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mercredi, avril 27, 2005

Kyoto : « plan » québécois de réduction de GES : quelques précisions

J'écrivais dans le billet du 21 avril que le bilan presque criminel du Québec en matière de consommation d'énergie « n'a pas empêché le gouvernement Charest d'abandonner le plan de lutte contre les changements climatiques, préférant s'en remettre au plan du... gouvernement fédéral ».
Un article du Devoir a depuis apporté quelques précisions qui ne sont pas totalement dénuées d'intérêt :
Quant au plan de lutte contre les changements climatiques de l'an 2000, que le gouvernement Landry avait entrepris de mettre à jour en 2002 avec une commission parlementaire tenue juste avant les élections, il serait « carrément au point mort ». Il y a visiblement consensus là-dessus de haut en bas du ministère. Néanmoins, dans l'entourage du titulaire du MDDEP, Thomas Mulcair, on affirme vouloir « publier une stratégie québécoise sur les changements climatiques » d'ici au début de l'été, ce qui est sensiblement différent d'un plan d'interventions structurées, avec budgets, ressources humaines et techniques à l'appui. 1
Une stratégie québécoise, donc, qui consistera, pour l'essentiel, comme de raison, à gagner -- c'est-à-dire perdre -- du temps.
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1. Francoeur, Louis-Gilles. « Réduction des GES : les écologistes demandent à Québec d'agir rapidement ». Le Devoir [En ligne]. (Mardi, 19 avril 2005) (Page consultée le 13 février 2008)

jeudi, avril 21, 2005

Kyoto : puérils

Ottawa a publié le 14 avril son plan de réduction de gaz à effet (GES). Je reviendrai prochainement sur certaines des mesures annoncées dans ce plan, car dans l'immédiat, ce qui retient l'attention, c'est la prémisse à la base de celui-ci, présentée comme un constat : « Le Canada est le pays signataire de Kyoto qui doit atteindre la cible de réduction des émissions la plus difficile. Parmi les pays signataires, la différence en pourcentage entre les émissions prévues en 2010 en cas de maintien du statu quo (MSQ) -- ce que seraient les émissions en l’absence de mesures de réduction -- et la cible de Kyoto est plus importante pour le Canada. En l’absence de toute mesure de réduction, nos émissions, en 2010, seraient supérieures d’environ 36 % aux niveaux de 1990 ou d’environ 45 % par rapport à notre cible de Kyoto. » 1

Cette façon de quantifier l'effort canadien est totalement biaisée et puérile. Le Canada s'est engagé à réduire ses émissions de GES de 6 % sous le niveau de 1990, ce qui est peu comparé à la Grande-Bretagne qui doit les réduire de 12,5 %, à l'Autriche, 13 %, au Danemark et à l'Allemagne, 21 % ! 2 Au total, il n'y a pas moins de vingt-trois pays qui se sont fixé des cibles de réduction plus contraignantes que la cible canadienne ! En outre, le Canada a obtenu une concession supplémentaire de la communauté internationale, soit de pouvoir réduire son effort national avec des « puits » de GES 3, ce qui ramène désormais son objectif près de 0 %, plutôt qu'à moins 6 %. La réduction de 36 % évoquée dans le document présenté par le ministre Stéphane Dion ne constitue donc pas l'objectif fixé initialement à Kyoto en 1997, mais plutôt le résultat d'années de laxisme de la part d'Ottawa qui en est encore au stade d'une « démarche » consistant « à bâtir, à apprendre et à nous adapter en cours de route ». 4 Alors que l'Allemagne a déjà presque atteint son objectif et l'aura vraisemblablement dépassé en 2012, Ottawa demeure campé dans une attitude dubitative : « Le Canada aura fort à faire pour atteindre sa cible de Kyoto ». 5

En effet, le Canada aura fort à faire. D'autant que le plan du gouvernement Martin fait porter le fardeau de la réduction des émissions de GES sur l'ensemble de la population afin d'épargner la centaine de grand pollueurs qui à eux seuls sont responsables de la moitié des émissions canadiennes.

Du côté de Québec, le discours est tout aussi puéril et se résume à ceci : c'est pas juste !

Le ministre de l'Environnement, Thomas Mulcair, n'en démords pas : le « Québec a réduit sa production de gaz à effet de serre en industrie de 9,9 % entre 1990 et 2002, en favorisant les sources d'énergie verte comme l'hydroélectricité », ces « efforts historiques [...] doivent être compensés ». 6 Cela est peut-être vrai. Comme il est vrai que si le Québec était un pays souverain, il aurait probablement atteint sa cible de réduction de GES, laissant le reste du Canada s'écraser sous le fardeau de sa propre réalité : un système de production qui a refusé -- en l'absence de tout leadership politique -- de prendre le virage Kyoto, qui demeure le plus grand émetteur de GES par habitant de la planète et qui, en 2005, ressemble plus que jamais à un monstre à neuf têtes assoiffées de combustible fossile.

Cela dit, si le Québec émet moins de GES que les autres provinces, ce n'est pas parce qu'il se consomme ici moins d'énergie mais simplement parce que près de 40 % de cette énergie vient de la filière hydro-électrique. Toutes sources confondues, nous en consommons en fait, par habitant, 245,50 gigajoules, 7 soit plus que la Colombie-Britannique (239,29 gigajoules) 8 et le Manitoba (229,79 gigajoules), 9 et légèrement moins que l'Ontario (268,97 gigajoules), 10 mais beaucoup plus que la moyenne des pays du G-8 (219,80 gigajoules) 11.

Le ministre Mulcair peut bien exiger toutes les compensations possibles, le fait demeure que le plus grand préjudice ne nous est pas causé par Ottawa mais, ici comme là-bas, par le manque de leadership d'une classe politique dénuée de vision et de détermination, incompétente et, en vérité, peu soucieuse du bien commun. Le Québec consomme 75 % plus d'énergie que la France 12 pour un niveau de vie comparable. Ce qui n'a pas empeché le gouvernement Charest d'abandonner le plan de lutte contre les changements climatiques, préférant s'en remettre au plan du... gouvernement fédéral. Quant à Hydro-Québec, société d'État, ce n'est que tout récemment, sous la pression sociale, qu'elle a daigné se doter d'un programme d'économie d'énergie, lequel, de l'avis des experts, n'est pas la moitié de ce qu'il devrait être.

Ces considérations ne sont pas anodines. L'énergie que nous économisons s'accumule dans les immenses réservoirs d'Hydro-Québec et peut par la suite être exportée vers l'Ontario, par exemple, permettant à cette province de réduire son recours aux centrales thermiques fonctionnant au mazout lourd, au charbon ou au gaz naturel, tous polluants. En fait, toute réduction de la consommation d'énergie, voire toute réduction de la consommation, point -- qu'ils s'agissent de biens manufacturés, de denrées, d'énergie hydro-électrique ou d'hydrocarbure -- se traduit ultimement par une réduction correspondante des émissions de GES. C'est cela que nous ne devons jamais perdre de vue. Et c'est cela que nous devons rappeler au gouvernement Charest qui voudrait nous faire croire que le problème de la surconsommation d'hydrocarbure n'est plus un problème québécois.
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1. Aller de l'avant pour contrer les changements climatiques : Un plan pour honorer notre engagement de Kyoto, p. 42. Ce plan a évidemment été retiré de l'Internet dès l'arrivée des conservateurs au pouvoir il y a deux ans. Un résumé demeure accessible sur le site d'Environnement Canada.
2. Ces chiffres sont tirés de l'excellent site de Jean-Marc Jancovici, accessible ici.
3. Par « puits » de GES, on entend toutes les techniques, comme la plantation d'arbres ou la fixation souterraine d'émissions de GES, qui soustraient de l'atmosphère ces gaz néfastes au lieu d'en réduire les émissions à la source
4. Op. cit., p. 7.
5. Ibid, p. 1.
6. PC. « Québec dénonce le plan de Stéphane Dion ». Canoë info - LCN [En ligne]. (Mercredi, 13 avril 2005) (Page consultée le 14 février 2008)
7. Le contenu en énergie d’un réservoir de 30 litres d’essence à moteur équivaut à environ un gigajoule. Donnée tirée d'un document de Statistique Canada, compilée pour l'année 2003.
Ménard, Marinka. « Le Canada, un grand consommateur d'énergie : une perspective régionale ». Statistique Canada [En ligne], p. 10. (Page consultée le 14 février 2008)
8. Idem, p. 21.
9. Idem, p. 15.
10. Idem, p. 13.
11. Idem, p. 4. Donnée compilée pour l'année 2002.
12. IBidem.