Rechercher dans ma chambre

dimanche, février 14, 2010

Quitter Haïti

Patrick Lagacé a fait parler de lui dernièrement. On lui reproche un texte écrit à son dernier jour en Haïti, un texte critique envers le peuple haïtien, et entaché de préjugés. (1) J'ajouterais quant à moi : écrit par un homme profondément heurté, secoué par ce qu'il a vu, et qui cherche mentalement à sortir de là, à s'en sortir.

Mais, voilà : il ne suffit pas de quitter Haïti pour qu'Haïti nous quitte.

Moi-même, dans le confort de mon appartement, j'ai des moments d'émotions. La poitrine nouée tantôt par le chagrin, tantôt par la colère, l'indignation et la volée d'insultes.

Comme dimanche passé, en écoutant Tout le monde en parle.

Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), y explique qu'en taxant davantage les bouteilles d'eau, les hot-dogs et la gomme balloune, le gouvernement se donnerait les moyens de financer « l'expertise » à sa juste valeur. Pas seulement l'expertise des médecins spécialistes, non, non, qu'allez-vous chercher là ! Toutes les expertises ! Celle des « professeurs », des « infirmières » et des... « aidants naturels ».

Arrêt sur image. Au moment de prononcer cette énormité, le Dr Barette tourne son regard vers Chloé Saint-Marie qui a la politesse de ne pas lui répondre. Mais elle a un mouvement du corps, un mouvement qui ne dure qu'une seconde, mais que le montage souligne dans un plan rapproché : elle ne la trouve pas drôle. Elle qui consacre sa vie à lutter pour la cause des aidants naturels, voilà que cette cause, devant un million de téléspectateurs, est détournée au profit d'une petite caste en quête de légitimité. Tabarn... !

Si l'expertise n'est pas financée selon les attentes de la FMSQ – qui réclame la parité, rien de moins, avec les spécialistes canadiens – eh bien elle va s'en aller ailleurs. Où ? Pourquoi pas à Vancouver, tiens, une si belle ville. Les salaires y sont aussi très élevés. D'ailleurs, c'est de là que nous vient ce propos de Pierre Foglia :

Robin et Carline « [s]ont ici depuis deux ans. Le paradis. Ne s'ennuient pas du froid, mais s'ennuient beaucoup des garderies à 7 dollars, des hypothèques raisonnables, des universités subventionnées, du transport scolaire. À Vancouver, pas d'autobus scolaire, il faut laisser les enfants à un service de garde qui les mènera et les récupérera... 1000 $ par mois. Le paradis, mais vont quand même retourner à Trois-Rivières cet été ». (2)

Le Dr Barrette ne semble pas s'intéresser beaucoup à cette réalité. Pas plus qu'à cette réflexion d'un professeur de l'Université de Montréal qui a voté contre un mandat de grève : « Ce n'est pas un rejet des principes, mais étant donné le contexte économique, il faut faire preuve de modération, a-t-il affirmé. On n'a pas les salaires des médecins spécialistes, mais on n'a pas de si mauvais salaires non plus ». (3)

Le président de la FMSQ ne s'intéresse pas beaucoup à l'actualité.

Comment dit-on gros crisse de mangeux d'marde en créole ?

__________

(1) Patrick Lagacé. « Haïti, malade de ses charades ». cyberbresse.ca [En ligne] (Samedi, 30 janvier 2010) (Page consultée le 14 février 2010)

(2) Pierre Foglia. « La flamme ». cyberbresse.ca [En ligne] (Vendredi, 12 février 2010) (Page consultée le 14 février 2010)

(3) Lise-Marie Gervais. « Université de Montréal - Les professeurs refusent la grève ». Le Devoir [En ligne] (Mercredi, 10 février 2010) (Page consultée le 14 février 2010)

Sur le même sujet :

– « Le vide ». Mercredi, 3 février 2010

A lire aussi :

– Jean-Paul Mari. « Haiti. Le cauchemar des hommes en blanc ». Le Nouvel Observateur [En ligne] (Semaine du jeudi 25 février 2010) (Page consultée le 5 mars 2010)

– Michel David. « L'odeur de la poudre ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 20 mars 2010) (Page consultée le 28 mars 2010)

mercredi, février 03, 2010

Le vide

Le texte d'aujourd'hui n'a pas rapport avec Haïti mais un peu quand même.

Les médecins spécialistes ne sont pas contents.

En 2007, le gouvernement leur a accordé une importante augmentation de 25,3 % étalée jusqu'en 2016. Au total, cette année-là, ils recevront 1,27 milliard de plus. Or, les voilà aujourd'hui qui s'impatientent : leur salaire n'augmente pas assez vite : 6,1 % de 2007 à 2010, contre 11 % pour leurs collègues canadiens. Eux qui pourtant visent la parité. INACCEPTABLE !

Ils réclament donc, en vue des négociations de mars prochain, des « hausses de salaire d'au moins 4 %, voire 5 à 6 % par année ». (1)

En 2007, pour mieux faire accepter leurs revendications par l'opinion publique, ils avaient évoqué l'impérieuse nécessité d'assurer l'accès aux soins. Cette fois-ci, Gaétan Barrette, président de la FMSQ, n'a montré aucun scrupule : il faut « suivre le marché, point ». Business is business.

À chaque fois que je vois des travailleurs pourtant choyés -- il n'y a pas que les médecins, hélas ! -- faire une « crise » pour avoir plus d'argent, ce qui me frappe, c'est le vide, l'ahurissant vide d'existence que recouvrent leurs infantiles gesticulations.

Être heureux, un livre entre les mains, ne coûte rien. Aider son prochain, si un séisme ne l'a pas jeté dans le dénuement le plus total, ne coûte rien. Vivre la richesse inouïe qu'il y a dans le simple fait d'exister, d'être au monde, conscient et solidaire, ne coûte rien.

__________

(1) Louise-Maude Rioux Soucy. « Les spécialistes veulent 4 % par an minimum ». Le Devoir [En ligne] (Lundi, 1er février 2010) (Page consultée le 3 février 2010)

Sur le même sujet :

-- PC. «  Santé - Jusqu'à 150 000 $ de plus par année pour les spécialistes  ». Le Devoir [En ligne]. (Mercredi, 19 septembre 2007) (Page consultée le 3 février 2010)

-- Louise-Maude Rioux Soucy. « Recul salarial - Les médecins de famille se rangent derrière les spécialistes ». Le Devoir [En ligne] (Lundi, 1er février 2010) (Page consultée le 3 février 2010)

-- Christian Bordeleau, Benoît Dubreuil. « Revendications salariales des médecins - Pour mettre fin un jour au chantage ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 6 février 2010) (Page consultée le 7 février 2010)