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mercredi, octobre 01, 2008

Censure ? C'est sûr !

Ce qu'on ne sait pas ne fait pas mal... aux conservateurs

Dernier de trois textes

Depuis le début de la campagne électorale, les demandes des médias concernant la santé mentale des soldats ou les coûts de la guerre en Afghanistan ne reçoivent aucune réponse. La directive émane du Conseil privé, c'est-à-dire de Harper lui-même. Une autre directive oblige les fonctionnaires et les militaires à transmettre au bureau du premier ministre toutes les demandes des médias. Ainsi, les entrevues, les communiqués de presse et les autres informations, même factuelles, doivent être approuvées par l'entourage de Stephen Harper, qui juge si le public a le droit de savoir. « Cette directive n'a pas été écrite. Vous ne trouverez rien si vous faites des demandes d'accès à l'information. L'objectif est de ne pas laisser de traces. Il ne faudrait pas que les gens sachent que le ministère de la Défense ne contrôle plus ses communications et que le public entend seulement ce que les conservateurs veulent », a dit une source militaire qui a reçu la directive. (1)

Les conservateurs avaient pourtant fait de la transparence l'un des thèmes forts de leur campagne électorale en 2006. Ayoye !

En dépit de l'adoption d'une loi qui devait améliorer l'accès du public aux documents gouvernementaux, le nombre de plaintes adressées au commissaire à l'information fédéral est en hausse fulgurante depuis avril dernier. Les délais pour recevoir des documents en vertu de la Loi d'accès à l'information sont devenus souvent abusifs, ce qui inquiète le commissaire, Robert Marleau. Au banc des accusés : le contrôle exercé, encore une fois, par par le Conseil privé, qui est le ministère du premier ministre et le tout-puissant centre nerveux de la machine politique à Ottawa. L'omertà imposée par les conservateurs à la fonction publique est sans précédent. Elle est devenue un sujet de fascination morbide dans les capitales provinciales et un sujet préoccupant pour ceux qui se soucient de l'état des politiques publiques au Canada.

Aussi, nul n'a été étonné d'apprendre récemment que, même si plusieurs des dossiers associés au ministère fédéral de l’Environnement sont de nature scientifique ou technique, ses fonctionnaires ne peuvent plus parler librement aux médias pour mieux expliquer les nuances de certaines problématiques. En effet, Environnement Canada a récemment instauré un « Protocole pour les relations médias », comme le dévoilait le service de presse de Canwest en février. Le blogue écologiste canadien DeSmogBlog a récemment mis la main sur le protocole en question, qui explique la marche à suivre lorsqu’un journaliste contacte un employé d’Environnement Canada. Le document de douze pages précise que le service des médias d’Environnement Canada « pourrait demander à l’expert de répondre [aux questions des médias] avec des réponses préapprouvées ». Le bureau d’Ottawa assure la coordination des appels médias à travers le pays, alors que cette responsabilité dépendait jusqu’à récemment des bureaux régionaux, comme ceux qui se trouvent à Montréal et à Québec, par exemple. (2)

Les cas de censure affectent tous les ministères, mais davantage ceux de la Défense, de l'Environnement et de la Santé où des décisions contraires au bien commun pourraient susciter la controverse. Le cas du rapport de Santé Canada est notoire. Dévoilée par Santé Canada sans tambour ni trompette, à 16 h 30, un mercredi, au beau milieu de l'été, une analyse exhaustive de Santé Canada met pourtant en garde la population face à l'augmentation probable de décès et de plusieurs maladies et à l'apparition de nouvelles pathologies associées au réchauffement de la planète. Or, selon les informations obtenues par Le Devoir, la version définitive de cette analyse climatique et sanitaire a été achevée en janvier 2008 pour une publication initiale prévue au printemps 2008. Le lancement de ce document d'envergure à l'heure de la lutte contre les gaz à effet de serre devait également être accompagné d'une campagne médiatique d'un océan à l'autre en juin cette année. Objectif : sensibiliser les acteurs de la santé aux défis qu'ils risquent d'avoir à affronter dans les prochaines années. « Mais tout ça été annulé à la dernière minute, sans raison », a indiqué Gordon McBean de l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques de la University of Western Ontario qui devait animer mi-juin, à Halifax, une conférence autour de ce rapport qu'il signe d'ailleurs.

En choeur, les auteurs de ce document ont dénoncé le manque de transparence du ministère fédéral qui semble vouloir compliquer l'accès au rapport pour les simples citoyens : l'étude est disponible en effet uniquement sur demande par courrier ou par courriel. Il est impossible de la télécharger directement lors d'une visite sur le site Web de Santé Canada, comme cela est proposé pourtant pour un ensemble d'autres documents portant sur une multitude de sujets, sans doute moins polémiques.

« J'ai travaillé récemment pour l'Organisation mondiale de la santé [OMS] sur un rapport d'épidémiologie environnementale en Azerbaïdjan pour lequel nous avons rencontré un problème similaire », a indiqué hier au Devoir Colin Soskolne de l'École de santé publique de la University of Alberta, l'un des auteurs du rapport de Santé Canada. « La sortie de ce document de l'OMS a été plusieurs fois retardée par le gouvernement de cette ancienne république soviétique parce qu'il porte sur un sujet délicat pour lui. J'y vois malheureusement des similarités avec le niveau d'intervention politique qui a accompagné le dévoilement du rapport de Santé Canada. Ça donne à réfléchir sur le style de gouvernance fédéral actuel qui s'apparente à celui que l'on retrouve aujourd'hui dans l'ex-URSS. » (3)

Le pire, c'est que cette censure brutale n'arrive pas seule. Elle s'accompagne d'une propagande tout aussi dénuée de scrupules. Le Parti conservateur a produit une série de documents d'interventions publiques à l'intention de ses militants sur tout un éventail de sujets allant des changements climatiques aux garderies, en passant par les impôts. Pour les partisans conservateurs, la procédure est simple. Il leur suffit de se rendre sur le site Internet du parti et de cliquer sur un sujet qu'ils aimeraient aborder à la radio : le site leur fournira automatiquement les coordonnées des émissions de radio locales où appeler, ainsi qu'une liste commode de positions toutes prêtes favorables aux conservateurs et moins favorables à l'égard de leurs adversaires. Le site contient aussi des suggestions similaires à l'intention de ceux qui souhaitent écrire des lettres aux journaux. Un porte-parole du parti, Ryan Sparrow, soutient que cette pratique assure une « transparence améliorée » ! (4)

Toute la hargne des conservateurs, toute leur agressivité ne vise qu'à un seul but : remporter les élections, obtenir enfin le pouvoir, tout le pouvoir. Et pour cela, comme les républicains de Bush, tricher, intimider des fonctionnaires, mentir, censurer, contrôler les médias. La méthode est efficace : les Canadiens s'apprêtent à élire un gouvernement majoritaire. Sont-ils conscients des conséquences dramatiques de leurs votes ?

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(1) Castonguay, Alec. « Harper impose le silence aux militaires ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 30 septembre 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(2) Beauchamp, Alexis. « Environnement Canada limite l’accès des médias à ses fonctionnaires ». Vision durable [En ligne] (Lundi 3 mars 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(3) Deglise, Fabien. « Rapport climat et santé - La manière Harper indigne les chercheurs ». Le Devoir [En ligne] (Mardi 5 août 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

(4) Presse canadienne. « Ce que tout bon militant conservateur doit dire ». Le Devoir [En ligne] (Mercredi 26 mars 2008) (Page consultée le mercredi 1er octobre 2008)

À lire aussi :

-- « Harper, à l'exemple de Bush ». 25 septembre 2008

-- « Reconnaissance du Québec comme nation ? ». 16 septembre 2008

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