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lundi, novembre 14, 2022

La vie devant

L'envie de lire Vivre avec nos morts m'est venue soudainement, en constatant que l'autrice était rabbine. Et puis le titre aussi, qui a touché quelque chose, juste là, au coeur du vécu. Car des morts, on en a ! Même que vieillir, c'est précisément ça : se remplir de fantômes. Comme dans la chanson de Ferré : « Que sont mes amis devenus / Que j'avais de si près tenus / Et tant aimés / Ils ont été trop clairsemés / Je crois le vent les a ôtés ».

Delphine Horvilleur les connaît bien les fantômes. L'histoire juive en déborde ! Fantômes de silence, de souffrances millénaires tues. Depuis quelques décennies, des survivants, survivantes de la Shoah rendent leur dernier souffle en emportant avec eux leur secret, laisant enfants, petits-enfants, dans l'ignorance. Pour se représenter le poids oppressant de cet héritage clandestin, il suffit de lire les derniers romans de Philip Roth. Lorsque ces enfants se tournent vers Horvilleur, c'est dans l'espoir qu'elle leur rende une vérité nécessaire au deuil, à la vie. Au-delà des faits historiques, la rabbine s'emploie à donner sens à leur présent, leur relation complexe avec le défunt, la défunte, en rattachant l'événement à la tradition judaïque (Torah, Talmud, Midrash). Rien d'aride, ici. Chaque chapitre tourne autour d'une situation, d'un cas exemplaire. Des éléments autobiographiques se mêlent ici et là au commentaire qui demeure tourné vers la vie. 

Petit livre écrit avec sensibilité et intelligence. Qui nous apprend des choses sur le judaïsme, et sur la vie.


Horvilłeur, Delphine, Vivre avec nos morts, Paris, Grasset, 2021, 234 p.