités de Lucas County. (1)

Les républicains vont-ils réussir à voler également cette élection historique ?

C'est ce que nous saurons bientôt.

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(1) Libération. « Le spectre du chaos électoral ». Le Devoir [En ligne]. (Mardi 4 novembre 2008) (Page consultée le 4novembre 2008)

(2) « Etats-Unis : comment voler une élection ». Traduit par Le Grand soir de : Robert F. Kennedy Jr et Greg Palast. « Block the Vote ». Rolling Stone Magazine [En ligne] (Jeudi, 30 octobre 2008) (Page consultée le 31 janvier 2010)

lundi, novembre 03, 2008

Fraude électorale

Les républicains peuvent compter sur le vote des Blancs, mais ce pourrait ne pas être suffisant, car, tout de même, les mentalités ont évolué depuis 50 ans et bien des électeurs « caucasiens » n'en ont rien à foutre de la race. Aussi les troupes de Bush ont-elles recours à la fraude électorale pour garder le pouvoir. C'était vrai en 2000, comme on sait. Ce qu'on sait moins, c'est que la nouvelle loi électorale, la loi Help America Vote Act (HAVA), votée en 2002 afin justement d'éliminer le risque d'un autre humiliant imbroglio politico-juridique, ne met pas à l'abri des manoeuvres frauduleuses. C'est ce que révèle un excellent article (1) paru dans Le Grand soir.

Dès « l’origine, la HAVA fut déformée par le travail du super lobbyist Jack Abramoff qui fit tout pour intégrer un maximum de clauses dans le texte qui soient de nature à favoriser » (1) les républicains.

Ce n'est ainsi pas un hasard si, depuis 2003, selon la Commission d’Assistance Électorale US, au moins 2,7 millions de nouveaux électeurs se sont vus refuser leur inscription sur les listes électorales.

Le Grand soir identifie six moyens que les troupes républicaines pourront utiliser pour éliminer des votes démocrates :

– Obstruction aux campagnes en faveur de l’inscription sur les listes électorales ;

– Exigence de « corrélations parfaites des données » ;

– Élimination d’électeurs légitimes : la HAVA permet non seulement d’empêcher de nouvelles inscriptions, elle permet aussi d’éliminer ceux qui sont déjà inscrits de longue date ;

– Exigence de pièces d’identité inutiles ;

– Rejet des bulletins « nuls » : même les électeurs intrépides qui réussiraient à glisser leur bulletin dans l’urne risquent de le voir rejeté ;

– Contestation des bulletins « provisoires » : en 2004, on estime à 3 millions le nombre d’électeurs qui se sont présentés dans les bureaux de vote et se sont vus refuser le vote par un bulletin normal, sous prétexte d’une irrégularité quelconque. A la place, on leur a fourni un bulletin « provisoire », une mesure de sécurité imposée par la HAVA pour permettre une vérification des bulletins litigieux lors du dépouillement. Mais pour de nombreux officiels, résoudre le litige signifiait tout simplement jeter le bulletin à la poubelle. En 2004, un tiers des bulletins « provisoires » -- soit 1 million de voix -- furent tout simplement jetés ainsi sans autre forme de procès.

Un long article très convaincant. À lire absolument.

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(1) « Etats-Unis : comment voler une élection ». Traduit par Le Grand soir de : Robert F. Kennedy Jr et Greg Palast. « Block the Vote ». Rolling Stone Magazine [En ligne] (Jeudi, 30 octobre 2008) (Page consultée le 31 janvier 2010)

samedi, novembre 01, 2008

Les votes ethniques

Il faut connaître des musulmans, ou des Noirs, être témoin de leur vie au quotidien, pour prendre la mesure de ce mal insidieux et répandu qu'est le racisme. Mes préposées haïtiennes m'en parlent à l'occasion, dans des moments de ras-le-bol, parce qu'elles ont confiance en moi. Autrement, elles gardent le silence ; on ne les croirait pas.

Le racisme ne fait pas de bruit, sauf quand il interdit à un médecin sénégalais de pratiquer. Ou quand il sort du revolver d'un policier. Il ne fait pas de bruit, mais il tue toujours. Pas seulement des Villanueva. Il tue aussi et d'abord l'amour propre, la dignité, blesse le bonheur et l'espoir, et, au-delà, atteint tout le corps social.

Mardi prochain, nous serons les témoins d'une tragédie immense.

Obama assassiné ?

Pourquoi faire ? Il n'y qu'à voter pour sa race et remettre les Nègres à leur place. En 1954, la Cour suprême des États-Unis cassait les lois de ségrégation dans les écoles ; puis, en 1956, dans les transports publics. C'était il n'y pas si longtemps. « Joe le Plombier », dans sa banlieue de l'Ohio, n'a pas oublié. Il tient aujourd'hui sa revanche, il ne va pas rater son coup. Oubliez les sondages. Oubliez l'argent dont regorgent les démocrates. Ici, il est question d'un mépris profond, protéiforme. C'est lui qui va voter dans l'isoloir.

Les Américains ne sont pas moins racistes que les Québécois, en dépit des apparences.

Pour voiler quelque peu cette réalité honteuse, les analystes parlent plutôt de l'« effet Bradley », du nom de ce candidat noir au poste de gouverneur de la Californie en 1982 ; donné largement gagnant dans les sondages, il devait finalement perdre de très peu contre son adversaire républicain George Deukmejian. Les psys, dans le même esprit euphémisant, se sont de leur côté vraiment surpassés : ils appellent « préjugé de désirabilité sociale » (social desirability bias) la duplicité du sondé qui fournit hypocritement des réponses perçues comme politiquement correctes et « socialement désirables ». (1)

Mardi, en fin de soirée, Obama pourra affirmer, amer :

Nous avons perdu, au fond pourquoi ? Pour une raison : les votes ethniques.

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(1) Keiser, Richard. « Vote Obama : les électeurs blancs pourraient faire mentir les sondages ». Le Monde diplomatique [En ligne]. (Novembre 2008) (Page consultée le 1er novembre 2008)