Rechercher dans ma chambre

dimanche, novembre 08, 2009

Cellulite

Dernier de trois texte.

Samedi matin, à l'urgence, j'ai la surprise de voir apparaître dans ma chambre le Dr Khadir, oui, oui, la sœur d'Amir Khadir. J'aurais voulu la féliciter de ressembler si parfaitement à son frère, pour lequel j'avais évidemment voté aux dernières élections, mais j'étais incapable d'avaler ma gorgée de Boost.

Mon auscultation a été menée de manière rigoureuse et impitoyable, le Dr Khadir mettant tout de suite ses doigts précisément là où j'avais le plus mal : dans les aines. Aïe ! que je lui criais.

Heureusement, elle n'est pas restée longtemps. Cinq minutes après son entrée, elle était déjà disparue. Ouf !

Je pus enfin avaler ma gorgée de Boost en la faisant descendre avec une gorgée d'eau. Quant au mal qui m'affectait, je n'en savais toujours rien. C'est finalement le spécialiste en médecine interne – une discipline dont j'entendais parler pour la première fois – un type un peu austère dont je n'ai curieusement pas retenu le nom, qui a finalement décelé l'œdème et m'a annoncé la grande nouvelle : je souffre d'une cellulite.

Une cellulite, tabarouette ! Et sur une fesse en plus. Rare, très rare, si je me fie à la réaction de l'interniste, retenue mais sans équivoqe.

Et d'abord, c'est quoi, cette maladie-là ?

Le lendemain Irène me lit l'article sur Wikipédia consacré à la cellulite. Très intéressant. Je comprends que les bactéries qui me bouffent le cul, elles ont nécessairement dû entrer par quelque part, mais je n'allume pas encore. Je suis comme ça en général, lent à faire les liens. C'est d'ailleurs la moquerie préférée de Gigi, et ma vexation la plus sentie : « Catch up pépé ! ». Le soir-même, lorsque j'en parle à Catinette, elle ne met pas, elle, deux secondes :

Ben oui, Lulu, c'est évident : ton scrotum.

*

Lundi le 19. Je rentre chez moi, après 62 heures difficiles passées sur le dos, sur une civière inconfortable, le plus souvent à regarder le plafond, à écouter les voix dans le corridor devant ma chambre, à voir ma force – le peu que j'ai – disparaître complètement sous l'effet du Cloxacilline, jusqu'à ne plus pouvoir déglutir et, à certains moment, articuler des mots.

Il est 14 heures. En allant vers l'ambulance, j'ai le ciel – cette immensité ouverte tout à coup – et le soleil en plein visage, aveuglant, irrésistible.

La vie va reprendre son cours normal. J'ai tiré la leçon d'une certaine habitude déraisonnable qui, en fin de compte, va m'avoir coûté deux semaines au lit.

Je suis de bonne humeur.

mardi, novembre 03, 2009

62 heures à l'urgence de l'hôpital Saint-Luc

Deuxième de trois textes.

Le mot hôpital appartient à la même famille étymologique que le mot hospitalité, défini, selon l'emploi ancien, comme un acte de « charité qui consiste à recueillir, à loger et nourrir gratuitement les indigents, les voyageurs dans un établissement prévu à cet effet ». Quand je suis arrivé à l'urgence de l'hôpital Saint-Luc, c'est d'abord ce qui m'a frappé : l'accueil, la prise en charge consciencieuse. Nul ne semble excédé ici, accablé par le système ; les voix sont posées, parfois enjouées, et, pour peu qu'on y mette du sien, on s'y amuse.

Pour que Gigi puisse s'assoir, un type nous a d'abord spontanément conduits un peu à l'écart, dans une petite salle tranquille, réservée aux chirurgies légères. La chaise fut en effet très appréciée ; moins, cependant, la poubelle tout près, remplie de seringues et de lingettes souillées de sang. Quant à moi, je ne vois que ce qui entre dans mon champ de vision statique : le plafond devant, les épaules et la tête de Gigi à ma gauche et, de temps à autres, un préposé d'au moins 100 ans qui postillonne sur moi, un médecin, le Dr Brissette qui voudrait bien baiser ma Gigi, une inhalothérapeute, Magalie, moitié haïtienne, moitié congolaise, délicieusement chocolatée, croquable, et qui m'a rendu presqu'agréable le test de dépistage du H1N1.

Quatre heures après mon admission, j'avais passé tous les tests, répondu à toutes les questions, d'ailleurs toujours les mêmes : on me plaçait sous observation dans la chambre 39. La meilleure, face au poste, ce qui n'est pas un détail : n'étant pas capable d'appuyer sur le bouton de la cloche, je peux appeler le personnel de vive voix.

À 5 h du matin, Gigi me quitte pour aller travailler. À 8 heures, Irène, que j'avais finalement réussi à rejoindre la veille après plusieurs appels anxieux, arrive enfin. Infirmière auxiliaire à la retraite depuis peu, ma sœur sait s'occuper de moi. Au point où le personnel me fera remarquer à deux reprises à quel point je suis chanceux de l'avoir. Et c'est vrai. Sa générosité ne se tarit pas. Pas plus que celle de Catinette, elle aussi infirmière auxiliaire, qui, malgré un horaire surchargé, a trouvé le temps de venir s'occuper de moi les deux soirs que j'ai passés à l'urgence. Et c'est ce qui me frappe tout à coup : tant de gens font tant d'efforts – sans m'en rendre compte à ce moment-là, j'exagérais tout de même un peu –, tant d'efforts pour me garder en vie que, cette vie, ce serait me montrer bien ingrat de ne pas l'apprécier pleinement.

lundi, novembre 02, 2009

Voyage de noce

Premier de trois textes.

Mercredi, 14 octobre. Je m'éveille mal en point, pris d'un malaise auquel, vers midi, s'ajoute la nausée et, plus tard, la fièvre. Le lendemain, le pic de fièvre grimpe d'un degré et, le surlendemain, d'un autre degré. À plus de 103 ° F, vendredi après-midi, seul, au lit, je commence à paniquer. En soirée, une infirmière du CLSC, venue évaluer mon état, me recommande d'aller à l'hôpital.

Aller à l'hôpital !

Je suis catastrophé. J'imagine une urgence bondée, comme dans les Invasions barbares ; le personnel qui passe et repasse près de moi sans m'accorder la moindre attention, moi, couché sur une civière dans un corridor sombre aux murs jaunis...

Et qui va m'accompagner ?

Au deuxième coup de fil j'ai ma réponse : Gigi bien sûr.

Une heure plus tard, elle est chez moi, et, pendant qu'elle fait les bagages, Hadja, dont c'est la soirée de travail, me donne un bain au lit.

Les ambulanciers n'ont pas tardé. J'ai tout juste eu le temps de faire passer le rasoir sur ma tête crasseuse, qu'il valait mieux avoir dénudée en la circonstance. Une douche aurait été préférable, car, en vérité, l'effort pressé de Hadja n'avait pas produit de résultat bien tangible. Mais il aurait fallu pour cette tâche la présence de Catinette, l'experte en travaux lourds d'hygiène. Catinette vous décrasse un infirme en moins de deux : l'eau gicle, la peau rougit, le sang s'active. Parfois, même, un pet inopiné. Vous ressortez de la salle de bain propre, vivifié et vidé.

Les ambulanciers étaient sympathiques. L'un d'eux a pris mes signes vitaux, a posé quelques questions. J'étais un peu embêté car ma fièvre était tombée et je me sentais bien.

Dehors, le ciel opaque de cette nuit d'automne a réveillé un vieux désir d'étoiles. J'ai pensé aux Laurentides de ma jeunesse. L'air frais réconfortait.

En route vers l'hôpital Saint-Luc, le corps embué de réminiscences, j'ai fait remarquer à Gigi – dont je suis perpétuellement amoureux – que nous avions là, finalement, notre voyage de noce. Je portais une jolie couverture rouge, et elle, tous mes bagages dans une poche de lavage.