Un peu à la manière des « accouplements
» de Benoît Melançon, voici deux variations sur un thème. Ici, il s'agit du thème de la littérature comme production de la classe dominante.
Édouard Louis, cité dans Jean-Philippe Pleau, Rue Duplessis, Montréal, Lux, 2024, 328 p. Édition numérique.
« Mon écriture est une guerre contre l’invisibilité. Souvent, dans les médias, on lit à propos d’un livre ou d’un film que c’est une œuvre formidable parce que rien n’est dit, que tout est à peine effleuré. C’est comme s’il y avait une valeur esthétique au fait de ne rien dire ; comme s’il y avait une valeur esthétique du silence. Et moi j’ai toujours pensé que cette valeur esthétique du silence était due au fait que la littérature est une arme des classes dominantes. Évidemment, les classes dominantes ont intérêt à ce qu’on ne raconte pas exactement la réalité, parce que sinon c’est trop gênant, c’est trop dérangeant et ça nous forcerait à nous interroger sur la réalité. »
Louis Gauthier, Voyage au Portugal avec un allemand, Montréal, Fides, 2002, p. 131.
« Monsieur Frantz prétend qu'il n'y a pas d'art révolutionnaire. Que l'art est toujours récupéré par la bourgeoisie. En fait, non, c'est pire, l'art n'est pas récupéré par la bourgeoisie, l'art tend de lui-même à la bourgeoisie. L'art est civilisé, courtois et satisfait, même lorsqu'il se prétend révolté, anarchiste, antisocial. L'art, par définition, est policé et mis en scène. La littérature n'est pas la vie, le mot n'est pas la chose. Monsieur Frantz ne craint pas, lui, la banalité de l'existence. »