Rechercher dans ma chambre
mercredi, décembre 31, 2014
2014
En Turquie, le premier ministre Erdogan a poursuivi sa dérive antidémocratique, se donnant les moyens de conserver le pouvoir encore longtemps, malgré un scandale de corruption qui éclabousse son parti, l'AKP : purges dans la police et la justice http://goo.gl/FJLmNS loi de contrôle de l'Internet, censure des médias http://goo.gl/TO3Md8
En Syrie, le chaos s'aggrave. Une crise humanitaire qui ne soulève plus d'émoi http://goo.gl/IhWq0T
Voici quelques événements marquants de l'année 2014 :
Décembre 2013. Début de l'épidémie d'ebola en Afrique de l'Ouest, dont les médias vont nous casser les oreilles pendant toute l'année 2014
27 janvier. Nouvelle constitution adoptée en Tunisie. Ce pays est le seul où le « printemps arabe » a mené à une transition démocratique http://goo.gl/jYuPKT La Syrie est à feu et à sang, la Lybie sombre dans le chaos, et l'Égypte est revenue à la dictature
14 février. Émeutes en Bosnie-Herzégovine, petit pays où les gens en ont mare de leur pauvreté et de la corruption des dirigeants http://goo.gl/KGTLqg
23 février. Démission du président ukrainien Ianoukovitch http://goo.gl/yxme0l L'Ukraine amorce un virage pro-occidental pendant que la Russie annexe la Crimée et alimente les forces partitionnistes dans l'est du pays.
20 mars. Le juge Nadon ne peut siéger à la Cour suprême. http://goo.gl/QsRNUQ Ce n'est qu'un des accrochages entre le gouvernement Harper et le plus haut tribunal du pays. Du jamais vu. http://goo.gl/Eqo6Yz
30 mars. Après une semaine de débats, le GIEC adopte le résumé pour les décideurs du tome 2 de son 5e rapport. Tout le monde s'en fout. Le triomphe de tous les Harper de ce monde.
7 avril. Le PLQ remporte les élections. Feu vert à une « réingénierie » de l'État qui ne dit pas son nom : restructuration et coupures tous azimuts dans la Santé (projet de loi 10), l'Éducation, l'Environnement, la Culture, le secteur communautaire, l'aide aux immigrants (notamment la francisation), les régimes de retraite (projet de loi 3)... et un contrôle accru de l'information. C'est aussi la fin de la « charte de la laicité », instrument cyniquement électoraliste du PQ qui a bloqué tout progrès dans la mise en place d'un cadre juridique visant les « accommodements raisonnables », qui a nui au climat social et aux rapports entre la majorité historique francophone et les communautés culturelles
18 avril. Le Devoir révèle que la pétrolière TransCanada a mandaté l’entreprise CIMA + afin de réaliser des « levés sismiques » en milieu marin « dans le secteur du port de Cacouna ». Début d'une mobilisation citoyenne contre ce projet, lequel reçoit évidemment l'appui inconditionnel du gouvernement Couillard. Coup de théâtre : le 24 septembre, la Cour supérieure ordonne l'arrêt des « forages » (les levés sismiques) et critique sévèrement le ministère de l'Environnement et le ministre David Heurtel http://goo.gl/WDW3pg À partir de ce moment, le vent a tourné. Le ministre, humilié, a dû finalement sortir de son panier cinq conditions à l'autorisation du projet d'oléoduc et de port pétrolier.
Juin. Après avoir atteint 107 $US au milieu de l’année, le prix du baril de brut américain a plongé au deuxième semestre. À la fin du mois de décembre, le prix de référence du West Texas Intermediate était à son plus bas niveau depuis la Grande Récession, aux environs de 55 $US. Mauvaise nouvelle pour le gouvernement Harper et pour l'Alberta. Bonne nouvelle pour l'économie québécoise http://goo.gl/Ov2Sgx
26 juin. Pour la première fois dans l'histoire du pays, la Cour suprême du Canada a reconnu le titre ancestral d'une Première Nation sur un territoire spécifique, un arrêt qui pourrait avoir d'importantes répercussions http://goo.gl/7u7R0L Ce jugement permettra quelques mois plus tard aux Atikameks, au nord de Trois-Rivières, de déclarer leur souveraineté sur leur territoire ancestral, sur lequel ils n'ont jamais cédé leurs droits http://goo.gl/BC7ASC
29 juin. L'État islamique instaure un « califat » sur les territoires irakiens et syriens qu'il contrôle. Les conséquences de l'invasion de l'Irak par les Américains n'en finissent plus de destabiliser la région
8 juillet. Début de l'opération « Bordure protectrice » menée sur la bande de Gaza. Deux milles Palestiniens tués dans les bombardements, dont la plupart étaient des civils ; des milliers de blessés... Et Israël, une fois de plus, accusé de crimes de guerre par Amnistie Internationale http://goo.gl/U9mFZl
9 août. Michael Brown est abattu à Ferguson, dans l'État du Missouri. Les tensions interraciales se sont avivées aux États-Unis depuis quelques années
19 septembre. Référendum sur l'indépendance de l'Écosse. Victoire du NON avec 55,3 % des voix. Il n'est pas facile de créer un pays
14 novembre. Fin des témoignages à la commission Charbonneau. On pourra être déçus du fait que la commission ne s'est pas attaqué au problème des « retours d'ascenseur » entre le PLQ et des intérêts affairistes. Il ne fallait pas nuire aux enquêtes de l'UPAC, paraît-il. À quoi s'ajoute la victoire du PLQ aux élections du 7 avril... Tout à coup la volonté politique n'y était plus... http://goo.gl/ewFYMX
28 décembre. La force de combat de l’OTAN (ISAF) baisse son drapeau, marquant son retrait définitif de l’Afghanistan http://goo.gl/D1r1xw http://goo.gl/opB442 Beaucoup d'argent et de morts inutiles
dimanche, décembre 29, 2013
2013
Mon premier événement a en fait eu lieu le 10 septembre 2012 au Manitoba (les sources divergent quant à la date et au lieu), lorsque quatre femmes amérindiennes ont fondé le mouvement Idle No More, mais c’est durant l’hiver de cette année qu’il a eu son plus grand retentissement, en réaction au projet de loi C-45 qui modifie la Loi sur les Indiens afin de faciliter l’appropriation des terres amérindiennes, et plusieurs lois environnementales, notamment la Loi sur la protection des eaux naviguables. Les manifestations se sont multipliées, pour que cesse le mépris à leur endroit. En réponse, le premier ministre Harper refusait de rencontrer la chef Theresa Spence, jugeant plus urgent d’accueillir le 16 janvier dans son bureau les gagnants d’Occupation double.
Mon deuxième événement n’en est presque plus un, tellement le déballage de toute cette corruption, prévarication, malversation, magouille paraît sans fin. La commission Charbonneau était nécessaire, mais elle ne peut rien contre les pratiques mafieuses, ni contre l’évasion fiscale qui leur est associée.
5 mars. Décès de Hugo Chavez. On dira ce qu’on voudra de ce pourfendeur de l’impérialisme américain, sans lui, la gauche en Amérique du Sud ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.
13 mars. Élection du pape François. Sur le fond, peu de changement à prévoir, mais la manière, le discours marquent une rupture avec Benoît XVI et même Jean-Paul II. (« Le surprenant programme du pape François »)
mi-mars. Le « offshore leak » met au grand jour les pratiques d’évasion fiscale des plus fortunés. Comme un écho de la commission Charbonneau. Devant ces révélations embarrassantes, les gouvernements ont gesticulé, plus pour donner le change que par désir réel « d’adresser l’issue ». Preuve, une fois de plus, que les riches vivent sur une planète créée pour eux, au-dessus des lois qui régissent le commun des mortels.
2 avril. Adoption du Traité sur le commerce des armes, signé par les États-Unis le 25 septembre
24 avril. Effondrement d'une sweatshop, à Savar, en banlieue de Dacca, au Bangladesh. Au moins 1127 morts. Certains vêtements Walmart vont être en rupture de stock. Capitalisme sauvage.
28 mai. Manifestations en Turquie, autour de la place Taksim. « Parti en juin dernier de la volonté de sauver les arbres du parc Gezi menacé par un projet d'urbanisme porté par le gouvernement islamo-conservateur de l'AKP, le mouvement s'est mué en une contestation à travers le pays contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. » (« Turquie : la police disperse les manifestants près de Taksim ») Ce dernier, « [g]risé par ses réalisations, [...] cherche à tout prix à consolider son pouvoir, à faire rédiger une constitution présidentielle qui lui permettrait de briguer la charge de chef de l’État, méprise ses adversaires, multiplie les initiatives brouillonnes. Le plus grave est sans doute la dérive autoritaire qui a vu emprisonner des dizaines de journalistes, des centaines d’opposants, notamment kurdes. » (« Vent de fronde en Turquie »)
5 juin. Révélations d'Edward Snowden à propos d’un système de surveillance des citoyens américains. Les Yahoo, Google, Amazon, Apple et autres Facebook prétendent qu’elles n’étaient pas au courant. Pourtant, ces mêmes sociétés n’hésitent pas à épier les utilisateurs de leurs services. Commentaire de Snowden : les enfants qui naissent aujourd’hui ne sauront pas ce qu’est la vie privée. Gulp !
18 juin. Manifestations au Brésil. « D’abord focalisée sur les prix du transport et les dépenses liées aux grands événements internationaux tels la Coupe du monde de foot et les Jeux olympiques, la grogne s’est ensuite étendue aux secteurs de la santé et de l’éducation ». (« Carton rouge ! ») Les choses changent dans ce grand pays.
18 juin. Démission du maire par interim de Montréal, Micheal Applebaum. Pauvre Montréal !
28 juin. Démission du maire par interim de Laval. Laval sans magouille, est-ce que c'est encore Laval ?
30 juin. Manifestations en Égypte contre le président Morsi. Le parti des Frères musulmans est victime de son sectarisme, mais quelle marge de manoeuvre avait-il en réalité ? L'armée, soutenue par l'Arabie saoudite, les États-Unis et Israël, prépare depuis le début un coup d'État.
3 juillet. Coup d'État en Égypte, le président Morsi déposé. La répression sanglante par l'armée des partisans des Frères musulmans s'est depuis étendue à tous les groupes opposés au pouvoir de l'armée, même ceux qui défendent des libertés qui nous sont si chères ici.
6 juillet. Déraillement de train à Lac-Mégantic. Quarante-sept morts. Des millions de litres de pétrole dans l’environnement. Six mois plus tard, le gouvernement Harper se résigne à classer le pétrole « matière dangereuse », mais les dispositions réglementaires ne prendront effet qu'à l'été 2014. Et les wagons du type mis en cause dans cette catastrophe, bien que jugés peu sécuritaires pour le transport du pétrole, sont toujours utilisés.
17 septembre. Projet de « charte des valeurs » rendu public. Je répète ce que j'ai déjà dit : ce projet est mal foutu, vexatoire pour les communautés culturelles qui se sont solidarisées avec la communauté musulmane, et entaché d'opportunisme politique. Dommage, parce que la laïcité est une idée noble qui mérite mieux, surtout en cette période où sévit le conservatisme religieux.
27 septembre. Le GIEC publie le premier volet de son cinquième rapport. Une brique de 2000 pages, résumant plus de 9000 études, qui a frappé un mur d'indifférence. Harper ne fait même plus semblant d'avoir un plan pour lutter contre le réchauffement climatique. Une étude nous révèle les sources de financement des climato-sceptiques : Exxon Mobil, les frères Koch, et des « fondations » de droite (« Not just the Koch brothers : New study reveals funders behind the climate change denial effort »)
8 novembre. Aux Philippines, le typhon Haiyan, d'une taille jamais vue, fait des milliers de victimes. Avec le réchauffement climatique, ce genre d'événement extrême va devenir plus fréquent. Pour aider les Philippins, le Canada donne cinq millions, prête deux hélicoptères et un bateau, quelque chose comme ça.
jeudi, août 22, 2013
Le problème du temps
Dans L’Amour aux temps du choléra, une histoire qui se déroule sur plus de cinquante ans, le problème du temps est posé différemment. Florentino Arizo, tombé amoureux de Fermina Daza alors qu’il est encore jeune, va attendre toute sa vie le moment propice de conquérir le coeur farouche et orgueilleux de la belle enfant. Le cadre de cet amour est typique des romans de Garcia Marquez : une ville en proie à la décrépitude, à l’action déliquescente de la guerre, du progrès, de l’Histoire. Quand le mari de Fermina -- un médecin célèbre, appartenant à l’Histoire -- meurt enfin, elle accueille les sentiments de Florentino. Mais, voilà ce qui est intéressant, l'amour de ces deux vieillards ne peut pas s’accomplir dans le cadre temporel qui a gâché leur vie. Il faut un amour hors de l’Histoire. Ils le trouveront sur un des bateaux de la compagnie fluviale. Un bateau qui descend et remonte le Magdalena, comme hors du temps :
« Et jusqu’à quand vous croyez qu’on va pouvoir continuer ces putains d’allées et venues ? » demanda [le capitaine].Chez Garcia Marquez comme chez Laferrière, j’ai toujours l’impression que le temps pose d’emblée un problème, et que le récit littéraire ne peut advenir qu’à lutter contre cette fatalité qui prend le visage de l’Histoire. La nostalgie est alors un refuge imaginaire, elle détermine une stratégie -- quand il y a lutte, il y a stratégie -- narrative visant à surmonter le problème.
Florentino Ariza connaissait la réponse depuis cinquante-trois ans, sept mois, onze jours et onze nuits.
« Toute la vie », dit-il.
vendredi, janvier 27, 2012
Identités
Quand on ignore beaucoup, on apprend à peu de choses. Aussitôt que j’entame un livre (autrefois je les ouvrais), je suis pris d’un double vertige : celui de mon abyssale ignorance, et celui des horizons tout à coup ouverts par ce que je découvre à chaque page. J’exagère à peine : mon pouls s’accélère, mon esprit se met sous tension, après quelques minutes il m’arrive même de haleter, surtout en lisant du Laferrière, comme ce J’écris comme je vis.
Avant de me mettre à le lire, je voyais Laferrière comme un intellectuel, un érudit ayant construit un pensée systémique à la Kundéra. Tu parles ! Ce type, c’est d’abord un voyeur, un jouisseur. Tout voir, tout vivre. L’esprit, l’intelligence, la culture tant que vous voudrez, oui, mais d’abord occupons-nous du corps. C’est ainsi qu’il vous assaille, avec l’énergie, l’incroyable énergie et le rythme de ses mots. Après seulement, le sens. Mais pas du tout dans une ambition systémique. Plutôt le sens dans tous les sens. Au point où vous ne savez plus où donner de la tête, ne savez plus où vous êtes. Lorsque cela vous arrive, dites-vous alors que vous êtes dans le monde de Laferrière, là où tout bouge. Ou plutôt -- c’est maintenant seulement que je prends toute la mesure de cette nuance -- c’est son monde qui entre en vous avec force. Un coup de force, un cou d’éclat, un coup d’État ! Mais où en étais-je ?... Ah oui, mon ignorance. Elle n’est pas si lourde. Avec les années, et un peu de curiosité, on finit tout de même par apprendre quelques trucs. Par exemple, deux de mes préposées m’ont déjà raconté qu’un jour, un Noir de Brooklyn les a expulsées de sa voiture, choqué qu’il était par le fait qu'elles se considèrent comme haïtiennes et non comme africaines. Cette étrange susceptibilité m’a été plus tard confirmée par ma préposée guinéenne : pour elle, tout Noir est Africain, point. Oui, lui ai-je répondu, mais si Micheal Jackson est Africain, alors moi, je suis Européen, comme George W. Bush ! J’ai vite compris qu’il était inutile de discuter. Que son idée n’était pas le fruit d’un raisonnement libre, mais qu’elle exprimait une émotion profondément enracinée dans un substrat culturel qui ne m’est pas familier. Pour qu’un Africain existe, il faut apparemment que l’Haïtien n’existe pas. Une telle fragilité rappelle que les identités sont des constructions imaginaires, culturelles et, jusqu’à un certain point, factices, donc vulnérables.
J’avais oublié cette histoire quand je suis tombé sur ce passage de J'écris comme je vis :
La plupart des Américains noirs sont tournés mentalement vers l’Afrique, alors que nous, en Haïti, on a déjà fait ce voyage identitaire, on a déjà donné dans ce fantasme, et cela a accouché de la dictature de Duvalier au bout du compte. [...] Le mythe d’une Afrique parfaite allait prendre place. Pour faire face à l’esprit français. Il fallait la toute-puissance culturelle africaine pour contrer l’hégémonie culturelle française en Haïti. Comme on le voit, tout était comme faussé au départ. Une montagne d’artifices. Et tout cela nous a conduits dans la dérive duvaliérienne. C’est peut-être une autre raison de ma réticence à la créolité. Haïti avait tenté de construire son identité avec deux fantasmes purs (je parle du regard que nous portons sur ces pays) : la France et l’Afrique, alors qu’on a les pieds sur le sol d’Amérique. (1)Pourquoi est-ce que je parle de ça ? Parce que le monde de Laferrière, comme j’ai dit (m’écoutez-vous ?), m’est « rentré dedans ». Mais, aussi, parce que ce n’est pas qu’une affaire de Noirs. Il n’y a pas une question plus québécoise que la question identitaire. Même Elvis Gratton y pense ! Qu’est-ce qu’un Québécois ? Réponse : quelqu’un qui se demande ce qu’est un Québécois. J’y reviendrai.
Laferrière ne se gêne pas de dire que ces histoires d’identités ne l’intéressent pas. S’il en parle, c’est toujours en réaction à ceux -- des Blancs, mais aussi des Noirs -- qui veulent lui accoler l’étiquette d’écrivain haïtien, ou antillais, ou caribéen, ou noir : « Le premier qui écrit que j’ai un style tropical ou solaire, je lui casse la gueule ». (2) Chacune de ces étiquettes étant à ses yeux un piège qui enferme dans le système de pensée colonialiste. Laferrière revendique son individualité, son unicité et son ambition de devenir Dany Laferrière.
Voilà. J’en suis là. Le livre n’est pas encore terminé, mais je sens comme une petite fatigue, là. On va dire que mon ignorance s’est suffisamment allégée aujourd’hui.
__________
(1) Dany Laferrière. J’écris comme je vis. Les Éditions du Boréal, 2010, p. 112
(2) Ibid., p. 107.
vendredi, janvier 20, 2012
Mon année 2011
Je passe le plus clair de mon temps dans ma chambre, au lit. Ce qui facilite beaucoup mon bilan de l’année 2011, et simplifie de même les résolutions pour 2012. Mais, comme je suis aussi, par nature, plutôt lent, peu empressé, du côté des vaches plutôt que de celui du train qui passe, ce n’est qu’aujourd’hui que je me suis mis à la tâche d’informer le monde des hauts faits ayant marqué la dernière année écoulée.
Le premier événement est en fait un non-événement : je n’ai pas attrapé le rhume, ou, si l’on préfère, aucun rhume ne m’a attrapé. L’année 2010 avait à cet égard été particulièrement difficile, physiquement, psychologiquement et financièrement. Au point qu’en janvier passé, j’abordais l’année à venir en ces termes :
Devant moi, 2011 qui s’allonge, s’allonge, s’allonge...En fin de compte, elle ne s’est pas allongée du tout. Même qu’elle a été plutôt expéditive, cette année 2011.
Surtout l’été. Un clignement d’yeux sous le soleil. En juin, je suis allé à la petite boutique informatique, à dix minutes en fauteuil de chez moi, acheter une bonbonne d’air comprimé. C’est mon deuxième événement. Le voyage -- c’en fut un -- m’a pris le double de temps, parce que je devais constamment m’arrêter pour reposer mon bras droit, avec lequel je conduis le fauteuil. Une chaleur torride, cette journée-là. Alors je faisais tout l’effort dont j'étais capable pour que mon bras ne lâche pas avant le point d’ombre suivant. Lors d’une halte involontaire, coin Dufresne et Sainte-Catherine, un type est passé en trombe près de moi. Il était complètement affaissé dans son fauteuil roulant, presque renversé sur le dos, un pied en l’air comme s’il venait de glisser sur une pelure de banane, l’autre sur l’appui-pied pour conduire. À dix mètres de moi, il y avait un arbre. Le type fonçait droit dessus, comme un kamikaze. Mais, à la dernière seconde, il rectifie sa trajectoire et relance sans course effrénée. Plus loin, une femme s’en vient vers nous. Une cible parfaite. Surtout qu’elle ne semble pas inquiétée du tout par le type... qui l’a finalement évitée de justesse. J’ai alors pensé : ces deux-là se sont déjà croisés, aucun doute. Des gens du quartier.
J’aimerais aussi, parfois, être de mon quartier.
Le troisième événement est un vrai événement. Enfin ! Un matin d’août, douleur insupportable au bas du dos. Appel au 911, urgence de l’hôpital Saint-Luc. Diagnostic : pierre au rein. Un long mois et demie à me demander quand allait enfin cessé ces maudites crises de douleur .
Le quatrième événement serait mieux décrit par le mot avènement. Quelque chose comme l’avènement de l’ère du livre numérique. L'automne passé, en particulier durant les Fêtes, l’offre a littéralement explosé. Format EPUB, que je déteste, et format PDF, rigoureusement identique à la version imprimée. De grands auteurs, comme ce Laferrière que je voulais lire depuis longtemps. L’Énigme du retour, pour 12 $ ! Je me suis remis à lire ; la seule chose, à vrai dire, que j’ai jamais su faire. Avec une énergie que je ne croyais plus possible.
Comme si je reprenais le train et que les vaches me regardaient passer..
jeudi, janvier 12, 2012
Québec-Haïti
La langue peut aussi devenir une question politique, comme nous le savons trop bien ici. Par exemple, cette interminable querelle entre tenants du français standard international et ceux que Lionel Meney appelle les endogénistes, tenants d’une langue standard québécoise distincte. (1) En Haïti, ils ont eu l’« authenticité, cette variante de l’indigénisme ». Je cite Le Cri des oiseaux fous, de Dany Laferrière :
Je suis imbibé de culture française : raffinée, élégante, luxueuse, bien que la France ne soit pas bien vue en Haïti depuis quelque temps. La nouvelle génération veut retrouver ses racines. « Le français est plutôt un carcan pour nous, disent mes copains. C’est une langue qui ne sert qu’à nous aider à grimper l’échelle sociale. On parle français pour faire savoir à notre vis-à-vis qu’on n’est pas n’importe qui. Maintenant, on veut autre chose d’une langue. Un rapport différent. Plus authentique. » Authenticité : le mot est lâché. Auparavant, le français ne servait qu’à bien montrer qu’on était allé à l’école, qu’on avait été formé par une culture universelle, qu’on était quelqu’un de civilisé. Maintenant, on veut autre chose. Quelque chose de plus proche de nous. On veut aussi se retrouver entre nous dans une émotion vraie. On veut retrouver nos racines, notre culture et d’abord notre langue. C’est le débat de ma génération. (2)Plus que la langue, la politique, au Québec comme en Haïti, envahit tout l’espace culturelle. Toujours Laferrière :
Je veux respirer. J’étouffe, coincé entre mes camarades qui ne parlent que de la dictature et un pouvoir qui ne s’intéresse qu’à sa survie. (3)
Dans un pays riche, le théâtre n’est que du théâtre, le cinéma est avant tout un divertissement, la littérature peut servir à faire rêver. Ici, tout doit servir à conforter le dictateur dans son fauteuil ou à le déstabiliser. La politique est le but de toute chose. Même moi, en ce moment, je ne pense qu’à ça. Il n’y a pas moyen de sortir de ce cercle vicieux. (4)Dans ce roman, Laferrière raconte les derniers moments de sa vie en Haïti. L’ironie du sort est que, lorsqu’il arrive ici en 1976, le pays traverse une crise politique, avec l’accession du PQ au pouvoir. Une crise qui aura durée une quarantaine d’années, durant lesquelles la politique a phagocyté tous les autres débats. Dans une de ses chroniques, justement intitulée « Envie de partir », Pierre Foglia exprime la même exaspération :
Au Québec on débat toujours de la même chose : de la séparation appréhendée du Québec. Quand on parle des immigrants, on ne parle pas des immigrants, on parle de fédéralisme et de séparatisme. Quand on parle de racisme, on ne parle pas de racisme, on parle de séparatisme et de fédéralisme. Quand on parle de banalisation de la Shoah, on parle encore de séparatisme et de fédéralisme. (5)
Il y a exactement deux ans, Haïti vivait une drame inimaginable. Mon cœur et mes pensées demeurent avec ce peuple qui a beaucoup à nous apprendre, et à qui on doit bien plus que l’on croit.
__________
(1) Antoine Robitaille. « L’entrevue - Lionel Meney ou le cauchemar des endogénistes ». Le Devoir, 22 février 2010.
(2) Dany Laferrière. Le Cri des oiseaux fous. Éditions du Boréal, Montréal, 2010, pp. 38-39
(3) Idem. P. 66
(4) Idem. P. 69
(5) Pierre Foglia. « Envie de partir » La Presse, jeudi 21 décembre 2000
dimanche, décembre 11, 2011
« Nos » sapins de Noël
Je reproduis ci-dessous ma réponse à un texte que ma cousine Nicole a lu sur Facebook, et avec lequel elle s’est trouvée en accord à un point tel qu’elle s’est empressée de l’envoyer à tous ses contacts. Vous trouverez le texte en question à la fin de ma réponse. Un bijou d’humanité incroyablement ancré dans la réalité.
Chère Nicole,
Puisque tu as eu l'amabilité de m'envoyer ce courriel rempli d'amour, permets-moi de te répondre.
Il est évident que la personne qui a mis ce texte sur Facebook était animée par de profondes valeurs chrétiennes. Tout en la lisant, je pensais au commandement : aime ton prochain comme toi-même. Ce n'est pas toujours facile d'aimer son prochain, surtout s'il est différent de nous, mais, en cette période des Fêtes, c'est un bonheur de constater qu'il y a des gens qui ont le cœur et l'intelligence d'aller au-delà des préjugés. C'est ça la magie de Noël !
J'aimerais attirer ton attention sur un passage de son texte particulièrement émouvant, quand elle dit :
« On vous donne tout ce dont vous avez besoin pour vous aider à vous intégrer ici même dans NOTRE PAYS. On vous donne un toit, de la nourriture, de l'argent, on vous inscrit à l'école pour apprendre la langue, on vous aide à acquérir de meilleures connaissances de NOTRE PAYS, vos études sont payées, afin de faciliter votre intégration sur le marché du travail. Mais à vous entendre... ce n'est pas encore ASSEZ ! »
Cette femme est tellement généreuse, tellement remplie d'amour qu'elle a donné sa job à un immigré. Et comme si ce n'était pas assez, elle l'a logé et nourri gratuitement, en plus de lui payer des études. Incroyable ! Et ce n'est pas tout. As-tu remarqué, elle dit : « On vous donne »... J'en déduis que, dans son village, probablement tout le monde fait la même chose. Wow ! On est loin de Hérouxville !
On est loin de Montréal aussi. Ici, à Montréal, où j'habite depuis 30 ans, je peux te dire que les immigrants, et il y en a beaucoup, on ne leur donne strictement rien. Pour payer leur loyer, nourrir leurs enfants, pour aider leurs frères, sœurs, parents, tantes et oncles restés au pays natal, ils doivent travailler comme des bêtes, pour des salaires souvent inférieurs au salaires des Montréalais, car les jobs bien rémunérées, les Montréalais essaient de les garder pour eux autant que possible. Je suis bien placé pour le savoir : toutes mes préposées viennent de pays étrangers ; les Canadiens français ne veulent pas d’une job aussi exigeante, payée seulement 13 $ de l’heure. Ça, c'est la réalité montréalaise ; en région, heureusement, c'est apparemment différent.
Pour comprendre la vie d'un immigrant, nous les Séguin, nous n'avons qu'à penser à la sœur de grand-maman Maria, qui, de New York, envoyait à sa famille à la Minerve des vêtements ayant des défauts de confection, invendables. L'histoire veut même que, des fois, c'est elle qui les rendait invendables ! Durant la seconde moitié du XIXe siècle, environ 800 000 Canadiens français ont quitté la misère des campagnes québécoises où ils ne voyaient aucun avenir, pour aller travailler dans les usines de textiles du nord-est des États-Unis. Ils n’ont pas eu la vie facile là-bas, ils ont été brimés, méprisés. Aujourd’hui, plus aucun descendant de ces immigrants ne parle le français ; ils ont tous été assimilés. Même scénario en Louisiane.
Tout immigrant a une double vie, une double responsabilité : ici et là-bas, au pays natal. Quand le téléphone sonne, et que c'est un appel « du pays », l'immigrant sait que ça va lui coûter cher : tel parent est tombé malade, il faut payer pour le faire soigner, ou bien c'est qu'il n'y a rien à manger, ou encore qu'il manque d'argent pour les études.
Parlant d'études, ce qu'il y a de frustrant pour les immigrants, c'est qu'ils sont en moyenne plus scolarisés que les Montréalais et qu'ils se retrouvent quand même avec les jobs les moins payantes. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Statistique Canada. Et la raison est très simple : le Québec choisit, parmi les personnes qui veulent s'établir ici, celles qui ont une meilleure capacité à s'intégrer, c'est-à-dire celles qui parlent français et qui ont un diplôme. Mais apparemment, ça n'est pas suffisant. Malgré leur besoin urgent de travailler et leurs compétences, le taux de chômage chez les immigrants est de 12,5 %. Au sein de la communauté venant du Maghreb, c'est pire encore : le taux de chômage monte à 25 % ! Pourtant les Maghrébins parlent très bien français et sont reconnus pour être très scolarisés. Hélas ! ils sont musulmans, et là est le problème.
Dans le texte que tu nous a envoyé, la personne est très en colère parce que des Musulmans veulent l'empêcher de célébrer la Noël. Il faut la comprendre : elle et les gens de son village accueillent, avec beaucoup de générosité, ces Maghrébins dont personne ne veut, et en retour ces immigrants vraiment ingrats s'attaquent à leurs sapins de Noël !
La seule explication que je peux voir à cette malheureuse histoire, c'est que les gens de ce village sont tombés sur une bien mauvaise batch d'immigrants.
Je ne pensais pas qu'une telle chose pouvait arriver. Car j'ai connu pas mal de Musulmans à l'époque où j'étudiais à l'UQAM, et aucun d'eux n'avait de problème avec la Noël. Au contraire, ils aiment l'espèce de fébrilité qui s'empare de Montréal durant les Fêtes, et ils aiment beaucoup toutes ces lumières partout. Et ils fêtent eux aussi Noël, à leur façon. Ce sentiment est également partagé par ma préposée guinéenne, musulmane elle aussi.
Les gens de ce malheureux village ont été extraordinairement malchanceux. Ils sont tombés sur les seuls Musulmans anti-Noël du Québec !
En terminant, j'aimerais quand même soulever un point qui demande à être éclairci. Le texte dit : « Vous quittez vos pays parce que la guerre, la haine, la mort y règnent ». D’abord, la haine n’épargne personne, elle est partout, en Afrique aussi bien que dans un trou xénophobe comme Hérouxville. Ensuite, lorsque des gens fuient leur pays parce que leur vie est en danger, alors ils sont considérés comme des réfugiés. Si leur statut de réfugiés est confirmé par l'État, après quelques années, alors ils peuvent obtenir leur résidence permanente, puis leur citoyenneté, et alors ils entrent dans la catégorie des immigrants. Les réfugiés sont peu nombreux et représentent un cas particulier. La très grande majorité des personnes qui veulent s'établir au Québec ont d'autres raisons, notamment économiques, comme les Canadiens français autrefois.
C'est dommage, Nicole, que tu n'aies pas le nom de cette personne qui a mis ce texte sur sa page Facebook. J'aurais aimé lui répondre, la remercier de ce beau témoignage qui va si bien avec l'esprit des Fêtes.
Je t'envoie mes vœux de Noël dans quelques jours.
Profite bien de ton sapin !
Bisous.
Luc
Je suis athée et je ne fais pas chier le peuple avec ça... ce n'est pas parce que je ne crois pas en Dieu que je dois mettre de côté les traditions et les valeurs qu'on m'a apprises. La fête de Noël n'est pas une RELIGION... mais un ÉVÉNEMENT !
Noël existe depuis que le monde est monde... et n'est-ce pas en Israël que le tout a commencé ?
Vous quittez vos pays parce que la guerre, la haine, la mort y règnent. Vous venez vous établir ici dans NOTRE PAYS, pour pouvoir fuir tout ça et vivre heureux, en santé et à l'abri de tout ça.
On vous donne tout ce dont vous avez besoin pour vous aider à vous intégrer ici même dans NOTRE PAYS. On vous donne un toit, de la nourriture, de l'argent, on vous inscrit à l'école pour apprendre la langue, on vous aide à acquérir de meilleures connaissances de NOTRE PAYS, vos études sont payées, afin de faciliter votre intégration sur le marché du travail. Mais à vous entendre... ce n'est pas encore ASSEZ !
Moi c'est à vous que je dis C'EST ASSEZ... assez de vouloir changer nos traditions et nos coutumes, assez de brimer nos droits et libertés parce que c'est contraire à votre religion, assez de nous traiter de racistes parce qu'on aime pas votre façon de faire.
Pourquoi venez-vous dans notre pays si c'est pour tenter de le changer à l'image du pays que vous avez fuit ?
C'est nous qui vous offrons l'hospitalité, alors à vous de vous conformer à nos traditions et nos coutumes. Lorsqu'un étranger s'établit dans votre pays, il doit se convertir à vos traditions, à vos coutumes et celui qui ne les respecte pas... peut être passible de mort... dans certains pays. Et nous QUÉBÉCOIS devrions vous laissez [sic] tout changer sans rien dire ?... ASSEZ C'EST ASSEZ !
Retournez dans votre pays si nos traditions et nos coutumes vous déplaisent tant que ça... vous me faites chier à vouloir tout changer... ça suffit osti... RESPECTEZ NOS VALEURS !
Vos femmes peuvent aller vôter [sic] en portant le voile, vous porter [sic] vos armes sur vous, on vous a donné des espaces pour prier... MAINTENANT CALICEZ NOUS LA PAIX AVEC NOËL...
Si on veut mettre un sapin de Noël on va en mettre un, si on veut décorer la ville entière pour Noël, on va le faire. Si on a envie de crier NOËL partout on va le crier, si nos enfants on envie de parler de Noël à l'école, ils vont le faire...
RESPECTEZ NOUS SI VOUS VOULEZ QU'ON CONTINU [sic] À VOUS RESPECTER...
Qui sont les plus racistes d'après-vous ?... VOUS... musulmans, juifs et les autres... car vous voulez changer notre image !... Un raciste est une personne qui n'aime pas les gens d'une autre nationalité... n'est-ce pas une forme de racisme ce que vous faites ?
Réfléchissez dont [sic] avant de vouloir brimer NOTRE PAYS !
jeudi, mai 05, 2011
Un moment historique
dimanche, janvier 16, 2011
Haïti, un an plus tard
Le 12 janvier 2010, à 16 h 53, Port-au-Prince, capitale d’Haïti, était rayée de la carte. Tout autour, des villages subissaient le même sort.
Plus de 220 000 morts.
Des centaines d’ONG ont alors déferlé sur la « perle des Antilles », au secours des victimes ; des milliards de dollars ont été promis devant les caméras pour la reconstruction ; et… rien n’a été fait. Cinq pour cent des débris ont été enlevés ; 800 000 personnes vivent toujours dans des camps insalubres, 100 000 autres vivent dans des abris provisoires aménagés par l’aide internationale, et 600 000 sont « retourné[e]s dans leurs maisons, même si beaucoup vivent dans leur cour, par crainte de nouveaux effondrements » (1) ; l’État ne dispose toujours pas d’édifices permanents où loger les ministères ; et, comme si cela ne suffisait pas, le choléra, disparu depuis un siècle, est réapparu et s’est propagé à une vitesse fulgurante. Deux enquêtes épidémiologiques ont confirmé que la source de l’épidémie – qui a causé jusqu’à présent 3600 décès -- provenait du camp népalais de la Minustah, situé près de Mirebalais, dans le centre du pays. (2) Inutile de dire que la MINUSTAH est l’objet d’un discrédit total et définitif ; un texte paru dans Le Monde parle d’un « fossé » qui sépare désormais la communauté internationale de la population haïtienne. (3)
La responsabilité des grandes puissances, en particulier les États-Unis, est immense. En 1980, la région de Port-au-Prince comptait environ 700 000 habitants, trente ans plus tard, au moment du bagay la, ils étaient plus de 2,5 millions. L’urbanisation est un phénomène mondial qui remonte à très longtemps. Cependant, le cas haïtien, comme celui de plusieurs pays pauvres, présente une particularité qui doit nous interpeller. En 1986, Haïti s’est engagée dans des « programmes d’ajustement structurel », tristement célèbres, imposés par le FMI et la BM en échange d’aide financière. (4) Ces deux institutions, contrôlées par l’Europe et les États-Unis, ont forcé le pays à réduire ses tarifs douaniers sur les produits agricoles étrangers, subventionnés à coups de milliards. Les prix de certains produits ont chuté, acculant les agriculteurs haïtiens à la faillite, provoquant un exode des campagnes vers la ville. Les politiques odieuses du FMI ont détruit le tissu social et sont responsables non seulement du nombre élevé de victimes du séisme de l’an passé, mais aussi de la crise alimentaire qui a frappé en 2008 et menace de frapper cette année encore.
De l’espoir pour Haïti ?
Ce pays trahi par sa classe possédante, mis de facto sous tutelle étrangère, peut difficilement se donner les moyens d’un développement ordonné. Rien n’illustre mieux cette réalité que la présence écrasante des États-Unis qui ont fait construire près de l’aéroport national d’Haïti la quatrième en importance de toutes leurs ambassades, après celles d’Irak, de Chine et d’Allemagne. (4) Avis au successeur de René Préval…
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(1) Centre d’actualité de l’ONU. « Un an après le séisme, Haïti reste confronté à d'énormes défis ».
(2) Benjamin Fernandez. « L’échec des Nations unies en Haïti ». Le Monde diplomatique, 12 janvier 2010.
(3) Jean-Philippe Belleau. « L'imposture des Nations unies en Haïti ». Le Monde.fr, 31 décembre 2010.
(4) « Haïti. Données sur l'agriculture et la crise alimentaire ». Comité catholique contre la fin et pour le développement, avril 2008.
(5) Jean-Pierre Cloutier. « À propos d’Haïti ». [Blogue] Dimanche, 9 janvier 2011.
Lire aussi :
-- « Haïti, le désastre de l’aide humanitaire ». Haïti info / La Nouvelle république, 17 décembre 2010.
-- Rony Brauman et Fabrice Weissman. « Aide internationale : ce qui se passe en Haïti ». Issues de secours, 12 janvier 2011.
mercredi, octobre 27, 2010
Allons prier au moratoire Saint-Joseph
Guy Laliberté, du haut de sa sagesse milliardaire, a parlé : « Les gaz de schiste, ça nous préoccupe, surtout que la Fondation One Drop mise sur l'accès à l'eau potable. Il ne faut pas être sourd ou aveugle. Présentement, je suis persuadé que nous n'avons pas toute l'information nécessaire pour prendre une décision ». (1) Il ne réclame pas pour autant un « moratoire », mot politiquement très chargé ces temps-ci et qu’évitera un homme appartenant à l’élite détentrice du pouvoir.
N’empêche que son intervention publique est la bienvenue. L’exploitation des gaz de schiste demande de grandes quantités d’eau, sans parler du risque élevé de contamination des eaux de surface par les bassins de rétention peu sécuritaires. (2) Or, présentement le gouvernement n’a aucune idée de la quantité d’eau que contiennent les nappes phréatiques du Québec. (3) Pour connaître l’état de nos ressources aquifères, il faudrait que le ministère de l’Environnement en fasse l’inventaire exhaustif, ce qui n’est pas pour demain. À moins d’un miracle.
Allons tous prier au moratoire Saint-Joseph.
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(1) Ian Bussières. « Gaz de schiste : Guy Laliberté plonge dans le débat ». cyberpresse.ca, 27 octobre 2010 (page consultée le 27 octobre 2010)
(2) Voir le reportage de Jean-René Dufort (« Gaz de schiste – Infoman ») sur ces bassins de surface où s’accumulent les eaux contaminées par les produits toxiques utilisés pour fracturer le shale (et non le schiste).
(3) Louis-Gilles Francoeur. « Gaz de schiste - Les réserves d'eau seraient menacées ». Le Devoir, 15 octobre 2010 (page consultée le 27 octobre 2010)
mercredi, octobre 13, 2010
La ministre Normandeau à Tout le monde en parle
Lors de son passage à Tout le monde en parle, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a joué à fond la carte nationaliste, quelque chose comme : pourquoi on se donnerait pas la chance historique d'exploiter une ressource abondante qui nous profitera à nous, Québécois, comme on l'a fait avec l'hydroélectricité ?
La comparaison avec l'hydroélectricité est assez malvenue puisque cette ressource a été nationalisée dans les années 1960. Or, les gaz de shale vont demeurer la propriété des entreprises qui ont obtenu pour une bouchée de pain les droits d'exploitation. La ministre trompe les Québécois quand elle présente cette dépossession comme une appropriation de « notre » ressource.
Son argument pour justifier le coût dérisoire des droits est de la même eau : les entreprises québécoises sont jeunes et n'ont pas encore les moyens financiers de payer des droits élevés. Ah oui ? Les entreprises qui ont obtenu les droits sur les gaz de schiste ne sont pourtant pas toutes québécoises. Talisman Energy, par exemple, est une multinationale albertaine dont les revenus en 2009 ont dépassé les sept milliards de dollars.
Cette idée que la ministre voudrait bien nous enfoncer dans le crâne (pourquoi pas au moyen d'un forage, tiens !), cette idée que les Québécois doivent s'approprier leur ressource, fait l'impasse sur une réalité toute simple : le marché de l'énergie est déréglementé et mondialisé ; les entreprises qui détiennent les droits sur les ressources du sous-sol québécois peuvent en disposer à leur guise, en vendre une petite partie sur le marché local et exporter le reste. D'ailleurs le ministre des Finances lui-même, Claude Bachand, admet cet possibilité. (1)
L’animateur de Tout le monde en parle a trouvé Normandeau solide. Moi, impudente
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(1) Charles Côté. « Gaz de schiste: le ministère des Finances envisage l'exportation ». cyberpresse.ca, 13 octobre 2010 (page consultée le jeudi 14 octobre 2010)
vendredi, septembre 17, 2010
La vermine
Juste avant que j’attrape ce foutu rhume carabiné… On dit : attraper, mais c’est plutôt le rhume qui nous attrape. C’est vivant cette vermine ! Tellement vivant que j’ai cru que j’allais en crever. Mais ce n’était qu’une fausse alerte. Me voilà de retour, au lit certes, mais tout de même capable de lire les journaux sur l’Internet.
Juste avant que j’attrape le rhume, disais-je, il était beaucoup question des panneaux de signalisation routière que le gouvernement Charest veut remplacer au plus vite à la grandeur du Québec. Il y en a 400 000 ; une bagatelle de 700 millions. Et pourquoi tant de hâte ? Pour « accommoder une population vieillissante » (1) qui pourraient avoir de la difficulté à lire les panneaux actuels. Réjouissons-nous d’avoir un gouvernement si accommodant. Comme par hasard, le service chargé de la fabrication de ces panneaux vient d’être cédé au secteur privé. (2)
De retour de l’hôpital, qu’est-ce que je lis ? Les gaz de schiste par-ci, les gaz de schiste par-là, des hommes d’affaires qui se frottent les mains, André Caillé qui nous prend pour des valises (3) et un gouvernement libéral qui, une fois de plus, couche avec l’industrie. Et la plus pute de toutes, la ministre des Ressources naturelles, qui nous dit que si nous voulons conserver nos garderies à sept dollars, eh ben il faut faire des « choix judicieux » : ce sera les gaz de schiste. (4) Car il faut voir plus loin que le bout de son nez, il faut penser à l’avenir, notre système de santé, nos services sociaux, ce dont nous sommes, nous petites gens, manifestement incapables.
Si bien lancée, Normandeau ne s’est pas arrêtée là. Les gaz de schiste, c’est comme la belle époque de René Lévesque et du développement de l’hydroélectricité, dit-elle. Remarquez, elle n’est pas aller jusqu’à évoquer la nationalisation de cette ressource. Trop dangereux. Explosif. Les gaz de schiste doivent d’abord profiter au secteur privé, quelques entreprises québécoises qui prospectent le sous-sol québécois depuis une dizaine d’années, et des multinationales d’Alberta et d’ailleurs qui éventuellement vont les avaler. Nos ressources gazières sont essentiellement destinées à l’exportation. Le marché de l’énergie n’a pas de frontières, le pétrole et le gaz se vendent sur les places boursières, l’acheteur peut être chinois ou brésilien. La ministre Normandeau sait très bien cela, mais le mot d’ordre du gouvernement et de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), c’est de nous bullshiter jusqu’au « consensus ».
Ce qui me tue, c’est l’effronterie de la manœuvre, le mépris qui lui est sous-jacent. Les ficelles sont si grosses, pour ne pas dire grossières : du personnel politique au plus haut échelon passe d’urgence au service du lobby gazier, (5) des firmes de relations publiques sont enrôlées, quatre « consultations » publiques sont lancées de front alors que le BAPE -- le seul organisme consultatif à pouvoir mener un tel débat au nom de l’intérêt de tous les Québécois – de son côté a reçu un mandat biaisé, limité à quatre mois alors qu’il lui faudrait plusieurs années. (6)
Cette fin de semaine, c’est justement la fin de semaine Nettoyons la Terre. Une bonne occasion de nous débarrasser de nos déchets politiques et de cette vermine affairiste et cupide qui menace la santé démocratique du Québec.
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(1) Fabien Deglise. « Panneaux neufs : une manne de 700 millions pour le privé ». Le Devoir, 4 août 2010. (Page consultée le 15 septembre 2010)
(2) Fabien Deglise. « Transports Québec - Tomber dans le panneau du vieillissement ». Le Devoir, 5 août 2010. (Page consultée le 15 septembre 2010)
(3) Pierre Foglia. « Les valises ». cyberpresse.ca, 2 septembre 2010.
(4) Alexandre Shields. « Gaz de schiste : Normandeau fait vibrer des cordes sensibles ». Le Devoir, 15 septembre 2010. (Page consultée le 15 septembre 2010)
(5) Antoine Robitaille. « Un gouvernement en crise - Les schistes, une filière libérale ? ». Le Devoir, 3 septembre 2010. (Page consultée le 15 septembre 2010)
(6) Louis-Gilles Francoeur. « Deux experts se prononcent - Le BAPE : un mandat atrophié ». Le Devoir, 4 septembre 2010. (Page consultée le 15 septembre 2010)
dimanche, juillet 18, 2010
Quelque chose de sacré
Des aborigènes d'Amazonie disent ce qu'ils pensent de certains aspects de la civilisation occidentale. Ces hommes ont revêtu pour l’occasion leurs tenues d’apparat ; les femmes, et c’est dommage, ne sont pas admises à cette assemblée.
Le moment le plus émouvant : quand ils écoutent Maria Callas chanter Casta Diva. Je ne sais pas pourquoi, j’ai pleuré. Un air qui ne m’avait jamais touché à ce point.
Un des sages, peut-être le chef, a cette remarque d'une profonde sensibilité : « Je trouve ça bouleversant. Sans la comprendre, on sent qu'il y a quelque chose de sacré ».
Dans l'ensemble, cette vidéo au titre très discutable demeure toutefois imprégnée du mythe du « bon sauvage », encore aujourd'hui très prégnant chez les Français, et auquel je n'adhère pas. Il n'y a pas de civilisation, pas de peuple supérieur aux autres.
mercredi, juin 23, 2010
Vingt ans après l'échec de Meech. Grosse fatigue
Une commémoration bien québécoise cette semaine : celle d’un échec. Il y a vingt ans, l’accord du lac Meech devenait « l’échec du lac Meech ». Moi-même, je me souviens, j’y étais opposé. Quand le député manitobain Elijah Harper a fait déraillé le processus de ratification de l’accord, j’ai poussé un grand « yes sir ! » bien senti. J’y voyais un événement favorable à la souveraineté du Québec que je croyais, à l’époque, encore possible. J’attendais, pour reprendre les mots de René Lévesque, notre « rendez-vous normal avec l’Histoire ». Ce rendez-vous n’a jamais eu lieu. De 1980 à 1995, nous avons donc vécu l’échec du premier référendum, puis l’échec de Meech, puis le rejet de l’entente de Charlottetown, puis l’échec d’un second référendum sur la souveraineté. Que peut bien vouloir dire aujourd’hui ce vers de Miron : « Un jour j’aurai dit oui à ma naissance » ? Plus rien. Le statut du Québec au sein du Canada demeure problématique. Mais, aussi bien, son rapport au monde. Qui sommes-nous ? Quelle est notre pertinence ? Que voulons-nous ? Être heureux avec notre nouveau iPad ? Si ce n’est que cela, alors pourquoi défendre notre langue ? Pourquoi freaker sur la question du voile islamique ? Que voulons-nous au juste préserver, perpétuer ?
Ces questions n’ont rien de rhétorique. Elles nous habitent comme des fantômes. Les fantômes d’un peuple qui se meurt à lui-même et au monde. Au point où désormais il doute de la plus fondamentale des évidences, celle d’être un peuple. Cette régression s’accompagne d’une perte implacable du pouvoir politique, lequel se concentre de plus en plus à Ottawa.
Une idée communément admise -- et si rassurante -- veut que l’échec de Meech et celui de Charlottetown aient consacré la victoire du statu quo. Il n’y a pas de statu quo possible. Le Canada continue d’évoluer suivant sa dynamique propre, vers un État unitaire, centralisé, indifférent à la spécificité québécoise et aux revendications qui découlent du désir – évanescent il est vrai – de la préserver. Il y a trois ans, le groupe TSX (qui détient la bourse de Toronto) achetait la bourse de Montréal, une transaction que certains médias ont pudiquement appelé « fusion ». Aujourd’hui, le gouvernement Harper s’entête à vouloir créer, contre l’avis de tous les experts, une commission des valeurs mobilières unique, au lieu des dix commissions provinciales actuelles, une attaque si brutale à l’autonomie des provinces que le gouvernement Charest a porté l’affrontement devant la Cour d’appel du Québec. Parallèlement, Harper, avec l’appui des libéraux de Michael Ignatieff, s’apprête à passer la loi C-12 qui ajoutera 30 nouvelles circonscriptions aux 308 que compte actuellement le pays : 18 iront à l’Ontario, 7 à la Colombie-Britannique, 5 à l’Alberta et… aucune au Québec. Rappelons que c’est le Québec qui, aux dernières élections, a empêché le Parti conservateur d’obtenir une majorité à la Chambre des communes. Il s’agit donc pour Harper de faire en sorte de pouvoir désormais se passer de nos votes, une stratégie qui profitera aussi au Parti libéral du Canada. Pour occulter notre marginalisation, à laquelle participent sans broncher les quelques députés québécois des deux principaux partis fédéraux, il sera désormais interdit d’utiliser l’expression « Québécois de service » à la Chambre des communes.
Dans cette même perspective, il faut aussi rappelé le jugement controversé rendu par la Cour suprême du Canada, lequel a invalidé la loi 104 qui interdisait le recours aux « écoles passerelles » au Québec.
Ces quelques exemples n’ont pour but que d’illustrer les conséquences de notre démission collective, de notre régression dans la recherche d’un bonheur individuel, axé plus que jamais sur la consommation infantilisante, aliénante et dénuée de sens. Vingt ans après l’échec de Meech, notre refus de faire des choix affirmés qui nous définissent et nous ouvrent au monde, nous place en position vulnérable, défensive, face aux choix des détenteurs du pouvoir.
C’est peut-être là, dans cet démission, qu’il faut voir l’expression de ce que Hubert Aquin appelait, il y a plus de quarante ans déjà, notre « fatigue culturelle ».
jeudi, mai 20, 2010
La morale qui tue
J’ai parlé l’autre jour d’Elie Wiesel, ce grand humaniste, prix Nobel de la paix, auteur de nombreux romans, pièces de théâtre, essais… Interrogé en 2006 sur son appui à l'invasion de l’Irak, il a eu cette réponse : « Si j'avais su à l'époque ce que je sais maintenant, j'aurais évidemment dit non à la guerre ». Et, conscient de la gravité de sa faute, il ajoute : « N'oublions pas qu'à cette époque aucun service de renseignements au monde ne disait que Saddam Hussein ne possédait pas [d’]armes [de destruction massive] ». (1)
Certes. Mais, aussi bien, aucun service de renseignements ne pouvait prouver qu’il en possédait. Durant les mois qui ont précédé le déclenchement de l’attaque américaine, Hans Blix, chef des inspecteurs en armement de l’ONU, n’a rien trouvé en Irak. Il demande alors plus de temps pour terminer les inspections, qui sont menées, faut-il le rappeler, avec la collaboration des services secrets britanniques et américains, mais Washington, pressé de liquider le régime qui lui bloque l’accès au pétrole, ne l’écoute plus. (2) Le 20 mars 2003, les premières bombes s’abattent sur Bagdad.
Ce qui étonne le plus, c’est que, en toute logique, ce n’est pas la présence sur le territoire irakien d’armes de destruction massive qui devait justifier l’attaque américaine, mais le lien supposé de Saddam Hussein avec Al-Qaïda. Car ce projet belliqueux se voulait – officiellement -- la réplique des États-Unis aux attentats du 11 septembre 2001. Comment Elie Wiesel peut-il négliger ce fait ? Comment peut-il faire abstraction du fait que personne à l’époque ne croyait honnêtement à l’existence d’un quelconque lien du dictateur avec Ben Laden ?
La réponse se trouve peut-être dans une lettre publiée par le Devoir le 23 mars 2003. Parmi tous les crimes de Saddam Hussein, il y en un qui justifie aux yeux de Wiesel ce qu’il appelle la « guerre », c’est-à-dire « des orphelins, des veuves, des corps, des cadavres, du sang » : durant la première guerre du Golfe, « il a dirigé contre Israël des missiles Scud », (3) il a voulu tuer des Juifs. Le tragique manque de jugement de Wiesel, cet homme au prestige moral incomparable, et que consultait George W. Bush, semble puiser à une profonde souffrance, celle d’Auschwitz où il fut déporté, adolescent, et où il perdit sa famille. Et dont il n’est jamais revenu.
Que dire par contre de ces intellectuels américains qui signèrent, dès 2002, une lettre publique qui fit grand bruit, et qui justifiait la violence des armes dans le cadre d’une « guerre juste » ? Il faut la lire, cette lettre, dégoûtante d’hypocrisie bigote, avec des phrases comme : « Si l'on a la preuve incontestable qu'un recours à la force peut empêcher le massacre d'innocents incapables de se défendre par eux-mêmes, alors le principe moral de l'amour du prochain nous ordonne de recourir à la force ». (4)
À ces adeptes de la morale qui tue, et qui pourtant osent affirmer qu’une « guerre juste ne peut être menée que contre des combattants », je propose le vidéo suivant.
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(1) François Busnel. « Elie Wiesel : ‘ Si j'avais su... ’ ». L’Express.fr, 1er juin 2006. (Page consultée le 15 mai 2010)
(2) Olivier Da Lage. « L’implacable réquisitoire de Hans Blix ». Radio France internationale, 8 avril 2004. (Page consultée le 19 mai 2010)
(3) Elie Wiesel. « Le Prix Nobel Élie Wiesel se prononce - Il fallait affronter l'Irak ». Le Devoir, 25 mars 2003. (Page consultée le 15 mai 2010)
(4) Collectif. « Lettre d'Amérique, les raisons d'un combat ». Voltairenet.org, 1er février 2002. (Page consultée le 2 mai 2010)
samedi, mai 01, 2010
La victime et le bourreau
Durant les années difficiles de mon adolescence, la lecture m’a servi de refuge. Un de mes auteurs préférés : Isaac Asimov. Ses histoires qui se passaient en l’an 11 000 et quelque me permettaient de prendre momentanément congé de mon handicap et de cet horizon tourmentant des premiers deuils, les plus difficiles. Par toutes les pensées refoulées qui lui étaient, d’une certaine manière, à mon insu associées, Asimov avait fini – je le comprends aujourd’hui – par m’apparaître intime. Je l’admirais. Mon intérêt pour la science a d’abord été un intérêt pour la science-fiction. Mais je me souviens d’un après-midi aux galeries d’Anjou, au La Baie, ou au Simpson, un petit présentoir isolé au bout d’une allée, dans une section de vêtements. Que deux livres, posés là, inexplicablement : Seconde fondation et Fondation foudroyée. J’avais déjà le premier tome de la trilogie. Personne autour. Sentiment étrange d’irréalité... Je m’approche. Prends les deux livres puis la sortie tout près.
Évidemment, trente secondes plus tard, deux agents marchent à côté de moi. Me conduisent à un petit local où l’on m’interroge, sans toutefois oser me fouiller. On remplit un formulaire en proférant de lourdes menaces, puis on me relâche. De retour chez moi, j’ai éclaté en sanglots. La pire humiliation de ma vie.
Or, voilà que la semaine dernière, quelque trente ans plus tard, au hasard de mes lectures, je retrouve – avec émotion – Asimov. Ou plutôt Isaac, le Juif, à travers un extrait de son autobiographie. Et je découvre que cet homme, avec ses lunettes à large monture et son air benêt, est aussi un sage analyste politique et un authentique humaniste. Son anecdote, présentée ici, au sujet d’Elie Wiesel m’a réconforté. D’abord parce qu’elle concerne Elie Wiesel, ce prix Nobel de la paix qui a publiquement cautionné, de son prestige moral, l’infamante guerre contre l’Irak. Ensuite parce qu’elle met le doigt sur une idée communément admise et si hérissante. Il n’y a pas, dit-il, de peuple essentiellement bon ; il n’y a que des peuples agressés, soumis, exterminés, mais entre ceux-ci et leurs agresseurs, la différence ne tient qu’aux circonstances historiques.
Voilà une vérité qui demande un certain courage, surtout à un Juif. Ce courage, Asimov l’a ; Wiesel, peut-être parce qu’il a trop souffert, ne l’a pas. Je cite :
Je me suis publiquement exprimé là-dessus une seule fois, dans des circonstances délicates. C’était en mai 1977. J’étais convié à une table ronde en compagnie notamment d’Elie Wiesel, qui a survécu à l’Holocauste et, depuis, ne sait plus parler d’autre chose. Ce jour-là, il m’a agacé en prétendant qu’on ne pouvait pas faire confiance aux savants, aux techniciens, parce qu’ils avaient contribué à rendre possible l’Holocauste. Voilà bien une généralisation abusive ! Et précisément le genre de propos que tiennent les antisémites : « Je me méfie des Juifs, parce que jadis, des Juifs ont crucifié mon Sauveur. »
J’ai laissé les autres débattre un moment en remâchant ma rancœur puis, incapable de me contenir plus longtemps, je suis intervenu : « Monsieur Wiesel, vous faites erreur ; ce n’est pas parce qu’un groupe humain a subi d’atroces persécutions qu’il est par essence bon et innocent. Tout ce que montrent les persécutions, c’est que ce groupe était en position de faiblesse. Si les Juifs avaient été en position de force, qui sait s’ils n’auraient pas pris la place des persécuteurs ? »
A quoi Wiesel m’a répliqué, très emporté : « Citez-moi un seul cas où des Juifs auraient persécuté qui que ce soit ! »
Asimov lui cite un exemple, emprunté à l’histoire biblique, tout en remarquant dans son autobiographie – publiée en 1996 – qu’aujourd’hui il n’hésiterait pas à évoquer l’oppression des Palestiniens par Israël. Mais si, au total, il y a de fait peu d’exemples – quoique, du point de vue essentialiste qui est celui de Wiesel, un seul suffise – c’est pour une raison très simple, répond Asimov :
C’est qu’il n’y a pas d’autre période dans l’histoire où les Juifs aient exercé le pouvoir, ai-je répondu. La seule fois où ils l’ont eu, ils ont fait comme les autres.
Et de conclure :
A l’heure où j’écris, on assiste à un afflux de Juifs ex-soviétiques en Israël. S’ils fuient leur pays, c’est bien parce qu’ils redoutent des persécutions de nature religieuse. Pourtant, dès qu’ils posent le pied sur le sol d’Israël, ils se muent en sionistes extrémistes impitoyables à l’égard des Palestiniens. Ils passent en un clin d’œil du statut de persécutés à celui de persécuteurs.
Cela dit, les Juifs ne sont pas les seuls dans ce cas. Si je suis sensible à ce problème particulier, c’est parce que je suis juif moi-même. En réalité, là encore le phénomène est universel. Au temps où Rome persécutait les premiers chrétiens, ceux-ci plaidaient pour la tolérance. Mais quand le christianisme l’a emporté, est-ce la tolérance qui a régné ? Jamais de la vie. Au contraire, les persécutions ont aussitôt repris dans l’autre sens. Prenez les Bulgares, qui réclamaient la liberté à leur régime dictatorial et qui, une fois qu’ils l’ont eue, s’en sont servis pour agresser leur minorité turque. Ou le peuple d’Azerbaïdjan, qui a exigé de l’Union soviétique une liberté dont il était privé par le pouvoir central pour s’en prendre aussitôt à la minorité arménienne.
La Bible enseigne que les victimes de persécutions ne doivent en aucun cas devenir à leur tour des persécuteurs : « Vous n’attristerez et vous n’affligerez pas l’étranger, parce que vous avez été étrangers vous-mêmes dans le pays d’Égypte » (Exode 22 : 21). Mais qui obéit à cet enseignement ? Personnellement, chaque fois que je tente de le répandre, je m’attire des regards hostiles et je me rends impopulaire.
Dans toute victime, il y a un bourreau qui attend. Cette vérité s’applique aux Juifs comme aux Palestiniens, aux Hutus comme aux Tutsis, aux Blancs européens qui ont fui les persécutions religieuses au XVIIe siècles comme aux Noirs dont ils ont fait leurs esclaves, aux Iroquoïens qui ont terrorisé les Canadiens français comme aux descendants de ceux-ci qui ont créé les conditions d’une aliénation profonde et irréversible des aborigènes.
Tel est l’enseignement de l’Histoire. Cette incapacité ou ce refus d’assumer la part de Mal qu’il y a en nous, c’est aussi notre incapacité ou refus à voir l’Autre, à le comprendre à partir de ce qui constitue son altérité même. C’est aussi ce qui nous condamne, tous, ensemble, sur cette planète, à une souffrance aveugle et bornée, donc inutile et, de ce fait, profondément tragique.
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(1) Alain Gresh. « Isaac Asimov, Elie Wiesel et l’antisémitisme ». Les blogs du Diplo – Nouvelles d’Orient. (Lundi, 18 janvier 2010) (Page consultée le 1er mai 2010)
dimanche, avril 04, 2010
Les deux mains sur le volant
« En collaboration avec la communauté internationale, les dirigeants haïtiens s'engagent à conclure un nouveau contrat social avec le peuple. Autrement dit, il faut un gouvernement entièrement démocratique, doté de politiques économiques et sociales judicieuses pour faire face à l'extrême pauvreté et aux disparités profondes en matière de répartition des richesses. » (1)
Quelle incroyable foutaise ! Je suis habitué au langage diplomatique, qui a sa raison d’être. Mais y’a toujours ben une maudite limite ! Le président René Préval en fin de mandat n’a qu’un objectif, et ce n’est pas de conclure un nouveau contrat social avec le peuple ayisien. Plutôt le contraire. Ne rien changer. Et pour cela, il lui faut « les deux mains sur le volant », forcer la tenue d’élections « démocratiques » afin d’assoir au plus sacrant une légitimité au moment où des milliards de dollars d’aide à la reconstruction sont promis à Ayiti pour les prochaines années.
Oubliez la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti, par laquelle vont transiter tous ces milliards. Bill Clinton, qui en est, avec le premier ministre Jean-Max Bellerive, le co-président, n’est là que pour donner le change. Cette commission, composée de 23 personnes de différents milieux, ne changera rien au foutoir qu’est présentement Ayiti. Un rapport du Département d’Etat américain sur la corruption dans les instances de pouvoir, notamment au sein de l’exécutif, place le pays au 168e rang sur 180, et lui accorde une note de 1,8 sur 10. (2) Préval a réfuté ces « allégation », mais d’autres voix, dont celle du sénateur Youri Latortue les ont confirmées. (3) Et, comme pour noircir encore le tableau, je tombe tout à l’heure sur un article où il est question d’un rapport de l’université Harvard très critique envers la MINUSTAH. Celle-ci aurait échoué à accomplir sa mission, qui est de désarmer et démobiliser les troupes, de soutenir le processus démocratique et le respect des droits de l’homme. (4)
La question, néanmoins, qu’il ne faut pas poser : donner ou ne pas donner ? « Carine Guidicelli, du CECI, dit évidemment qu'il faut encore donner aux organismes, mais après avoir fait ses recherches. ‘ Avant de faire un don, il faut se poser des questions. L'organisme était-il présent dans le pays avant la catastrophe ? Depuis longtemps ? A-t-il des partenaires crédibles sur place ? ’
» C'est aussi ce que prône le Dr Réjean Thomas, cofondateur de Médecins du monde Canada […] ‘ De la corruption, il y en a partout, y compris chez nous, alors qu'on a en main tous les mécanismes pour la prévenir ! En situation d'urgence, dans un pays pauvre, c'est sûr que la corruption a plus de risques de s'installer. Je continue néanmoins de penser qu'il se fait beaucoup plus de bien que de mal. Il faut donner, en choisissant un organisme fiable. ’ » (5)
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(1) Ban Ki-moon. « Vers un nouvel avenir pour Haïti ». Le Monde.fr [En ligne] (Mercredi, 31 mars 2010) (Page consultée le 31 mars 2010)
(2) Ces chiffres ne sont pas cités comme tels dans le rapport, ils émanent plutôt de Transparency International qui produit, à chaque année, au terme d’une enquête, son Indice de perceptions de la corruption. Le Département d’État américain s’appuie sur cet indice qui fait autorité.
(3) JMD. « Le rapport du Département d’Etat américain sur la corruption dans les instances de pouvoir en Haïti reflète la réalité, selon le sénateur Youri Latortue ». Radio Kiskeya [En ligne] (Mardi, 16 mars 2010) (Page consultée le 31 mars 2010)
(4) Auteur non mentionné. « La mission de l'ONU en Haïti a échoué, selon un rapport ». Le Devoir [En ligne] (Mardi, 23 mars 2010) (Page consultée le 31 mars 2010)
(5) Louise Leduc. « Le travail des organismes humanitaires critiqué ». Cyberbresse.ca [En ligne] (Lundi, 22 mars 2010) (Page consultée le 31 mars 2010)
mercredi, mars 10, 2010
Offre de services
Une trouvaille, l’autre jour, en parcourant le blogue du chroniqueur Nelson Dumais, de Technaute. Un logiciel appelé TeamViewer. Gratuit. Simple à installer et à utiliser.
J’ai dit une trouvaille. Plutôt une petite révolution. La deuxième de ma vie. La première, il y a déjà une dizaine d’années, que je dois également à Dumais, ce fut Paragon CD-ROM Emulator, un logiciel qui me permettait d’utiliser mes cédéroms sans avoir à les mettre dans l’ordinateur. Ou, pour être exact : sans avoir à demander à quelqu’un de les mettre dans l’ordi pour moi. Quelqu’un qui n’était pas nécessairement présent au moment où j’avais besoin de lui. Attente, contrariété. Une époque révolue. Révolue au sens où de nouvelles contrariétés ont remplacé l’ancienne. Ainsi va la vie : une lutte perdue d’avance, mais – et là réside tout le bonheur possible – jamais complètement perdue. Toujours, cette légère saveur de victoire. Largement attribuable au développement des techniques de l’informatique et de la communication. Paragon, aujourd’hui obsolète, a depuis été remplacé par d’autres logiciels du même genre, compatibles avec Vista et Windows 7. Quant à moi, je l’ai remplacé par DAEMON Tools Lite, également gratuit.
La seconde petite révolution, qui m’occupe depuis quelques jours, me semble encore plus déterminante. Il m’est désormais possible, de chez moi, de mon lit, d’un simple clic de souris, de partager l’utilisation d’un ordinateur, où qu’il soit sur la planète, à la condition que TeamViewer y soit également installé. À mon écran apparaît un fenêtre représentant le bureau de l’ordinateur distant, avec les icônes, la barre des tâches, le menu Démarrer…
J’ai donc pu, au cours des derniers jours, en me connectant grâce à TeamViewer, dépanner ma sœur et mes préposées qui ne sont pas des utilisatrices très expérimentées du PC. Moi-même, je ne suis pas un crack de l’informatique, loin de là. Mais je peux régler sans difficultés la plupart des problèmes courants. Et si exceptionnellement je n’ai pas la solution immédiate à un problème particulier, je la trouve sur l’Internet.
TeamViewer offre bien d’autres possibilités. Mais, l’essentiel, c’est que maintenant je me sens moins confiné à ma chambre, et, jusqu’à un certain point, plus utile et valorisé. En outre, je peux faire ce que j’aime.
C’est drôle, jeudi dernier, j’ai pensé à papa. Qu’un machin vienne à briser, il en devenait tout excité. Un gamin auquel on donne un jouet ; Obélix devant une patrouille romaine. C’est aussi le sentiment qui m’habite devant un bogue. Je me frotte les mains intérieurement, jubilatoirement. Enfin, une bonne bagarre !
J’en viens maintenant au vif du sujet. Ce billet, contrairement aux autres, n’est pas désintéressé. Je suis à la recherche de clients. Si vous, ou quelqu’un de votre entourage, avez quelque difficulté à maintenir votre ordinateur en bon état de fonctionnement, et si vous n’avez personne qui puisse vous dépanner en tout temps, n’hésitez pas à me contacter. Par courriel – lseguin2@gmail.com – ou en laissant un commentaire ci-dessous. Je vous indiquerai alors la procédure à suivre.
dimanche, février 14, 2010
Quitter Haïti
Patrick Lagacé a fait parler de lui dernièrement. On lui reproche un texte écrit à son dernier jour en Haïti, un texte critique envers le peuple haïtien, et entaché de préjugés. (1) J'ajouterais quant à moi : écrit par un homme profondément heurté, secoué par ce qu'il a vu, et qui cherche mentalement à sortir de là, à s'en sortir.
Mais, voilà : il ne suffit pas de quitter Haïti pour qu'Haïti nous quitte.
Moi-même, dans le confort de mon appartement, j'ai des moments d'émotions. La poitrine nouée tantôt par le chagrin, tantôt par la colère, l'indignation et la volée d'insultes.
Comme dimanche passé, en écoutant Tout le monde en parle.
Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), y explique qu'en taxant davantage les bouteilles d'eau, les hot-dogs et la gomme balloune, le gouvernement se donnerait les moyens de financer « l'expertise » à sa juste valeur. Pas seulement l'expertise des médecins spécialistes, non, non, qu'allez-vous chercher là ! Toutes les expertises ! Celle des « professeurs », des « infirmières » et des... « aidants naturels ».
Arrêt sur image. Au moment de prononcer cette énormité, le Dr Barette tourne son regard vers Chloé Saint-Marie qui a la politesse de ne pas lui répondre. Mais elle a un mouvement du corps, un mouvement qui ne dure qu'une seconde, mais que le montage souligne dans un plan rapproché : elle ne la trouve pas drôle. Elle qui consacre sa vie à lutter pour la cause des aidants naturels, voilà que cette cause, devant un million de téléspectateurs, est détournée au profit d'une petite caste en quête de légitimité. Tabarn... !
Si l'expertise n'est pas financée selon les attentes de la FMSQ – qui réclame la parité, rien de moins, avec les spécialistes canadiens – eh bien elle va s'en aller ailleurs. Où ? Pourquoi pas à Vancouver, tiens, une si belle ville. Les salaires y sont aussi très élevés. D'ailleurs, c'est de là que nous vient ce propos de Pierre Foglia :
Robin et Carline « [s]ont ici depuis deux ans. Le paradis. Ne s'ennuient pas du froid, mais s'ennuient beaucoup des garderies à 7 dollars, des hypothèques raisonnables, des universités subventionnées, du transport scolaire. À Vancouver, pas d'autobus scolaire, il faut laisser les enfants à un service de garde qui les mènera et les récupérera... 1000 $ par mois. Le paradis, mais vont quand même retourner à Trois-Rivières cet été ». (2)
Le Dr Barrette ne semble pas s'intéresser beaucoup à cette réalité. Pas plus qu'à cette réflexion d'un professeur de l'Université de Montréal qui a voté contre un mandat de grève : « Ce n'est pas un rejet des principes, mais étant donné le contexte économique, il faut faire preuve de modération, a-t-il affirmé. On n'a pas les salaires des médecins spécialistes, mais on n'a pas de si mauvais salaires non plus ». (3)
Le président de la FMSQ ne s'intéresse pas beaucoup à l'actualité.
Comment dit-on gros crisse de mangeux d'marde en créole ?
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(1) Patrick Lagacé. « Haïti, malade de ses charades ». cyberbresse.ca [En ligne] (Samedi, 30 janvier 2010) (Page consultée le 14 février 2010)
(2) Pierre Foglia. « La flamme ». cyberbresse.ca [En ligne] (Vendredi, 12 février 2010) (Page consultée le 14 février 2010)
(3) Lise-Marie Gervais. « Université de Montréal - Les professeurs refusent la grève ». Le Devoir [En ligne] (Mercredi, 10 février 2010) (Page consultée le 14 février 2010)
Sur le même sujet :
– « Le vide ». Mercredi, 3 février 2010
A lire aussi :
– Jean-Paul Mari. « Haiti. Le cauchemar des hommes en blanc ». Le Nouvel Observateur [En ligne] (Semaine du jeudi 25 février 2010) (Page consultée le 5 mars 2010)
– Michel David. « L'odeur de la poudre ». Le Devoir [En ligne] (Samedi, 20 mars 2010) (Page consultée le 28 mars 2010)