Donc, Montréal a passé l’an dernier un règlement interdisant de laisser tourner le moteur au ralenti plus de trois minutes. L’amende, en cas d’infraction : 50 dollars. (1)
Ce n’est qu’un exemple des mesures coercitives qui seront adoptées dans les prochaines années afin de nous corriger -- nous, citoyens -- de certaines habitudes devenues, avec le réchauffement climatique, néfastes.
La plupart de ces habitudes sont évidemment des habitudes de consommation, puisqu'en bons Nord-Américains que nous sommes, nous ne savons rien faire d’autres.
D’où la difficulté de nos élus, qui ne sont tout de même pas si nuls. Ils voient bien qu’il n’y a pas que les vilaines industries, les vilaines centrales thermiques fonctionnant au charbon, les vilaines pétrolières, que tout ce qui est produit est aussi nécessairement consommé et que, dans cette effroyable catastrophe qui nous tombe sur la tête, il y a beaucoup plus de petits coupables que de grands.
Des petits coupables, et aussi des petits lâches. Il est tellement plus facile, et moins confrontant, de gueuler contre Bush, l’Alberta, Harper, pour leur refus d’attaquer de front le problème du réchauffement climatique – ah oui, en passant, 2005 a été l’année la plus chaude selon la NASA et 2007 s’annonce encore plus chaud – que d’assumer en adultes, en êtres réfléchis, nos responsabilités réelles et immédiates à l’égard des pauvres du Sud qui seront – que dis-je : qui sont les plus affectés, et aussi à l’égard des générations à venir.
Mais ce temps béni de l’irresponsabilité, de l’insouciance et de la facilité tire à sa fin.
Si les gouvernements adoptent des mesures coercitives de réduction visant les grandes industries émettrices de gaz à effet de serre, vous pouvez être assurés qu’ils ne vont pas se gêner pour nous viser de même. (2)
Dans un récent billet je mentionnais que certaines multinationales, comme British Airways, Land Rover, Shell, British Petroleum..., offrent à leurs clients, de simples consommateurs, d’acheter au prix du marché des « crédits » d’émission de CO2. Bien sûr, l'idée participe avant tout d'une stratégie de marketing mais, maintenant qu’elle est lancée, elle va voler de ses propres ailes. Pour le moment il ne s’agit que d’une offre, sans obligation. Mais il n’y a pas de raisons pour que le marché international de crédits d’émission de CO2 actuellement mis en place n’inclue que les grandes entreprises. Bientôt nous y serons nous-mêmes inclus.
Sur le site du magazine L’actualité, nous pouvons d’ailleurs lire quelques paragraphes fort instructifs sur les DTQ. Je cite :
« [En Angleterre des] chercheurs travaillent à l’instauration d’une carte personnelle de crédit d’émission de CO2. Le débat est lancé dans la classe politique… Imaginez : vous faites le plein d’essence un matin en route vers le travail, mais au moment de régler, votre carte vous informe que [vos crédits d’émission de CO2 sont épuisés]. Un coup de fil à votre banque et vous achetez de quoi finir le mois sur le marché des [crédits] invendus. Puis vous repartez tranquille. Ce rêve, c’est celui de quelques chercheurs anglais. Il se nomme DTQ -- pour domestic tradable quotas, littéralement : quotas domestiques négociables. [L’idée est] d’instaurer un portefeuille national de [crédits d’émission de CO2] répartis également entre tous les Anglais. Selon ce plan, ceux-ci utiliseraient une carte de débit pour faire le plein, payer leurs factures d’électricité, leurs billets d’avion… Libre à eux par la suite de revendre les [crédits] qu’ils n’auront pas consommés, ou d’en acheter s’ils en manquentUn article du Devoir va dans le même sens :
» [...] ‘ On peut imaginer un quota de 1,25 tonne de carbone par personne par mois, soit l’équivalent de 2 000 litres d’essence ’, avance Richard Starkey, chercheur et coauteur d’un rapport sur les DTQ pour le Tyndall Centre. [...] Dans les rangs politiques, l’idée progresse peu à peu, portée par le député Colin Challen, auteur d’un projet de loi sur le sujet. Mais le chemin de l’acceptation politique reste encore long. [...] Richard Starkey regrette ces hésitations. ‘ Ce ne serait pas très compliqué à mettre en œuvre, dit-il. Il suffirait d’utiliser la technologie déjà en place pour les cartes bancaires. Avec l’appui de la classe politique, le système DTQ pourrait voir le jour d’ici 10 ans ’ ». (3)
« [L’idée de] rationnement [à l’échelle individuelle] a aussi été abordée, même si [elle] risquait d'être fortement contestée dans le monde politique. ‘ La consommation d'énergie pourrait être quantifiée par individu et par ménage en distribuant des quotas. Évidemment, le but ne serait pas que tout le monde ait froid et demeure immobile, mais que l'idée de choix, de compromis, s'installe dans la tête des gens. Une famille ne pourrait plus, par exemple, avoir deux résidences chauffées et deux voitures pratiquement toujours sur la route ’, explique M. Lee-Gosselin. Ces idées vont beaucoup plus loin que la simple sensibilisation. ‘ Si les quotas d'énergie pour se déplacer et se chauffer coûtaient très cher, nous verrions vraiment un changement de comportement de la population. Les gens feraient très attention pour ne pas gaspiller de l'énergie et évidemment, n'hésiteraient pas à investir, par exemple, dans l'isolation de leurs maisons. Et les gens se mettraient aussi à comparer l'énergie qu'ils dépensent pour se chauffer, s'éclairer et utiliser leur voiture et essaieraient de voir, par exemple, à quel point ils peuvent se chauffer et s'éclairer avec l'énergie qu'ils économiseraient en laissant leur voiture dans leur garage. Ce serait toute une nouvelle façon de penser que nous développerions ’, poursuit le professeur de l'université Laval. » (4)Une toute nouvelle façon de penser, en effet...
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(1) « Le règlement sur le ralenti inutile, adopté l'an dernier, s'est avéré inopérant parce que, défini comme une ‘ nuisance ’, les policiers devaient remettre les contraventions en mains propres. Le 3 février dernier, a précisé Natacha Beauchesne, de la Ville de Montréal, aucune contravention n'avait encore été enregistrée à la Cour municipale de Montréal. ‘ Mais les choses vont changer rapidement, a promis Allan de Sousa, parce que 15 des 18 arrondissements de Montréal ont réinscrit l'ancien règlement dans celui sur la circulation, ce qui permettra aux policiers, aux agents de stationnement et aux inspecteurs de sécurité de la Ville de distribuer des contraventions à tous ceux qui dépassent les trois minutes légales sans être dans leur voiture. Les premières contraventions ont commencé à être épinglées dans les pare-brise, la Ville passant à la coercition après les campagnes de sensibilisation. ’ Le règlement prévoit une première amende de 50 $ pour les personnes physiques et de 100 $ pour les personnes morales, des montants qui doubleront en cas de récidive. Allan de Sousa n'exclut pas non plus de modifier ultérieurement le règlement actuel, soit pour raccourcir les trois minutes de ralenti légal, soit, tout simplement, pour interdire le ralenti des véhicules s'il n'y a personne à l'intérieur. Il attend de voir comment évolueront le comportement des automobilistes, l'opinion publique et les politiques de Québec. »
Francoeur, Louis-Gilles. « Montréal vaincra-t-il le ralenti inutile ? ». Le Devoir [En ligne]. (Jeudi, 15 février 2007) (Page consultée le 19 février 2007)
(2) C'est d'ailleurs ce qu'affirme le chef du Parti vert, Scott McKay : « Le risque est à nos portes, dit-il. Les perturbations économiques, géopolitiques, sociales, pourraient être graves si rien n'est fait aujourd'hui. Et devant l'ampleur des perturbations, nos gouvernements pourraient devoir commettre des gestes autoritaires, avec tous les risques de dérapage que cela suppose. »
Deglise, Fabien. « Vert pâle plutôt que foncé ». Le Devoir [En ligne]. (Vendredi, 16 mars 2007) (Page consultée le 17 mars 2007)
(3) Le Loët, Karine. « Londres sort de la brume ». L'actualité [En ligne]. (Samedi, 1er juillet 2006) (Page consultée le 20 février 2007)
(4) Letarte, Martine. « Vers un rationnement ? ». Le Devoir [En ligne]. (Samedi 23 et du dimanche 24 décembre2006) (Page consultée le 20 février 2007)
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