L'entendez-vous ce bruit ? Moi, même dans ma chambre, je n'y échappe plus. Le bruit de la guerre. Pas LES guerres, celles d'Irak, du Darfour, de la Tchétchénie... non, LA guerre, celle que le gouvernement Bush est à préparer. En Iran. Remarquez, la raison est la même pour toutes : le pétrole.
Première étape : la propagande. Faire croire tout d'abord à l'opinion publique que l'Iran est dirigé par des brutes, des barbares agressifs qui répriment leur propre peuple, lequel attend désespérément d'être libéré par une « coalition » de puissances étrangères. Ensuite marteler l'idée que ces barbares constituent une menace à la « sécurité » dans la région, le Moyen-Orient, d'une part parce qu'ils cherchent à se doter de l'arme nucléaire et, d'autre part, parce qu'ils soutiennent le terrorisme et qu'ils menacent donc aussi les États-Unis.
Pour être efficace, ce discours n'a pas besoin d'être véridique, ni même vraisemblable et cohérent, il lui suffit d'être répété inlassablement, sur toutes les tribunes, dans tous les médias, et d'installer dans l'opinion publique un climat de suspicion et de peur. À cet égard, le concept « d'armes de destruction massive », inventé par l'admiration Bush dans le cadre de sa guerre au terrorisme, s'est révélé jusqu'à présent très efficace. Une fois bien installé le climat de peur irrationnelle, avancer à l'étape suivante en évoquant des scénarios d'intervention militaire, appuyés en outre sur des valeurs morales indiscutables, comme la lutte contre le Mal. De la sorte, toute forme d'opposition démocratique à la guerre sera d'emblée discréditée, réduite au silence.
Cette stratégie a beau être usée comme de la vieille corde, c'est la seule que Bush a entre les mains pour pendre haut et court le régime du président Amhadinéjad. Car le pétrole iranien est aussi convoité par des puissances régionales, comme la Russie et la Chine, qui, elles, curieusement ne se sentent pas du tout menacées par Téhéran, et qui sont prêtes à bloquer au Conseil de sécurité de l'ONU tout projet de sanctions économiques. Pourquoi pas alors des sanctions ciblées spécifiquement sur les avoirs propres des dirigeants iraniens ? Parce que ceux-ci ont vu venir le coup : pour se protéger, ils ont au début de l'année retirer les 36 milliards d'actifs qu'ils gardaient dans les coffres des banques européennes pour les transférer vers des institutions financières de Singapour, de Shanghaï, de Hong Kong et de Malaisie.
Bush n'a donc que deux options : un embargo sur les armes vendues à l'Iran -- présentement négocié au Conseil de sécurité -- ou une intervention militaire. C'est dans la perspective de cette dernière qu'il faut replacer la nouvelle du
National Post, parue le 19 mai, à l'effet que le gouvernement iranien s'apprêterait -- comme les Nazis l'avaient fait durant la Seconde Guerre mondiale -- à obliger les juifs, les catholiques et les zoroastriens d'Iran à s'identifier en portant un insigne de couleur sur leurs vêtements.
Cette nouvelle, d'abord mise en doute par les experts et par la suite démentie officiellement, relève du plus pur exemple de propagande politique. L'article a d'ailleurs été retiré du site Web du
National Post qui a présenté de très discrètes excuses. Rappelons qu'il s'agit de rendre le gouvernement de Téhéran abject aux yeux de l'opinion publique nord-américaine. L'auteur de l'article, Amir Taheri, est membre du Benador Associates, un cabinet de relations publiques mis sur pied en 2001 par Eleana Benador et qui fut très actif dans la campagne de propagande ayant mené à l'invasion de l'Irak.
« [M]alheureusement, nous en avons déjà assez vu de la part de ce gouvernement pour suggérer qu'il est très capable de tels actes. » (1) Qui a prononcé ces mots ? George W. Bush ? Donald Rumsfeld ? Vous y êtes presque : Stephen Harper, la nouvelle coqueluche des Québécois !
Je ne dis pas qu'il y aura inévitablement une guerre, mais ce qui apparaît très clairement, c'est que le gouvernement des États-Unis, appuyé cette fois-ci du gouvernement très conservateur de Stephen Harper, est à préparer le terrain.
À suivre.
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(1) Buzzetti, Hélène. «
Téhéran proteste auprès d'Ottawa ».
Le Devoir [En ligne]. (Jeudi, 25 mai 2006) (Page consultée le 26 mai 2006)
À lire :
-- Boileau, Josée. «
Déjà vu ».
Le Devoir [En ligne]. (Mardi, le 6 juin 2006) (Page consultée le 6 juin 2006)
-- Cloutier, Jean-Pierre. «
Autour des signes distinctifs en Iran ».
Jean-Pierre Cloutier : Le blogue [En ligne]. (Dimanche, 21 mai 2006) (Page consultée le 26 mai 2006)
-- Cloutier, Jean-Pierre. «
Taheri persiste et signe, et autres précisions ».
Jean-Pierre Cloutier : Le blogue [En ligne]. (Mardi, 23 mai 2006) (Page consultée le 26 mai 2006)
-- Cloutier, Jean-Pierre. «
Le National Post présente ses excuses ».
Jean-Pierre Cloutier : Le blogue [En ligne]. (Mercredi, 24 mai 2006) (Page consultée le 26 mai 2006)
-- Desrosiers, Éric. «
Perspectives - Comment faire la guerre sans se faire mal ? ».
Le Devoir [En ligne]. (Mardi 23 mai 2006) (Page consultée le 26 mai 2006)
-- Reed, Fred A. «
Libre opinion: L'anatomie d'un mensonge ».
Le Devoir [En ligne]. (Vendredi, 26 mai 2006) (Page consultée le 26 mai 2006)