Un article du Devoir fait état d’observations démontrant que certains animaux sont capable de pensée réflexive, ce qui témoignerait d’un certain niveau de conscience : « Des expériences contrôlées ont démontré, par exemple, comment des geais cachent leurs graines différemment s’ils se sentent épiés par d’autres compères. Se sachant voleurs, ils savent que les autres le sont aussi et, par réflexion sur leur propre comportement, ils vont circonscrire ce comportement qu’ils savent culturel ! » (1) [C’est moi qui souligne]
Ce qu’il y de fascinant dans l’exemple ci-dessus, c’est que le scientifique, ayant observé le comportement de l’oiseau, va lui prêter une pensée qu’il est pourtant le seul à pouvoir formuler ! Pas banal ! Se peut-il que cet homme brillant fasse abstraction du fait qu’une pensée qui n’a pas de langage pour s’exprimer n’est pas une pensée ? Le geai ne peut pas se savoir voleur. Il peut l’être à nos yeux, point. J’insiste : l’être. Et à nos yeux seulement. Parce que nous seuls avons le concept (« voleur ») pour construire cette réalité et l’exprimer.
C’est une chose de reconnaître aux animaux une forme d’intelligence, peu importe le sens que l’on donne à ce mot, mais c’en est une autre d’attribuer à certaines espèces une « culture », voire même une « conscience » comme le rapporte l’article. Les animaux communiquent entre eux au moyen de langages, lesquels, pour être variés et d’une complexité inégale, ont tous en commun de ne pas permettre la pensée conceptuelle abstraite. Le plus évolué des animaux, si on exclut l’homo sapiens, ne sait pas ce qu’est un « animal », il ne peut pas penser le concept d’« animal ». Le chimpanzé n’a pas de mot pour se désigner, se caractériser par rapport aux autres primates et animaux. Il ne sait pas ce qu’il est. Pas plus que le geai ne sait qu’il est voleur.
De même, le chimpanzé, que l’on dit si près de l’Homme, ne peut pas éprouver les sentiments comme nous. Chez l’Homme, tout sentiment est double. Ce que nous appelons, par exemple, « joie » est, indissociablement, conscience de cette joie. Notre tristesse est aussi conscience de cette tristesse. C’est cette conscience, qui vient en quelque sorte doubler tous nos sentiments, qui fait que ceux-ci n’ont pas d’équivalent dans tout le règne animal.
Ainsi, quand on dit que notre chien est « content » parce qu’il remue la queue, on péche par abus de langage, par anthropomorphisme. Un chien ne peut pas être « content » ou « joyeux ». Le chien peut seulement vivre un état entier que nous, humains, du fait de notre conscience structurée par le langage conceptuel, nous associons à un sentiment de « joie ».
Cet anthropomorphisme envahissant, c’est le grand malentendu entre l’Homme et le reste du règne animal. C’est notre bêtise de tous les jours. Bêtise qui m’énaaaarve ! Surtout lorsqu’elle s’ignore. Je n’en peux plus de voir ces vieilles matantes parler à leur petit chien comme si c’était un enfant, convaincues qu’elles sont que l’animal comprend ce qu’elles lui disent. Il y a dans cette attitude si répendue -- il n'y a pas que les vieilles matantes -- l’apparence d’un malaise social qui me désole et, parfois, m’inquiète.
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(1) Francoeur, Louis Gilles. « Y a-t-il des «cultures»animales ? ». Le Devoir [En ligne]. (Jeudi, 21février 2008) (Page consultée le 21 février2008)
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