Rechercher dans ma chambre

mardi, octobre 21, 2008

L'argent-dette - Suite

Je reviens sur un passage du vidéo présenté dans mon dernier billet :

« En quelques décennies, à cause du lobbying féroces des banques, les obligations de réserves ont quasiment disparu dans plusieurs pays ».

Le cas de l'Islande est assez frappant. Le Devoir titrait samedi : « L'Islande au bord du gouffre ». (1) Dans ce petit pays jouissant d'un niveau de vie très élevé, le crédit, c'est-à-dire l'endettement, était devenu trop accessible. L'économie, certes, tournait à plein régime, les 330 000 habitants pouvaient assouvir leur soif de consommer, mais cette bulle irréelle ne pouvait qu'éclater. Le gouvernement, qui avait laissé les banques créer de l'argent-dette au-delà de toute mesure raisonnable, pris dans la tourmente, a dû finalement révéler que les dettes de ces dernières représentaient 12 fois le PNB du pays !

C'est d'abord la troisième banque du pays, Glitnir, qui a requis le secours de l'État. La nouvelle de sa nationalisation a aussitôt ébranlé la confiance dans les filiales de la seconde banque, Landsbanki. Il s'est alors produit ce que le vidéo appelle un « phénomène de retrait massif », un mouvement de panique qui a mis Landsbanki à genoux.

La crise financière actuelle, telle que l'illustre le cas de l'Islande, est le résultat, d'abord, de l'irresponsabilité des gouvernements qui ont déréglementé le secteur financier et tenu les citoyens dans l'ignorance des risques ; ensuite, de la cupidité et la stupidité des banques qui ont créé des produits financiers (comme les Credit Default Swap, les Asset Backed Securities) si complexes qu'elles s'y sont finalement perdues ; enfin, de la soif de consommer des citoyens eux-mêmes, qui, au fond, ne demandaient pas mieux que de pouvoir dépenser de l'argent qu'ils n'avaient pas.

Tel est le système, qui, ne l'oublions pas, repose tout entier sur l'accroissement perpétuel de l'endettement. Qu'il y ait crise ou pas ne change rien au fait que ce système d'endettement est insoutenable à long terme et qu'il doit impérativement être jeté aux poubelles de l'Histoire.

Nous en sommes tous là, face à un choix fondamental. Je cite Foglia :

« Pour moi, cette crise pose une question fondamentale qu'on fait tout pour éluder, contourner, qui ressurgit pourtant dans tous nos débats, dans nos élections, dans nos choix de vie : assouvissement ou émancipation ? Consommation ou culture ? Société ou marché ? » (2)

__________

(1) Auteur non mentionné. « L'Islande au bord du gouffre ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 18 octobre 2008) (Page consultée le 31 janvier 2010)

(2) Foglia, Pierre. « Une question niaiseuse ». cyberpresse.ca [En ligne] (Samedi 18 octobre 2008) (Page consultée le 18 octobre 2008)

jeudi, octobre 09, 2008

L'argent-dette

« On croit souvent que les banques prêtent l'argent que les déposants leur ont confié. Mais pas du tout. En fait, les banques créent l'argent qu'elles prêtent. Pas à partir de leurs bénéfices, ni à partir de l'argent déposé, mais directement à partir des promesses de remboursement faites par les emprunteurs. »

Tel est le propos initial de ce documentaire animé de Paul Grignon, L'Argent-dette (Money as Debt) qui pose cette question fondamentale : d'où vient l'argent ?

Prenez le temps de le visionner. Votre perception de la crise financière actuelle en sera certainement éclairée. Notamment, vous comprendrez pourquoi la crise actuelle est appelée crise du « crédit » ; pourquoi les gouvernements veulent éviter que les gens cessent de consommer, c'est-à-dire de s'endetter ; et pourquoi ces mêmes gouvernements veulent également éviter à tout prix que les gens se précipitent à leurs banques pour retirer leur argent.

Plus fondamentalement, c'est tout le système monétaire actuel -- dit « système de réserves fractionnelles » soutenues par des banques centrales -- qui est ici mis en cause, nommément la mainmise des banques privées sur une organisation de la société basée sur l'expansion illimitée du crédit.


Ce vidéo est hébergé sur le site vimeo.

Ci-dessous, quelques extraits :

« le crédit créé par une banque privée est légalement convertible en devises fiduciaires émises par le gouvernement comme les dollars, les euros, Les devises fiduciaires sont des devises créées par un décret gouvernemental. »

« Le montant total d'argent qu'il est possible de créer n'a qu'une seule limite réelle : le montant total de la dette. »

« Les gouvernements placent une limite légale sur la création d'argent fictif en imposant des règles sur les obligations de réserves fractionnelles, mais ces obligations sont fondamentalement arbitraires. Elles varient d'un pays à un autre, d'une époque à une autre. Longtemps, il a été commun d'exiger que les banques aient au moins un dollar en or en réserve pour garantir dix dollars d'argent-dette. Aujourd'hui, les ratio de réserves minimales ne s'appliquent plus du tout au rapport entre argent nouvellement créé et or en dépôt, elles [sic] s'appliquent uniquement au rapport entre argent nouvellement créé et argent existant. Aujourd'hui, les réserves d'une banque sont faites de deux choses : le montant en devises bien réelles qu'elle a déposé à la banque centrale et le montant total de son argent-dette. »

« En résumé, la réserve initiale d'un peu plus de mille cent onze dollars [1111,12] à la banque centrale permet de récolter des intérêts sur des sommes allant jusqu'à 100 000 dollars, que la banque [le système bancaire] n'a jamais eus. »

« En quelques décennies, à cause du lobbying féroces des banques, les obligations de réserves ont quasiment disparu dans plusieurs pays »

« l'argent créé par le gouvernement représente en général moins de 5 % de l'argent en circulation »

« dans le monde artificiel de l'argent, la simple promesse faite par une banque de vous prêter de l'argent est considérée comme de l'argent véritable »

« Est-ce que vous vous êtes déjà demandé comment tout le monde -- les gouvernements, les entreprises, les familles – peut être endetté en même temps et pour des sommes aussi colossales ? Est-ce que vous vous êtes demandé comment il peut y avoir tant d'argent à emprunter ? »

« Sans dettes, il n'y aurait pas d'argent du tout. »

« Il faut bien souligner que les banquiers créent uniquement le montant du principal ; ils ne créent pas l'argent qui sert à payer les intérêts. Alors, d'où vient cet argent ? Le seul endroit où les emprunteurs peuvent obtenir de l'argent pour payer les intérêts est l'ensemble des fonds de l'économie générale. Mais presque tous ces fonds ont été créés de la même façon, à partir de crédits bancaires. Donc partout, il y a des emprunteurs qui se trouvent dans la même situation : ils cherchent désespérément l'argent pour rembourser le principal et les intérêts dans une réserve globale d'argent qui ne contient que le principal. Il est tout à fait impossible pour tout le monde de payer le principal plus les intérêts car l'argent des intérêts n'existe pas. [...] Le grand problème, c'est que pour les emprunts à court [sic] terme, comme les hypothèques et les emprunts gouvernementaux, où les intérêts dépassent de loin le principal, les risques de saisies, et donc les dangers pour l'économie, sont très grands. À moins de créer beaucoup d'argent pour payer les intérêts. Pour que la société continue de fonctionner, le taux des saisies doit rester bas. De plus en plus de nouvelles dettes doivent être créées pour trouver l'argent qui servira à payer les dettes précédentes. Alors bien sûr, la dette totale augmente, et les intérêts aussi, ce qui cause une escalade exponentielle de l'endettement. Seul le temps qui sépare la création des nouveaux emprunts et leur remboursement empêche le manque d'argent global de mettre le système en faillite. »

« Comment un système monétaire fondé sur l'accélération perpétuelle de la croissance peut-il servir à construire une économie durable ? »

lundi, octobre 06, 2008

Mille milliards... !

L'éditeur Steve Forbes, qui publie chaque année le palmarès des plus grandes fortunes de la planète, affirmait en entrevue, début octobre, que la crise des subprimes n'avait, somme toute, jusqu'à présent, pas été si coûteuse.

Il compare ce que le gouvernement Bush a dû injecter dans l'économie, 1200 milliards de dollars, aux actifs financiers nets des Américains qui totalisent, tenez-vous bien, 30 000 milliards de dollars ! À quoi s'ajoutent les 20 000 milliards d'actifs non financiers, comme les maisons et les automobiles. (1)

50 000 milliards de dollars, donc... Que pour les États-Unis. Ajoutons maintenant l'Europe, le Japon, les grandes fortunes dans les pays dits émergents, les monarchies pétrolières...

Des centaines de milliers de milliards de dollars.

Et dire que le Programme alimentaire mondial (PAM) a toutes les difficultés à obtenir une fraction d'un seul petit milliard, qu'il doit réitérer sans cesse ses appels d'urgence en faveur des plus démunis, et que lorsqu'elle arrive enfin, cette petite fraction d'un milliard, elle est le plus souvent « liée ». Le PAM est en effet obligé de retourner, en quelque sorte, les sommes reçues en achetant ses approvisionnements auprès des pays donateurs, ce qui accroît le coût de ses interventions et en diminue l'efficacité. Le Canada a d'ailleurs promis de mettre fin à sa politique d'« aide liée »... en 2012.

Mais le plus souvent, ce n'est pas ce scénario qui prévaut. Le plus souvent, le scénario, c'est qu'il n'y a pas d'aide du tout. Devant les caméras et les médias du monde entier, les chefs d'État, affectant un air grave et soucieux, promettent des milliards de plus en aide au développement, milliards qui ne viennent jamais. La commission Africa Progress Panel, mise sur pied pour suivre la concrétisation des promesses faites lors du sommet du G8 en 2005 en Écosse, écrit que les pays riches sont à 40 milliards de dollars en deçà de leurs engagements. (2)

Pire encore, ces riches pays donateurs qui donnent si peu, ressentent maintenant une certaine « lassitude », devant le peu de progrès observé sur le terrain, et dans un contexte de crise financière mondiale.

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(1) Lévesque, Claude. « Steve Forbes croit que la crise financière n'aurait pas dû atteindre de telles proportions ». Le Devoir [En ligne] (Jeudi 2 octobre 2008) (Page consultée le 6 octobre 2008)

(2) Reuters. « Les pays riches n'ont pas tenu les promesses qu'ils avaient faites à l'Afrique ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 17 juin 2008) (Page consultée le 6 octobre 2008)

mercredi, octobre 01, 2008

Censure ? C'est sûr !

Ce qu'on ne sait pas ne fait pas mal... aux conservateurs

Dernier de trois textes

Depuis le début de la campagne électorale, les demandes des médias concernant la santé mentale des soldats ou les coûts de la guerre en Afghanistan ne reçoivent aucune réponse. La directive émane du Conseil privé, c'est-à-dire de Harper lui-même. Une autre directive oblige les fonctionnaires et les militaires à transmettre au bureau du premier ministre toutes les demandes des médias. Ainsi, les entrevues, les communiqués de presse et les autres informations, même factuelles, doivent être approuvées par l'entourage de Stephen Harper, qui juge si le public a le droit de savoir. « Cette directive n'a pas été écrite. Vous ne trouverez rien si vous faites des demandes d'accès à l'information. L'objectif est de ne pas laisser de traces. Il ne faudrait pas que les gens sachent que le ministère de la Défense ne contrôle plus ses communications et que le public entend seulement ce que les conservateurs veulent », a dit une source militaire qui a reçu la directive. (1)

Les conservateurs avaient pourtant fait de la transparence l'un des thèmes forts de leur campagne électorale en 2006. Ayoye !

En dépit de l'adoption d'une loi qui devait améliorer l'accès du public aux documents gouvernementaux, le nombre de plaintes adressées au commissaire à l'information fédéral est en hausse fulgurante depuis avril dernier. Les délais pour recevoir des documents en vertu de la Loi d'accès à l'information sont devenus souvent abusifs, ce qui inquiète le commissaire, Robert Marleau. Au banc des accusés : le contrôle exercé, encore une fois, par par le Conseil privé, qui est le ministère du premier ministre et le tout-puissant centre nerveux de la machine politique à Ottawa. L'omertà imposée par les conservateurs à la fonction publique est sans précédent. Elle est devenue un sujet de fascination morbide dans les capitales provinciales et un sujet préoccupant pour ceux qui se soucient de l'état des politiques publiques au Canada.

Aussi, nul n'a été étonné d'apprendre récemment que, même si plusieurs des dossiers associés au ministère fédéral de l’Environnement sont de nature scientifique ou technique, ses fonctionnaires ne peuvent plus parler librement aux médias pour mieux expliquer les nuances de certaines problématiques. En effet, Environnement Canada a récemment instauré un « Protocole pour les relations médias », comme le dévoilait le service de presse de Canwest en février. Le blogue écologiste canadien DeSmogBlog a récemment mis la main sur le protocole en question, qui explique la marche à suivre lorsqu’un journaliste contacte un employé d’Environnement Canada. Le document de douze pages précise que le service des médias d’Environnement Canada « pourrait demander à l’expert de répondre [aux questions des médias] avec des réponses préapprouvées ». Le bureau d’Ottawa assure la coordination des appels médias à travers le pays, alors que cette responsabilité dépendait jusqu’à récemment des bureaux régionaux, comme ceux qui se trouvent à Montréal et à Québec, par exemple. (2)

Les cas de censure affectent tous les ministères, mais davantage ceux de la Défense, de l'Environnement et de la Santé où des décisions contraires au bien commun pourraient susciter la controverse. Le cas du rapport de Santé Canada est notoire. Dévoilée par Santé Canada sans tambour ni trompette, à 16 h 30, un mercredi, au beau milieu de l'été, une analyse exhaustive de Santé Canada met pourtant en garde la population face à l'augmentation probable de décès et de plusieurs maladies et à l'apparition de nouvelles pathologies associées au réchauffement de la planète. Or, selon les informations obtenues par Le Devoir, la version définitive de cette analyse climatique et sanitaire a été achevée en janvier 2008 pour une publication initiale prévue au printemps 2008. Le lancement de ce document d'envergure à l'heure de la lutte contre les gaz à effet de serre devait également être accompagné d'une campagne médiatique d'un océan à l'autre en juin cette année. Objectif : sensibiliser les acteurs de la santé aux défis qu'ils risquent d'avoir à affronter dans les prochaines années. « Mais tout ça été annulé à la dernière minute, sans raison », a indiqué Gordon McBean de l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques de la University of Western Ontario qui devait animer mi-juin, à Halifax, une conférence autour de ce rapport qu'il signe d'ailleurs.

En choeur, les auteurs de ce document ont dénoncé le manque de transparence du ministère fédéral qui semble vouloir compliquer l'accès au rapport pour les simples citoyens : l'étude est disponible en effet uniquement sur demande par courrier ou par courriel. Il est impossible de la télécharger directement lors d'une visite sur le site Web de Santé Canada, comme cela est proposé pourtant pour un ensemble d'autres documents portant sur une multitude de sujets, sans doute moins polémiques.

« J'ai travaillé récemment pour l'Organisation mondiale de la santé [OMS] sur un rapport d'épidémiologie environnementale en Azerbaïdjan pour lequel nous avons rencontré un problème similaire », a indiqué hier au Devoir Colin Soskolne de l'École de santé publique de la University of Alberta, l'un des auteurs du rapport de Santé Canada. « La sortie de ce document de l'OMS a été plusieurs fois retardée par le gouvernement de cette ancienne république soviétique parce qu'il porte sur un sujet délicat pour lui. J'y vois malheureusement des similarités avec le niveau d'intervention politique qui a accompagné le dévoilement du rapport de Santé Canada. Ça donne à réfléchir sur le style de gouvernance fédéral actuel qui s'apparente à celui que l'on retrouve aujourd'hui dans l'ex-URSS. » (3)

Le pire, c'est que cette censure brutale n'arrive pas seule. Elle s'accompagne d'une propagande tout aussi dénuée de scrupules. Le Parti conservateur a produit une série de documents d'interventions publiques à l'intention de ses militants sur tout un éventail de sujets allant des changements climatiques aux garderies, en passant par les impôts. Pour les partisans conservateurs, la procédure est simple. Il leur suffit de se rendre sur le site Internet du parti et de cliquer sur un sujet qu'ils aimeraient aborder à la radio : le site leur fournira automatiquement les coordonnées des émissions de radio locales où appeler, ainsi qu'une liste commode de positions toutes prêtes favorables aux conservateurs et moins favorables à l'égard de leurs adversaires. Le site contient aussi des suggestions similaires à l'intention de ceux qui souhaitent écrire des lettres aux journaux. Un porte-parole du parti, Ryan Sparrow, soutient que cette pratique assure une « transparence améliorée » ! (4)

Toute la hargne des conservateurs, toute leur agressivité ne vise qu'à un seul but : remporter les élections, obtenir enfin le pouvoir, tout le pouvoir. Et pour cela, comme les républicains de Bush, tricher, intimider des fonctionnaires, mentir, censurer, contrôler les médias. La méthode est efficace : les Canadiens s'apprêtent à élire un gouvernement majoritaire. Sont-ils conscients des conséquences dramatiques de leurs votes ?

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(1) Castonguay, Alec. « Harper impose le silence aux militaires ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 30 septembre 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(2) Beauchamp, Alexis. « Environnement Canada limite l’accès des médias à ses fonctionnaires ». Vision durable [En ligne] (Lundi 3 mars 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(3) Deglise, Fabien. « Rapport climat et santé - La manière Harper indigne les chercheurs ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 5 août 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(4) Presse canadienne. « Ce que tout bon militant conservateur doit dire ». Le Devoir [En ligne] (Mercredi 26 mars 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

À lire aussi :

-- « Harper, à l'exemple de Bush ». 25 septembre 2008

-- « Reconnaissance du Québec comme nation ? ». 16 septembre 2008